« Mon curé à Tahiti » - Échange entre Églises !
Témoignage du Père Benoît Sevenier, eudiste
Le père Benoît Sevenier, prêtre et professeur de théologie à Angers, a fait un séjour à Tahiti en janvier. Il a donné des cours et une conférence, à l’Isepp, sur « les enjeux du mariage » dit « pour tous », à partir du « texte des évêques de France ». Nous avons eu la joie de l’accueillir pour présider la messe dominicale à la Cathédrale. Voici le témoignage qu’il a écrit dans le journal de sa paroisse au sujet de son séjour.
Le mois de Janvier a été particulier pour la paroisse : avec l'autorisation de l'évêque, le curé a été envoyé donner des cours à Tahiti par l'Université Catholique de l'Ouest (la « catho d'Angers »). Merci au Père Jean-Louis Angué d'être venu présider les eucharisties dominicales et au Père Hubert Mouton d'avoir assuré l'intérim. C'est l'occasion de découvrir un peu le visage de l'Église de Tahiti.
Le jour des « rois mages », je suis arrivé à Tahiti après 23h d'avion. Après une douche, il était déjà l'heure d'aller à la messe de la cathédrale. Mais le curé me demande mon « célébret » (le papier officiel qui dit que je suis prêtre). On ne le demande nulle part ailleurs.... Comme, je ne l'avais pas, je me suis retrouvé dans l'assemblée... Et la prédication portait sur l'accueil de l'étranger, l'ouverture aux autres... Le lundi, j'ai donc dit à mon cher confrère : « Tu es un menteur ! » Il a bien ri et c'était l'occasion de découvrir une première réalité de la Polynésie : il y a beaucoup de communautés ecclésiales variées, sans compter les pasteurs qui accompagnent les croisières. Ils ne sont pas toujours prêtres catholiques, même en clergyman !
Le sens religieux est très important en Polynésie. L'évangélisation s'est faite par les communautés ecclésiales protestantes puis les catholiques et les mormons... Aujourd'hui, il faudrait ajouter qu'il y a deux Églises protestantes de Polynésie différentes et que les Mormons ont aussi une subdivision avec les Sanito (des « mormons réformés »). Précisons ici juste que les Mormons suivent Joseph Smith, qui a fondé « l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours », Ils se pensent chrétiens mais ne le sont pas : Joseph Smith pensent qu'il a reçu des « tablettes » qui « complètent » la Bible. Et à la Bible, il faut ajouter « lelivre de Mormon » qui a aussi le statut d'Ecriture Sainte
La foi des catholiques s'exprime notamment par le chant : chacun « sort » sa voix, les chorales chantent avec un grand enthousiasme et beaucoup de joie (j’'avoue que je me suis dit : tiens, ils sont aussi heureux qu'à la paroisse St Pierre !). Sur une petite île de 1 000 haibtants, à Hao, il y avait trois chorales pour l'Église catholique... c'est Dire si le chant est important ! Dans le lycée des frères « de Ploërmel », chaque rencontre de catéchèse commence par un temps où les lycéens chantent les louanges du Seigneur.
Regardons la présentation de l'Église de Polynésie par elle-même : les 105 îles qu'englobe l'archidiocèse sont réparties sur une superficie d'océan comparable à elle de l'Europe. Pour situer ce morceau d'océan par rapport à des repères connus, disons que Papeete se trouve à 6 400 km de Los Angeles, à 6 000 km de Sydney. La population dépasse les 250 000 habitants dont environ 70 000 catholiques, le reste de la population se répartissant entre protestants de l'Église évangélique (légèrement plus nombreux que les catholiques) et des groupes minoritaires d'implantation ancienne : mormons, sanitos, adventistes. En revanche, pentecôtistes et témoins de Jéhovah sont arrivés depuis peu. Il y a aussi quelques milliers de non-baptisés, pour la plupart d'ascendance chinoise.
Nous voici donc dans le contexte. Je suis allé en mission envoyé par l'Université Catholique d'Angers (UCO) pour donner 60h de cours en 10 jours.
1- Un cours portant sur la théologie fondamentale (le rapport entre l'Écriture, la Tradition et l'Enseignement de l'Église par exemple, ou ce qu'est la Révélation).
2- Un cours sur l'œcuménisme : on vient de voir l'importance du dialogue entre baptisés dans le contexte de la Polynésie !
3- Un cours d'introduction aux sacrements en général et les sacrements de baptême et confirmation en particulier.
4- Un cours sur l'Église.
C'est ici l'occasion d'évoquer la richesse des formations pour l'Église locale : trois lieux de formations pour une île !
Il y a un séminaire (avec 5 séminaristes, prions pour eux !) qui ouvre quelques cours aux laïcs.
Il y a l'ISEPP où j'ai enseigné : l'Institut Supérieur de l'Enseignement Privé de Polynésie. C'est un institut qui forme aussi bien aux métiers de la Banque, que de la psychologie, de la pédagogie et dont le caractère propre est présent notamment par la section « théologie » dont les diplômes sont reconnus par l'université de Strasbourg qui délivre un titre d'État. Deux des étudiants en théologie avaient 19 ans et avec la licence de théologie pourront devenir professeurs des écoles.www.isepp.pf/
Le troisième lieu de formation est « l'école du diocèse » qui rassemble des centaines de personnes pendant le mois de Juillet sur toute l'Ile de Tahiti. Toutes les personnes des différentes îles et atolls se rassemblent pour suivre un mois de formation : chaque matin il y a cours et l'après-midi les gens sont en vacances. Il y a différentes écoles en fait : École des Katékitas (les Katékitas sont les responsables de communautés locales sans prêtres), école de catéchèse, école de la foi (pour revenir aux fondements de la foi), école de la foi pour les jeunes, école de musique religieuse et de liturgie...
L'autre aspect du séjour en Polynésie a été la mission reçue de l'Église locale pour exercer le ministère à Hao, un atoll dont la paroisse est dédiée à saint Pierre ! Voilà plusieurs fois que le mot revient. Un atoll, c'est tout simple, c'est une île avec la mer au milieu (lagon). Sur une bande de terre qui forme un anneau vivent les polynésiens entre mer et lagon. La communauté tient dans la; foi alors qu'elle ne rencontre le prêtre qu'une fois tous les trois mois pendant trois jours... Il faut assurer la catéchèse des enfants, des collégiens (un collège de 500 jeunes rassemble les enfants de atolls encore plus petits qui sont autour). Et toute la vie paroissiale. Sur place, le responsable de la communauté est le Katekita : en fait, ils sont deux à Hao. L'un et l'autre ont des domaines de compétence spécifiques. Ils sont aidés d'aides-Katekita et les « tavinis » portent la communion aux malades. Chaque équipe du rosaire prend sa semaine de nettoyage du presbytère, les équipes de chorales se répartissent l'animation des messes, etc... Quelle belle vie de foi ! Avec aussi ses heurs, comme dans toute communauté. Mais la grâce de Dieu est forte et permet à ces baptisés de vivre dans la foi alors qu'ils sont si loin de leur curé (3h de vol !).
En un mot, l'Église du bout du monde est belle.... De la beauté de la grâce de Dieu. Et c'est bien cette grâce que nous essayons d'accueillir ici aussi sur la côte de nacre dans une autre paroisse saint Pierre !
MAURURU - MERCI !
Père Benoît, eudiste, curé.
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