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1977-79 (1982) – Tenararo – Mgr Michel COPPENRATH
1977-79 (1982) – Tenararo – Mgr Michel COPPENRATH
TENARARO
par Mgr Michel COPPENRATH
Le 14 septembre 1977, une goélette de Papeete, l’« Aranui » nous débarquait le matin, le R.P. Victor Vallons, valeureux missionnaire des îles de l'Est depuis 1941[1], le R.P. Patrice Morel, frais arrivé du Laos et moi-même à Tenararo, lat. 21°17' Sud, Long. 136°44" Ouest. Il faisait beau temps. Nous devions y passer une seule journée pour rencontrer la population de travailleurs venant de Pukarua-Reao célébrer la messe et pourvoir aux besoins spirituels des fidèles privés de leur prêtre depuis longtemps.
C'est au cours de quelques heures passées sur cet atoll que je pris fortement conscience de l'œuvre entreprise par le R.P. Victor pour le développement des Tuamotu de l'Est, spécialement par l'implantation de cocoteraies. Son entreprise n'est pas inconnue en Polynésie française, ni de l'Assemblée Territoriale, ni du Service du Génie Rural, ni du public, ni bien sûr du diocèse de Papeete.
Il est trop tôt pour tenter une étude humaine et économique complète qui couvrirait tous les atolls plantés. Avant qu'un tel travail ne soit fait, la présentation d'un seul atoll peut servir d'illustration. Tenararo a l'avantage d'être dans la phase de mise en valeur et de bénéficier de l'expérience acquise sur d'autres atolls actuellement en plein rendement.
C'est en parcourant l'îlot, où de la bouche même du P. Victor que j'appris l'histoire de Tenararo pendant ces 20 dernières années ; il m'a suffi ensuite de recourir à quelques documents pour préciser ou compléter certains points. Aucun papier ne se trouve aux archives de l'Archevêché de Papeete, mais dans les dossiers de la Société Civile immobilière des Actéon, du Service de l'Économie Rurale pour les renseignements techniques et aux archives de l'Assemblée Territoriale pour ce qui concerne les concessions.
Quelle est donc l'identité de cette île - son histoire récente - quelles appréciations peut-on formuler maintenant que sa mise en valeur est commencée ?
En touchant Tenararo pour la première fois, et du village de fortune en « niau » qui domine tout l'atoll, l'impression première fut de mélancolie : joie bien sûr de découvrir un nouvel atoll - de pouvoir le parcourir des yeux dans son ensemble - de sentir que l'on y travaillait beaucoup... mais plus d'arbres et d'arbustes, plus de végétation ! Quelques petites pousses vertes repartaient des racines ou des troncs, raccourcis au niveau des blocs de coraux blanchâtres. L'atoll venait d'être mis en coupe réglée par des travailleurs courageux travaillant au « tipi rahi ». Impression qu'un bombardement ou qu'un ouragan avait aplati l'îlot ! Un travail considérable venait d'être accompli, que l'on pouvait apprécier de toute part... mais à quel prix ! Au lieu d'une plantation, ou même d'un décor habituel fait de « miki-miki » - de « ngeongeo » - de « kahaia » -de « fara » - de « puka », arbre beaucoup plus haut... etc, c'était un désert de pierres de corail et de coquillages déchiquetés parsemés sur un sol fait de sable, mais aussi d' « humus » qui leur donnait en surface une teinte tantôt grise, tantôt brune... le relief de l'îlot figurait le bord d'une assiette creuse, l'inclination assez prononcée allant du côté océan vers le lagon, était générale et presqu'uniforme.
Ces « défricheurs » étaient fiers de nous faire découvrir qu'ils savaient dompter la nature ingrate pour lui demander de les nourrir plus tard. En débarquant ils n'avaient, en dehors du poisson ou de la tortue, rien trouvé sur place qui puisse être mangé ou bu... les atolls qu'ont abordé les premiers Paumotu au hasard de leur navigation devaient refléter au même degré, cette âpreté et cette austérité. Ils étaient même heureux et gais ces nouveaux « moines » du Pacifique d'avoir vu tomber sous leurs couteaux les troncs durs et tourmentés d'une végétation vierge et improductive... juste en face du village de l'autre côté de l'atoll, une dizaine de cocotiers adultes très espacés étaient les seules traces de l'apport de l'homme 50 ans auparavant[2]. On nous fit l'offrande de quelques cocos frais conservés précieusement en vue de notre arrivée. C'est en dégustant en un pareil lieu leur jus agréable et reconstituant, que l'on sent combien aux Tuamotu, le cocotier est « l'arbre vie » pour lequel on est prêt à sacrifier le reste.
Après la messe célébrée à l'abri du soleil et du vent, sous un toit en tôle dressé pour les besoins des réunions et de la prière, dont la plus belle décoration était faite de sable fin et doux répandu hâtivement en guise de parquet, la visite continua... du village vers le lagon, une très large avenue dégagée de tous les débris de corail, nous mena au débarcadère de deux baleinières munies de moteurs hors-bord. L'une de celles-ci à clins provenait de la « Charlotte-Donald »... la maison du même nom de Papeete jugeant impropre ces baleinières de sauvetage pour sauter le récif, en avait fait le cadeau en 1961 au P. Victor pour le transport des travailleurs et du coprah à travers le lagon. C'est avec celle-ci que nous fîmes le tour du petit lagon en longeant les rives et en nous arrêtant partout où une petite halte s'imposait.[3] La ronde ne nous fit rencontrer rien de bien merveilleux : à l'abri des seuls grands arbres épargnés et là où se trouvait la plus épaisse couche d'humus, la pépinière ou les cocos germes attendent d'être transplantés... un peu plus loin, intrigués par des « otaha » immobiles sur des arbustes sans feuilles, nous approchons pour constater que ces oiseaux sont empalés morts comme des épouvantails entre des branches... ainsi font les pêcheurs du large pour se procurer la plume et le duvet nécessaire à la fabrication des hameçons.
Tenararo fait partie des 5 îlots du groupe Actéon[4]. Quand on est à Vahaga, au Sud-Est ou à Tenaruga (qui est au-dessus) et plein Ouest Tenararo (qui est au-dessous). De Quiros découvrit ces îles les 4 et 5 février 1605[5]. L'anneau de l'atoll est presque fermé ; au Sud-Ouest il y a quelques petits « hoa ». Surface approximative 200 ha.
Un oiseau, différent de ceux habituellement rencontrés sur les atolls, attira notre attention : de la taille et de la couleur d'une petite grive, il court comme un râle et monte comme une alouette à faible altitude. Pattes et becs fins il se perche aussi. Il semblait un peu perdu sur cet atoll dénudé, mais ne craignait pas de s'approcher assez près des « fare ». Plusieurs semblaient vivre autour du village et faisaient entendre souvent leurs cris aigus mais faibles. Les gens leur donnaient le nom de « uu » ?[6]
C'est dans ce décor que s'étaient installés, pour une campagne de 4 mois et demi depuis juillet 1977, 83 personnes, 70 en âge de travailler, hommes, femmes et enfants de Pukarua-Reao. C'était les vacances scolaires... Ils étaient tous en excellent état, en bonne santé, et ils avaient transformé notre visite si brève en une grande fête. La nourriture ne manquait pas car ils s'étaient fait suivre de leurs cochons, chiens et poulets, et la mer donnait à peu près là-bas ce qu'on lui demande habituellement, poissons, langoustes, coquillages... le bateau ajouta quelques rasades de vin rouge qui cependant ne furent pas nécessaires au groupe de chanteurs et guitaristes pour créer durant le « tamaaraa » une gaité générale. Quel progrès dans l'attitude même des Pukarua-Reao autrefois si craintifs, si embarrasés devant tout visiteur... Mais ces familles étaient là, pour quel devenir humain ?
C'est une question qu'avec le lecteur nous pouvons nous poser, mais ce n'était peut-être pas la grande interrogation de ce petit peuple de Reao-Pukarua, dont quelques représentants seulement occupaient pour l'instant cette île basse, vraiment petite, et presque ronde. Cette population très homogène par sa langue, ses coutumes, sa foi catholique, l'habitude acquise du défrichage et de l'occupation précaire donnait par son enthousiasme, l'impression d'être à ses affaires, de vivre « son histoire ». C'est celle-ci qu'il nous faut rappeler pour les 20 ans qui viennent de s'écouler. Au centre de cette histoire le P. Victor, aux talents de qui nous demanderons parfois de nous conter les faits principaux de la plantation de cet atoll.
Ce Flamand ce jour-là avait déjà 36 ans de vie aux Tuamotu de l'Est, et parmi les Paumotu dont il partageait l'âme. Mais par sa stature il ne pouvait être confondu avec les hommes trapus et foncés, aux mollets ronds formant la quasi-totalité de leurs jambes courtes. Une canne marquisienne à la main il circulait lentement parmi les « fare », mais à grandes enjambées ; la plante des pieds puis les talons s'accrochaient de mètre en mètre au sol ; ses jambes fléchissaient légèrement à chaque pas puis quelque chose le soulevait de distance en distance. Quand il accrochait sa pipe droite à ses dents, ses yeux bleus et vifs fixaient loin les personnes et les choses. Il ne portait pas de lunettes. Sur la brèche il ne toussait plus. Matin et soir au contraire des quintes de toux interminables le faisaient pleurer jusqu'à lui faire promettre qu'il renoncerait sans doute au tabac. À l'arrêt, la paume de sa large main gauche venait se fixer sur la hanche, le pouce dirigé en avant vers l'aine et les quatre autres doigts bien serrés les uns contre les autres rejoignaient à l'arrière les reins. À cette époque, la santé du « metua » avait mobilisé très souvent la piété des « ruruhere » ; chapelets et messes des « amuiraa », plusieurs opérations à l'estomac, des soins constants à domicile et en différents hôpitaux avaient obtenu à chaque fois son retour sur le chantier de la Foi et du Développement ! À l'âge de 7 ans, il était déjà inscrit comme « mort » de la grippe espagnole sur les registres de décès ; il étonna sa famille par sa guérison et les premiers mots intelligibles qu'il prononça ce jour-là, lui qui n'avait jamais su dire que « Ya ». Il gardera dès lors, dans une tête solide, une belle intelligence et une forte volonté, toujours associées pour l'entreprise et la réalisation - dans un cœur robuste, une grande sensibilité bien ordonnée au service de tous - et dans un corps aux multiples points douloureux, malgré tout, une santé de fer. Pendant 36 ans, il était venu à bout des voyages - des fatigues - des colères qui explosaient dans les moments de contrariété : pour les multiples retards qu'il constatait impuissant dans la vie spirituelle de ses ouailles, les voyages des goélettes et la compréhension de ses collaborateurs. Cet homme créé pour l'action était dans les moments de repos, d'une délicatesse fraternelle exquise. Il jaugeait sans trop d'erreurs les hommes dont il dépendait, avec qui il travaillait et qui formaient ce peuple à nul autre pareil et qui reste toujours une interrogation pour les ethnologues. Il portait une barbe qui avait cessé d'être noire, sans être complètement grise. De l'oreille, sans transition avec les cheveux, elle allait jusqu'au premier bouton de sa chemise. L'alizé venait parfois la plaquer contre la poitrine ou la soulever et la disperser brusquement : de la main il lui redonnait alors sa forme et son volume. Son chapeau paumotu, blanc, finement tressé comme on sait le faire à Tatakoto, ne craignait pas les coups de vent : une épaisse couronne de coquillages ornée de « pupu Toafe » servant le lest, apparaissait au-dessus du large bord relevé en arrondi sur tout le pourtour. Est-ce en raison d'accidents pulmonaires ou de travaux lourds, au -dessous du col le dos formait une courbe. Comme il n'avait nullement la poitrine rentrée, son buste était athlétique.
Mais comment cela avait-il commencé ?
« Ce n'est pas moi qui le premier eut l'idée de confier aux Pukarua-Reao la plantation des Actéon. Nous venions de commencer les travaux de Tematagi, lorsque les habitants de Reao, les plus pauvres à l'époque, ont demandé quelque chose pour eux à l'Administration[7]. Alors que la Société Civile et Immobilière de Tematagi avait été créée pour les seuls habitants de Tureia, Tatakoto et Vahitahi, celle de “Fangataufa, Maturei Vavao” le fut pour les Pukarua-Reao[8], c'était justice et malgré l'évolution très rapide de Tahiti, l'attrait de Papeete, le Centre d'Expérimentation du Pacifique tout proche de Moruroa, peu de familles ont quitté leurs îles. Même en 1941, lorsque je suis arrivé il n'y avait pas 500 habitants sur les deux îles[9].
Sur les 8 îles non habitées de ce secteur[10] quand les Pukarua-Reao se sont signalés à l'attention de Papeete, 3 îles étaient déjà plantées et par conséquent déjà concédées : Vahaga, Merutea Sud et Moruroa. Notre appétit se portait uniquement sur celles qui n'étaient pas plantées... mais malheureusement deux seulement n'étaient pas encore concédés : Fangataufa et Maturei Vavao... les moins fertiles ! Ce qui explique que nous avons obtenu, bien après, la concession de Tenania et Tenararo... le travail étant commencé sur les autres îles nous avons pris du retard dans les Actéon proprement dites.
Tout d'abord nous n'avions que très peu de renseignements sur les îles : pas de carte - pas d'études préalables du sol... souvent il y avait des erreurs considérables sur l'estimation des surfaces cultivables[11]. Pour vous en donner une idée, voici que le 15 août 1956 nous débarquions à Fangataufa. Nous transportions 40 000 cocos, on venait de nous attribuer cette île. Il fallait la planter. Après avoir fait le tour de l'île nous constatâmes que c'était du corail partout, sauf au Sud-Est où nous pouvions planter 10 000 cocos à peine... mais nous ne pouvions lâcher le bateau pour si peu. Alors chaque personne descendit 2 cocos que l'on planta... puis nous sommes repartis à Maturei Vavao, pas bon non plus, mais on planta la première campagne, 31 000 cocos.
Pour Tenararo, cela a été plus facile. On était passé souvent devant et l'île est plus petite. Nous savions bien ce que nous pouvions faire.
Alors en avril 1977 une équipe a construit une citerne de 40 tonnes et commencé les pépinières, en juillet les 83 personnes qui sont là se sont installées amenant chacune 500 cocos ramenés de chez eux, de leur plantation... c'est déjà une grosse contribution de leur part. Ils ne prennent pas n'importe quelle noix. La sélection joue un rôle très important. Certains cocotiers productifs sont femelles, d'autres improductifs sont mâles. Les cocos longs avec attaches étroites sont mâles. Même en pépinière on peut éliminer les mâles... ceux qui ont des feuilles élancées sont éliminés - ceux qui donnent des feuilles plus larges et tombantes sont conservés. Aussi nous obtiendrons sur Tenararo 9/10 de cocotiers vraiment productifs. On rit un peu de notre procédé mais il nous va... mais je tiens compte des conseils de l'Agriculture, ainsi justement pour Tenania, Mr. Robert Millaud, alors Chef du Service du Génie Rural nous a recommandé de ne plus planter en quinconce, mais en triangle equilateral avec 7m60 de distance. C'est bon. Mais moins le terrain est bon, plus il faut rapprocher les cocotiers ; leurs palmes doivent en effet se toucher lorsqu'ils sont adultes pour maintenir la zone d'ombre. Ce qui a fait à peu près 200 cocotiers à l'hectare... mais pour les 200 ha de Tenararo, nous n'arrivons à planter que 32.000 cocotiers...[12] »
Deux ans après, en juillet 1979, 30 hommes étaient retournés sur les lieux, redébrousser la végétation ayant à nouveau tout envahi et remplacé les plants morts ou jugés improductifs. Pour tout ce travail, aucune scie mécanique, aucun tracteur, aucun camion. On y travaille au « tipirahi » et au « ropa »... seules les 2 baleinières sont équipées de 2 petits moteurs. Tout se fait à la main et tout feu est interdit.
Y a-t-il des rats ? « Je ne crois pas. Même si les rats des goélettes descendent un jour à terre, ils seront moins dangereux que les rats des cocotiers qui infestent Tematagi et qui ont détruit les 3/4 des plants. Il a fallu tout recommencer ».
« Comme engrais, continuait le Père, nous récoltions autrefois des “punu” à Papeete. Il en fallait des tonnes. Je les payais à ceux qui les apportaient, cela nettoyait les fonds de vallées, les entourages de maisons. Mais ça coûtait cher de ramassage et de fret. J'ai dû abandonner ce système, mais j'emploie des clous et nous en mettons dans la bourre de coco. On nous fournit aussi de l'engrais... comme du reste à toutes les îles. Des oligo-éléments ».[13]
Avez-vous aussi un problème d'argent ? « ... Songez que ces travailleurs abandonnent les plantations déjà productives. Pendant 3 ou 4 mois, ils ne gagnent rien, ne perçoivent aucun salaire. Il faut cependant se nourrir. La Socredo nous a accordé un prêt de 1 million remboursable en un an et gagné sur la production escomptée de Tenania[14]. Cet argent ne sert que pour la nourriture : sucre, farine, café, boîtes de conserve... etc. La citerne, elle a été construite par la Commune qui a accordé une somme de 250 000 F pour les salaires. Enfin l'Agriculture nous a ouvert un compte gratuit de 1,2 million. Cet argent sert à l'achat du petit matériel : réparation de la baleinière, moteur, essence, petit outillage... etc. Jusqu'au Territoire qui a bien voulu augmenter la prime accordée par cocotier après défrichement : elle est maintenant de 80 CFP. Sans débroussage, la prime totale n'est que de 80 CFP[15].
Mais la première récolte n'aura lieu qu'en 1984, après 7ans. À Tenania dont la moitié seulement est plantée, la production a été de 50 T de coprah. Selon cette référence, la 7ème année nous aurons 10 T, 50 T la 8ème année et 60 à 70 T la 9ème année. Si tout marche quand la cocoteraie sera en plein rapport, l'île produira 100 T par an »[16].
Ce 14 septembre, c'est bien au rendement aussi que le P. Victor rêvait. Mais dit-il : « II y a 17 ans déjà que nous pensions planter Tenararo, le cocotier planté ne rapporte pas avant 7 ans, il atteint un bon rendement beaucoup plus tard... en 25, 30 ans il s'en passe des choses dans le monde. Quand on a tout sous la main, que l'on peut prévoir tout... on pense investissement - technique - rendement – bénéfice ! Mais dans l'Est ce n'est pas possible. Il fallait fixer les gens sur leurs îles - et les intéresser à une entreprise de développement en rapport avec leur capacité naturelle... et puis j'ai idée que le coprah restera un produit intéressant dans l'avenir quels que soient les aléas des prix... ». Que faire de mieux en effet sur des îles désertes ?
On a parlé avec juste raison pour les îles de l'Est d'une véritable « civilisation du cocotier », notons que les Pukarua-Reao n'y ont accédé que récemment.[17] Dumont d'Urville décrit ainsi ce qu'il a observé à Reao (île Clermont-Tonnerre) lorsqu'il y passa le 20.8.1839 sans s'y arrêter : « Comme nous allions bon train les arbres s'élevaient rapidement sur l'horizon. Arrivés près de l'île nous avons vu un brisant qui la défendait dans toute son étendue, s'éloignant à plus de 3 à 4 encablures... nous avons aperçu 8 à 10 naturels entièrement nus dont quelques-uns portaient des lances. Du reste tous nous ont semblé très basanés et ressemblant beaucoup aux habitants de Mangareva. L'île malgré son peu de largeur (car elle ne paraît être qu'une langue de terre fort étroite) est bien boisée d'un bout à l'autre, avec quelques arbres qui élèvent leur cîme au-dessus des autres. On y remarque des pandanus en assez grand nombre ; les cocotiers y sont moins fréquents, peu touffus et très clairsemés... »[18] Comme on le voit, il y a plus d'un siècle, le cocotier n'était pas la grande préoccupation de la population. De Pukarua (Serle), le même navigateur signale qu'à la pointe Ouest, les seuls cocotiers de l'île y sont assez nombreux.
Le Père s'enflamma un peu lorsque des hommes on passa aux nouvelles terres qu'ils occupent : « Quand vous pensez que les Actéons sont toutes rattachées à la commune de Rikitea.[19] Quand il y a une naissance il faut la déclarer à Rikitea mais j'inscris les baptêmes sur les registres de mon secteur ! J'ai demandé le rattachement de ces îles à la commune de Reao. Ce serait plus pratique. Où qu'ils soient ces gens appartiendraient à la même commune ».
En réalité, la situation est plus complexe. Les Actéons sont plus proches de Mangareva et pour cela sans doute rattachés depuis longtemps aux Gambier. Dans les actes officiels, on les situe dans les Gambier et non dans les Tuamotu.
La plupart des îlots actuellement compris dans la Société des Actéon et désormais dépendant de Pukarua-Reao pour leur mise en valeur, et la propriété des espaces plantés, révèlent toutes des traces d'habitation ancienne, de marae, etc.. Mais les premiers navigateurs n'ont pas toujours aperçu d'habitants. L'annuaire de 1865 mentionne encore 20 habitants par exemple à Tanarao... mais que valaient les statistiques de l'époque et d'où provenaient les occupants ? Emory pense que c'était des naufragés venant de Vahitahi depuis 1840.[20] II est plus facile pour Tematagi abandonné par ses habitants au moment de leur conversion d'en retrouver les descendants. Murutea Sud a certainement eu des contacts avec Mangareva. Les Actéon inhabités et tombés dans le domaine du Territoire pouvaient être concédés aux plus décidés à les mettre en exploitation.
Les concessions à la Société des Actéons ne concernent que les espaces plantés, et le Territoire se réserve à tout instant de pouvoir prélever sur chaque île une parcelle de 100 m de large allant du lagon à l'océan près d'un lieu de débarquement. Le lagon est exclu de la cession et demeure du domaine public.
Le 13 mars 1979 a été signée l'aliénation définitive de l'île à la Société. Contrairement à ce qui était prévu pour la Société de Tematagi où les parts sont attribuées à des individus, les statuts de la Société des Actéon ne prévoient d'attributions de parts qu'aux familles : un ménage de 3 enfants ou moins reçoit une part, celui de 6 enfants au moins 2 parts, celui de 7 enfants au plus 3 parts. Si l'un ou l'autre des parents vient à décéder, le survivant représente toute la famille. Si les deux disparaissent, la famille se choisit un représentant. C'est au cours du temps de défrichage et de plantation que les familles peuvent prétendre à obtenir une ou plusieurs parts. Mais l'usufruit de la plantation est toujours pour le travailleur et non le propriétaire. Un sociétaire, une femme par exemple, peut par contre se faire représenter par un travailleur. Une fois l'île plantée, tout sociétaire peut réclamer le partage mais dit le P. Victor : « Je vois mal quelqu'un le demander puisque de toute façon l'usufruit restera au travailleur. La propriété collective pour une bonne exploitation, la rentabilité est préférable ».
Pour Tenararo il y a 60 sociétaires actuellement : « Je pense qu'un jour quelques familles quitteront Reao-Pukarua pour s'installer à Vahaga par exemple. De là il sera plus facile d'atteindre les autres Actéon qu'il faudra visiter souvent au fur et à mesure que la production augmentera. Ceux qui resteraient à Pukarua-Reao profiteraient de la récolte de ces deux îles. Si comme je le pense, tous les îlots des 2 Sociétés produiront 1 000 tonnes de coprah par an, un bateau pourrait desservir plus particulièrement une nouvelle ligne dans le Sud des îles de l'Est ; l'autre continuerait à desservir les îles au Nord. Nous serions plus souvent visités de Papeete.
Ce sont de bons travailleurs ; les femmes aussi travaillent à la cocoteraie. J'ai eu toutes les peines du monde à leur faire comprendre que transporter des sacs de coprah de la plage à la baleinière, n'était pas un travail de femme... pendant longtemps elles ont continué. Depuis peu, elles ont cessé. C'est plus humain. C'est aux hommes à fournir le gros coup au moment du chargement. J'ai trouvé parmi eux de bons chefs d'équipe. Ils ont l'habitude des plantations, des déplacements. Us se débrouillent tout seuls... du reste regardez-les en ce moment... »
Un homme portant un bouc bien dru et noir, à la mode de Reao, passa : « Vous voyez celui-là. C'est le chef de chantier. Il fait tout ! Il a bien en main son monde. Je peux compter sur lui ». L'homme passa, sourit d'avoir la confiance de « Kaiafa ». Actuellement le Bureau de la Société Immobilière des Acteon a comme président Tehina Huare, de Pukarua, comme Vice-Président Mikaera Karofa et 4 membres, Ferie Tepito, Gabriel Teano, Ianuario Kehagatoro et Tehina Teariki de Nukutavake. Le titre de membre du bureau n'est nullement honorifique et sur le terrain tout le monde met la main à la pâte. Une campagne de défrichage ou de plantation n'a plus de secret pour eux. Que l'imprévisible vienne du temps, des bateaux, de l'infertilité du sol, des rats ou des bernard - l'ermite, du manque d'eau... ils savent durer sur un atoll si la goélette tarde à revenir. Ils font face à des conditions qui décourageraient n'importe quel autre planteur.[21]
Tout un groupe de personnes attendaient que nous finissions de parler... les chefs d'équipe et de chantier pour recueillir les dernières consignes. Les cocos n'avaient pu encore être plantés, car l'engrais n'était pas là... la trouaison était achevée, finalement après notre départ on plantera et l'engrais sera placé quelques mois plus tard. Les ordres une fois donnés, il fallut régler des problèmes plus personnels. Le village réclamait aussi le départ d'un couple qui ne faisait pas l'affaire... un jeune homme demandait à rentrer... etc. Nous les avons retrouvés tous les 3 le soir sur le bateau... Une tribu improvisée ne vit pas 3 et 4 mois au ras de l'eau sans problèmes... Cette fois-ci il n'y avait pas eu d'expulsion pure et simple, de travailleurs mangeurs de « tavake »... cet oiseau est ainsi à nouveau protégé efficacement.
« L'Aranui » avait fini de débarquer son chargement et le ravitaillement... le soleil baissait rapidement à l'horizon... La dernière baleinière nous prit pour nous reconduire au bateau pendant que « l'amuiraa » sur la plage continuait de chanter et les jeunes de l'accompagner à la guitare. Nous quittions ces « moines défricheurs » du Pacifique, livrés à nouveau à eux-mêmes jusqu'au retour dans un mois, un mois et demi du bateau. Ce ne devait plus être « Aranui » qui, après 17 années de navigation dans l'Est et après avoir participé aux toutes premières campagnes, nous emporta jusqu'à Marutea Sud sur les récifs, qui, dans la nuit suivante, il se mit au plain sur un changement brusque de vent... notre tournée des plantations s'arrêta là aussi !
Si pendant 23 ans de plantation des accidents de ce genre furent rares, ce naufrage et quantité d'autres événements imparables sur ces îlots nous ramènent à la réalité : sans doute argent-technique-rendement entrent nécessairement dans le développement et nul ne songerait à l'oublier pas plus aux Tuamotu qu'ailleurs... mais, c'est sans doute, une banalité que de le rappeler, le Polynésien vit sur des îles dont il accepte la petitesse - le peu de richesse -l'isolement et les infortunes de l'océan. Une cocoteraie de plus, cela veut dire que des planteurs peuvent vaincre tout cela en même temps. Le développement va toujours dans le sens des capacités et possibilités d'un peuple.
Tenararo avec toutes celles qui l'ont précédée, sera jugée un jour. Que fallait-il faire ?
Pukarua-Reao et ses 5 satellites constituent-ils un ensemble économique durable ? Le P. Victor n'a pas recherché, ni du reste le Territoire, une « rentabilité » immédiate qui permette en « argent » d'afficher un succès économique. Il a fait place à la globalité d'une situation humaine et foncière. C'est depuis l'origine non pas une entreprise économique, mais de développement : développer l'homme et tout l'homme par la mise en valeur d'îles inoccupées et improductives.
1) Le but n'était pas de faire des insulaires brusquement des gens « riches »... Qui vit avec le cocotier sait que tout va lentement et que l’on ne fait jamais fortune avec le coprah. Le Père Victor joua le rôle de ce que l'on appelle dans le Pacifique « Development Aid-Agent ». Un agent qui aide au développement... quelqu'un qui propose un travail qui est déjà accepté au fond des consciences et dans la société. Le pouvoir persuasif de « l'agent » vient tout autant de ses qualités personnelles que du consensus, bien qu'au départ inconscient, de la population. L'agent ne travaille pas pour une société mais pour la société, pas pour des individus mais pour le groupe. Ce n'est pas un promoteur, un financier ou un technicien, c'est plutôt un animateur quoiqu'il ait aussi à organiser et parfois à décider.
2) En ce coin du Pacifique, un des plus isolés, la satellisation de Tenararo et des 4 autres îles a contribué à la fixation des Pukarua-Reao sur leurs îles d'origine. Le village fait de « fare » très bas, en bois et tôles sur les côtés et recouverts de « niau » provenant de Vahaga, donnait l'impression d'un grand « rahui ». Pour se fixer à l'Est de la Polynésie, ces travailleurs ne sont pas pour autant des sédentaires mais des « nomades ». Nomadisme très spécial : ils ont un établissement fixe sur les îles jumelles de Pukarua-Reao, et parcourent ensuite la mer pour visiter les plantations, défricher, récolter. Il leur faut parcourir des distances impressionnantes : Reao-Tenararo sont à 172' ou 319 km l'une de l'autre, et Pukarua-Tenararo à 183' ou 339 km. Cependant quand les travailleurs sont à Vahaga, ils peuvent par leur propre moyen et en baleinière, franchir aisément les 5 miles ou 9 km qui les séparent de Tenararo, et Tenararo est à 12' ou 22 km de Tenania.
3) Par contrecoup le peuple Reao-Pukarua n'est pas venu et ne viendra sans doute pas grossir la foule des chômeurs de Papeete. La proximité des chantiers du CEP lui a permis d'y envoyer des travailleurs, mais saisonniers. Le contrat terminé, ils sont revenus avec leur salaire reprendre leurs occupations. Ainsi cette population alimente de son coprah l'usine d'huile de Fare Ute à Papeete, d'autant plus que les nouvelles plantations n'ont pas ralenti la régénération de leurs vieilles plantations sur leurs terres d'origine[22]. Ainsi l'élévation de la production maintient loin de Papeete une navigation et un fret qui désenclavent ces îles lointaines qu'il faudrait de toute façon relier aux îles hautes. Les îles sans passe se prêtent peu pour l'instant à la nacre ou d'autres activités.
4) Si l'espoir renaît à l'Est et que le niveau de vie y a augmenté sous l'influence aussi de quelques petits salaires administratifs dont bénéficient instituteurs, personnel de Mairie, des travaux publics... etc, certains voudront apprécier en économiste les résultats d'une pareille opération. En attribuant un salaire fictif de 28 000 CFP (le SMIG) à 70 adultes travaillant jusqu'à la production en totalité 550 mois, le capital travail investi serait de 15 400 000 CFP[23]. Si le cours du coprah se maintient par rapport au SMIG (ce qui est improbable) il faudra 440 T de coprah soit la production des 7 ou 8 premières années pour rattraper ce capital. Il convient de retrancher de ces 15 400 000 CFP, les 3,2 millions provenant des primes. Les défricheurs de 1977 font un placement pour 1994. Les autres dépenses à ajouter sont négligeables : les armateurs assurent le voyage et le fret gratuits à leurs futurs clients et fournisseurs.
5) Le grand résultat visible que la cocoteraie de Tenararo peut afficher et qui était déjà celui des autres Actéon, c'est d'avoir maintenu sur place la nation Pukarea-Reao, de lui avoir augmenté son territoire, son espace vital et ses chances. Nation qui immédiatement avant la Colonisation et depuis très longtemps, était confinée sur l'île de Reao[24] en raison des rivalités anciennes et meurtrières avec les îles voisines. De même que la Société Civile et Immobilière de Tematagi donne un avenir à tous les descendants de cette île, celle des Actéon ouvre un avenir à une population chez elle et pour elle. Ce fut la conquête par le travail, le Territoire se désaisissant des îles désertes au profit des familles qui n'ont d'autres revenus, bien qu'aléatoires, que le coprah.
Il semble que ce soit en dernière analyse le choix remarquable qu'ait fait l'Assemblée Territoriale lorsque d'année en année, elle a confié à une population des îles que l'on confiait plus facilement autrefois à des particuliers. A ce choix politique et économique, beaucoup d'autres organismes ont contribué : le Gouvernement, l'Administration, les banques, le Service du Génie Rural, Pukarua-Reao est à 1 350 km de Tahiti. C'est une longue distance qui implique aussi une politique à long terme.- soutien du cours de coprah - de l'agriculture - de la navigation interinsulaire- scolarisation adaptée.
6) La flore et la faune de ces atolls ne sont pas plus menacées dans les Actéon qu'elles ne le sont ailleurs. Mais ces îles forment un groupe d'îlots très rapprochés où les espèces devraient être mieux protégées. Une surveillance très rigoureuse s'impose.
Peut-on poursuivre l'intégration économique de ces îles si particulières dans l'ensemble de la Polynésie française, tout en y maintenant des activités traditionelles ? C'est un équilibre auquel doivent veiller tous les responsables du Territoire. En tout cas la vie à Tenararo témoigne d'un équilibre humain et social que le « Kaiafa » a su intégrer à sa mission spirituelle tout entière.[25]
Tenararo 14-9-1977 - Papeete 14-9-1979
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VOCABULAIRE
NIAU : palme du cocotier - TIPI RAHI : grand couteau à débrousser - MIKI MIKI : le « pemphis » arbuste en bois très dur, à feuilles fines légèrement argentées – KAHAIA : arbre très dur, plus lourd que l'eau « Guettarda speciosa » - FARA : pandanus – PUKA : arbres très hauts dont le tronc peut devenir très large « Pisona grandis » - OTAHA : sorte de très grands goélands – HOA : passage qui met en communication l'eau de l'océan et celui du lagon – METUA : père – AMUIRAA : groupe paroissial – FARE : maison – RAHUI : les lieux où l'on pouvait faire la récolte du coprah à certaines époques. En dehors de ce temps, la terre était « interdite »" - RURUHERE : en dialecte Reao, laids, vilains - KAIAFA : surnom donné par les habitants de l'Est au P. Victor - PUPU TAOFE : coquillages violets à la forme de grain de café – ROPA : barre à mine – PUNU : Boîte de conserve en fer blanc – TAVAKE : oiseau assez commun dans l'Est, le Phaeton – NGEONGEO : arbustes aux feuilles grasses « Messerchmidtia argentea ou Tournefortia argentea ».
[1] Guillaume VALLONS (en religion le Père Victor), religieux des Pères des Sacrés-Cœurs, Picpuciens, né à Lubbek (Belgique) le 26-1-1911. Prêtre depuis le 26-7-1936, nommé à Tahiti où il arrive le 16-3-1940, il est envoyé un an plus tard comme missionnaire du secteur Est des Tuamotu. À partir de 1953, il organise la plantation en cocos des îles non cultivées de son secteur Tematagi (1954), Maturei Vavao (1956), Maria (1963), Tenania (1965), Tenararo (1977) avec l'aide de l'Assemblée Territoriale et spécialement du Conseiller Calixte Jouette, (le 25 mai 1977), du Service du Génie Rural, et de la population de son secteur bénéficiaire de 270 000 cocotiers nouveaux (ayant bénéficié de la prime) en grande partie en production maintenant. L'appui moral des différents gouverneurs ne lui a pas manqué non plus. Chevalier de la Légion d'Honneur et Officier du Mérite Agricole, avec une santé ébranlée, il retourne dans sa province d'origine du Brabant le 6 septembre 1979. « Kaiafa », c'était son nom Paumotu, fut entouré au moment de son départ des prévenances des plus hautes autorités civiles et militaires et de la population de l'Est présente à Tahiti.
[2] K. Emory “Archaelogy of Mangareva and neighbouring atolls” - 1939 - Bishop Museum 163, pp.58-59 : ces cocotiers y sont déjà mentionnés. M. Louis Le Caill, capitaine du port, abordant l'îlot en 1946, y planta avec d'autres voyageurs, quelques cocos au Nord-Ouest de l'île. Il n'y en avait plus trace en 1977.
[3] (id.) l'îlot aurait 1,5 mile environ de diamètre.
[4] Ces îles portent le nom de « l'Actéon », navire du Capitaine E. Russell 1837, et sont censées être 4 depuis l'appellation de De Quiros « Les 4 Couronnées ». On peut y rattacher « Maria » au Sud inclue dans la même Société de développement.
[5] (id.) Emory donne la liste des navigateurs qui ont mentionné le groupe Actéon - ceux qui ont aperçu ou non des habitants. La variation de la toponymie polynésienne - une carte et la situation des traces d'établissement humain. Cdt Pierre Jourdain « Découverte et Toponymie des îles de la P.F. » p. 320 du B.S.E.O. Tome XIV n°10, n°171, juin 1970.
[6] « Uu » appellation sans doute erronée car il s'agit sans doute du « titi » ou guignette de Polynésie.
[7] Lettre de Martial Takaroa, alors chef de Reao en date à Reao du 18-1-1953 au Président de l'Assemblée Territoriale pour lui demander pour les îles de Pukarua-Reao la concession des îles Tenania, Tenararo et Maria. Il invoquait le manque de ressources pour les 600 habitants dont il avait la charge. Mr J.B. Céranjérusalémy, Président, transmettait la lettre pour enquête au Gouverneur Petitbon. Le Chef du Service des Domaines répondait le 21-2-1953 que les îlots en question avaient déjà été donnés en concession à diverses personnes.
[8] La création de la Société Civile et Immobilière de Tematagi date du 18-1-1954. Elle a été fondée uniquement pour les descendants des habitants de Tematagi. La concession provisoire pour 10 ans a été accordée le 11-5-1954. Prolongée pour 5 ans seulement le 29-6-1965 pour compter du 11-5-1964 et pour parfaire les plantations. Le 14-11-1974, la concession définitive est accordée avec celle de Vanavana. Cette dernière avait fait l'objet d'une location le 6-12-1965 de 5, 6, 9 ans.
La Société Civile et Immobilière de « Fangataufa et Maturei Vavao » a été fondée le 10-8-1955 pour les personnes originaires de Reao-Pukarua qui constituent un autre groupe de population. La concession de Maturei Vavao et de Fangataufa qui était sollicitée par Roger Auméran, date du 24-7-1956 ; celle de Maria concédée tout d'abord à Gaston Martin-Puputauki, fut accordée le 2-6-1959 à la Société. À l'expiration du bail (du 29-3-52) des Winchester-Mairoto, Tenania-Tenararo, furent concédées à la Société le 13-3-1962. Vahaga fut l'objet d'une location de 3, 6, 9 ans le 6-12-1965. Le bail antérieur comme celui de Vanavana, était alors au nom de Mad. Taahituaa Tehaamatai. La concession définitive de Maria-Maturei Vavao et Vahaga a été accordée le 1411-1974. Une prorogation de la concession provisoire de Tenania, Tenararo a été accordée le 14-11-1974. Le 19-8-1958 la Société « Fangataufa-Maturei Vavao » avait, comme en fait foi une lettre à l'Assemblée Territoriale, enregistrée le 5-1 1-1958, n°865, renoncé définitivement à exploiter Fangataufa « qui semble inexploitable ».
[9] Année 1956 1962 1967 1971 1977
Reao 193 272 265 249 243
Pukarua 223 197 167 195 172
416 469 422 444 415
Chiffres rapportes de Fr. Ravault « Structures foncières et Economie du Coprah dans l'Archipel des Tuamotu », p. 128-en 129.
On notera qu'en 1956 et 1977 on trouve la même population, mais sans doute pas les mêmes tranches d'âge.
[10] Toutes comprises dans la zone géographique III. Mr Ravault op. cit. pp. 3, 4, 5.
[11] Le rapport de Mr Robert Millaud, chef du Service de l'Économie Rurale du 23-7-1974, à Mr le Chef du Service des Domaines, à la suite des demandes de concession, ne disposait d'aucun relevé cadastral, d'aucune estimation sûre quant aux superficies. Par la force des choses, les hectares sont comptés en fonction du nombre de cocotiers plantés.
[12] Les estimations de Mr André Roihau, agent agricole dans ces îles, sont sensiblement différentes. Il a très aimablement communiqué les renseignements suivants. En 1977, 32 672 cocotiers ont été plantés et pour la première tranche de primes, 2 613 760 CFP ont été versés.
La superficie plantée serait de 163 ha. L'espacement entre les cocotiers serait de 7,5 soit 200 plants par ha. En 1979 la plantation apparaît saine. Il ne serait pas impossible que les premières fleurs apparaissent après 4 ans, les conditions de plantation ayant été exceptionnellement bonnes. On le voit sur la photo.
[13] Le Service de Génie Rural pourvoit très soigneusement à la fourniture des engrais : en 1977, 14 sacs de 50 kg de sulfate de fer, soit 10 gr par trou, 14 sacs de 15 kg de manganèse, soit 5 gr par trou. En 1979, 100 sacs d'amonitrate... mais on n'oublie pas de recommander de placer le clou dans la bourre !
[14] En fait, avec la caution de M. Riquet Marere et de Nimen, l'armateur, le prêt de 5% consenti le 1-4-1977, avait été complètement remboursé le 2-5-1978.
[15] Primes d'amélioration du cocotier arrêté du 19-12-1977 avec défrichage 80 CFP la première année 20 CFP après.
[16] Année 1978 : Tenania : 43 588 kg - Maturei Vavao : 59 175 kg – Maria : 117 804 kg - Vahaga pas encore connu - Total : 220 566 kg.
[17] Fr. Ravault, op. e.p.34
[18] Dumont d'Urville, Voyage autour du monde, vol. 3 - 1842 - pp.218
[19] Décret 72/407 du 19-5-1972. J.O. du 25-5-1972.
[20] op. cit. p.59.
[21] Le 14-9-1979 les travailleurs de Tenania venaient juste d'être relevés après 6 mois par un bateau du C.E.P. -en raison d'une grève assez longue des armateurs les travailleurs ont dû prolonger leur séjour d'un mois et demi. Pour une campagne à Tematagi, le séjour avait duré presque 6 mois. L'année suivante on constatait que dans certains coins jusqu'à 75% des plants avaient été dévorés par les rats ou les bernard-l'ermite.
[22] Fr. Ravault, op. cit. p.53 entre 1962 et 1970 à Pukarua et Reao même 49 262 cocotiers ont été plantés.
[23] En 1977, 70 adultes ont travaillé 4 mois puis ensuite 30 travailleront 3 mois tous les deux ans. Soit 550 mois à 28 000 CFP - 15,4 Millions.
[24] Superficie de Reao : 1 200 ha – Pukarua : 600 ha.
[25] Le 26 janvier 1983 le cyclone "Nano s'abattait sur les "Acteon" et malheureusement causait d'immenses dégâts. Une telle calamité entrera en ligne de compte pour apprécier sur une génération les fruits d'une telle opération. Mais il en est de même pour toute entreprise humaine victime de cataclysmes
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