Le frère Vincent qui vient de nous quitter est né dans une famille profondément chrétienne de Cléder, nord Finistère. Il avait une vive conscience que sa formation première dans la maison natale, notamment par sa mère, lui avait permis de devenir le frère Vincent Guillerm que nous avons bien connu et aimé. Aussi était-il très attaché aux siens qui le lui rendaient bien par des visites fréquentes et une affection bien visible.
Le frère Vincent était doué d'une intelligence remarquable. Travailleur acharné et méthodique, il va acquérir de solides compétences durant sa longue vie dans des domaines variés, le préparant ainsi à devenir le « bon et fidèle serviteur » de la congrégation qu’il fut. Il était d’une serviabilité à toute épreuve, d’une totale disponibilité, « parfois jusqu’à l’excès », estimaient certains de ses confrères, car le frère Vincent était de ces hommes qui ne disent jamais « non » à qui vient frapper à leur porte. Et nous le savons : on allait volontiers solliciter le frère Vincent, sûr d’être bien reçu par lui. En effet, il avait un don de l’accueil peu commun. Homme d’une large expérience et d’une grande humanité, il savait écouter, conseiller, encourager.
Des témoins de sa vie de professeur et de directeur soulignent comment ses grandes qualités humaines faisaient de lui le genre d’éducateur dont rêvait le Père de La Mennais. « Homme affable, aimant les contacts, très doué pour mettre de l’huile dans les rouages, il a établi et gardé d’excellentes relations avec les parents, les associations et les différents acteurs des établissements où il a été professeur ou directeur. Dans sa grande simplicité et avec le plus grand naturel, il sollicitait volontiers l’avis d’autrui pour mieux s’acquitter de sa mission. Comme professeur, il était proche des jeunes, attentif à tous et il se mettait volontiers à leur écoute. Aussi avait-il une très bonne connaissance des élèves et du milieu familial de chacun ».
Selon le frère Gilbert Olivier caractérisant le genre de présence que le frère Vincent assurait auprès des personnes de son entourage, sa présence était « une présence du cœur ». Oui, homme de cœur, le frère Vincent l’était, le rendant très attentif à chacun. Et le frère Gilbert ajoutait : « Pas étonnant qu’il ait eu une nuée d’amis avec lesquels il tissait une toile toute de finesse et de délicatesse à travers les continents ». D’ailleurs, cette toile était si vaste qu'il lui fallait, chaque année, « au moins deux mois pour clore son courrier de vœux de Noël et de Nouvelle Année », nous assure un autre témoin de sa vie !
Autant de qualités et de dons qui ont rendu le frère Vincent propre à assumer les nombreuses et importantes responsabilités que lui ont confiées ses supérieurs : professeur, au début de sa vie de frère, en particulier au scolasticat de Ploërmel ; - directeur d’établissements à Tahiti, à Landerneau ; - puis formateur des Frères ayant déjà une bonne expérience de la vie religieuse ; on le sait, ces frères appréciaient particulièrement la qualité de ses conférences ; - et, enfin, membre de l’Administration Générale de la Congrégation. En effet, c’est à Rome qu’il a assuré successivement et parfois dans le même temps les fonctions de Grand maître de l'Année de Rénovation, de secrétaire général, d'économe général, de procureur, de postulateur de la cause de béatification de Jean-Marie de La Mennais, avec parfois un cumul lourd à supporter tant il s’adonnait à fond à son travail. Toutes ces fonctions, il les a remplis avec compétence et un dévouement sans faille, mais parfois au prix d'un travail épuisant. Il avait l'habitude de poursuivre son travail tard dans la nuit pour récupérer le temps passé dans la journée en accueil ou en contact avec les gens.
C’est en particulier durant les 25 ans passés à Rome que le frère Vincent a su déployer ses qualités de relation. Il était très à l’aise dans tous les milieux, y compris avec les plus hautes autorités religieuses ou civiles. Aussi avait-il noué de solides relations avec les responsables de nombreuses autres institutions ayant leur siège à Rome. Avec tact et discrétion il profitait de ses multiples rencontres pour leur faire connaître notre congrégation et sa mission.
Revenu en France, non sans regrets, après 25 ans de vie intense à Rome, le frère Vincent retrouve la maison de sa jeunesse : Ploërmel. Il continue à s’intéresser à la vie de la Congrégation dont il était devenu un grand connaisseur, tant de son passé que de son présent. Il répondait volontiers aux questions qu’on lui posait à son sujet en faisant les recherches dans ses documents avec beaucoup de patience et de précision. Il s’enfermait tard le soir dans son bureau, penché sur les Archives de la Congrégation. Les dernières années, sa santé faiblissait. Aussi avait-il de la peine à avancer dans son travail. D’où l’accumulation de documents dans son bureau, dans sa chambre et les nuits peut-être courtes.
Le frère Vincent a beaucoup donné à la Congrégation dans les postes où il a servi. Ce fut un grand serviteur de notre Famille religieuse. Oui, « un bon et fidèle serviteur de la Congrégation », le frère Vincent l’était à un degré éminent. Il l’était parce qu’il était profondément attaché à Jésus Christ, le cœur de sa vie, parce qu’il aimait l’Église qu’il apprit à mieux connaître à Rome. « Bon et fidèle serviteur de la congrégation », il l’était encore en tant que disciple de notre Fondateur. On peut le dire : Jean-Marie de La Mennais était pour le frère Vincent une « lumière sur ses pas » dans sa vocation de frère de Ploërmel. Que d’heures il aura passées à étudier et à mettre en relief sa vie, son œuvre, son esprit, sa règle de vie. Ses dernières années d’activité, après la retraite officielle, il les aura passées en compagnie de Jean-Marie de La Mennais à la Maison-Mère de Ploërmel.
Après ses dernières années passées à notre Maison de Josselin, le frère Vincent vient de rejoindre dans la Maison du Père de nombreux amis et Frères qui l’y ont précédé, dont les deux derniers décédés, les frères Gilbert Ollivier et Yves-Jean Labbé. C’est dans cette espérance que nous le confions maintenant à la miséricorde du Seigneur.