2021 – Requête du gouvernement de la Polyénsie française - mars 2021

2021 – Requête du Gouvernement de la Polynésie française– 23 mars

Requête

PLAISE AU TRIBUNAL

Suivant acte notarié intitulé « notoriété acquisitive » dressé le 12 novembre 2019, Maitre xxx XXX, notaire instrumentaire, a constaté « que depuis trente ans le CAMICA réalise des actes matériels de possession, des îles ci-après désignées qui font présumer sa volonté de se comporter en propriétaire (…) ».

La transcription de cet acte a eu pour effet de venir rajouter une ligne sur le compte hypothécaire du CAMICA, lui attribuant ainsi la propriété de ces sept atolls.

Ainsi la notoriété porte sur sept atolls dont le groupe des « îles ACTEON » composé de quatre atolls : VAHANGA, TENARUNGA, MATUREIVAVAO et TENARARO, ainsi que sur les atolls de TEMATANGI, VANAVANA et MARIA.

La Polynésie française sollicite par devant votre Tribunal l’annulation de cet acte notarié, celui-ci souffrant de multiples irrégularités tel qu’il sera démontré ci-dessous (II) après que les faits à l’origine dudit acte aient été exposés (I).

I) – LES FAITS.

Originairement, les atolls de VAHANGA, TENARUNGA, MATUREIVAVAO, TENARARO, TEMATANGI, VANAVANA et MARIA étaient la propriété de la Polynésie française aux termes de décision de justice de la Haute Cour tahitienne intervenues en 1932.

Dès le 18 janvier 1853, Martial TAKAROA, alors chef de l’île de REAO alertait l’Assemblée Territoriale quant au « manque de ressources » dans cette zone géographique. Manifestement sensible à ce signalement, le Pays a immédiatement lancé un processus tendant à la mise en valeur des atolls inexploités de cette zone. C’est dans ce contexte que le Service des Domaines faisait paraître au Journal officiel des Établissements français de l’Océanie des 21 décembre 1951 et 31 mai 1952, deux avis d’octroi en concession provisoire gratuite des terres cultivables au profit des personnes originaires de ces atolls ou de leurs descendants.

Ensuite, dans un nouvel avis, publié au même journal le 31 octobre 1953, le Service des Domaines invitait « les personnes descendantes des anciennes familles de l’île domaniale TEMATANGI (Tuamotu), actuellement domiciliées dans les Circonscriptions autres que celle des TUAMOTU-GAMBIER, et désireuses de participer à la COOPERATIVE AGRICOLE de TEMATANGI sur le point d’être formée, … à se présenter au R. P. Victor VALLONS, à la Mission Catholique à Papeete. »

Dans cette dynamique, afin de rationaliser la gestion de ces îles à vocation agricole, il était décidé de fonder deux sociétés immobilières.

A] Sur la constitution de sociétés immobilières.

Compte tenu de la volonté conjointe de valorisation de ces atolls émanant tant des élus locaux que du Pays, il s’est avéré indispensable d’organiser concrètement un système destiné à pérenniser l’activité agricole sur ces terres. C’est ainsi qu’ont créées deux sociétés :

1) La société civile particulière à capital et personnel variables, dénommée « Société civile immobilière de TEMATANGI » constituée le 18 janvier 1954, pour une durée statutaire de dix ans (soit une dissolution programmée au 18 janvier 1964). Ses statuts ont été enregistrés le 13 mai 1954 (folio 10 n°76).

L’objet de cette société était « la prise à bail, l’exploitation, la mise en valeur, en enfin, l’acquisition de l’île de TEMATANGI (Tuamotu), et plus généralement toutes opérations civiles se rattachant directement ou indirectement à l’objet ci-dessus défini ».

Cette société était en outre originairement constituée des 5 associés listés ci-dessous, qui avaient chacun souscrit une des cinq parts d’intérêt :

  • Guillaume VALLONS (en religion Père Victor),
  • Paul VAIRUA,
  • Michel Tane BRANDER,
  • Henri TEKONEA,
  • David TEUIRA.

2) La société civile particulière à capital et personnel variables, dénommée « Société civile immobilière de FANGATAU et MATUREI-VAVAO »constituée le 10 août 1955 pour une durée statutaire de quinze années à compter du 24 juillet 1956 (soit une dissolution fixée au 24 juillet 1970).

Malgré un important travail de recherche, la requérante n’a pas pu retrouver les statuts de cette société. Cependant, il ressort d’une correspondance administrative datée du 30 mai 1991 rédigée en langue tahitienne que ladite société comptait originairement 5 membres :

  • Guillaume VALLONS (en religion Père Victor),
  • Etienne MOEARO, agriculteur,
  • Calixte IPU, commerçant,
  • Ferrier a TEPITO, agriculteur,
  • Michel TEANOTAHITO, agriculteur.

B] Sur le transfert de la propriété des atolls au profit des SCI.

Dans le contexte de développement économique et d’épanouissement social qui a été rappelé ci-dessus la Polynésie française a accompli le geste fort de céder gratuitement les sept atolls litigieux tel que suit :

  • La SCI de TEMATANGI devient propriétaire de deux atolls, TEMATANGI et VANAVANA, aux termes des actes suivants :

Le 11 mai 1954, une première concession provisoire des terres cultivables a été accordée à la SCI de TEMATANGI pour une durée de dix ans. Puis, par arrêté n°1822//AA/DOM du 26 juillet 1965 rendant exécutoire la délibération n°65-55 du 29 juin 1965 de l’assemblée territoriale, la SCI de TEMATANGI a bénéficié d’une nouvelle concession provisoire pour cinq années à compter du 11 mai 1964 (expirant le 11 mai 1969) pour parfaire la mise en valeur de l’île de TEMATANGI.

Puis, suite à une assemblée générale extraordinaire tenue à TUREIA le 3 mars 1969, une nouvelle demande de prorogation de la concession provisoire a été formulée le 10 avril 1969. Celle-ci a été acceptée pour une nouvelle période quinquennale, à compter du 11 mai 1969.

Enfin, par arrêté n° 5014/AA du 9 décembre 1974 rendant notamment exécutoire la délibération n°74-165 du 14 novembre 1974, la concession définitive et gratuite au profit de la SCI de TEMATANGI des îles domaniales TEMATANGI et VANAVANA a été autorisée, moyennant l’engagement de ladite société de ne pas vendre les îles concédées ni procéder au partage même partiel desdites îles dans un délai de dix ans pour compter de la date d’aliénation définitive.

C’est dans ces conditions particulières qu’aux termes d’un acte en date du 29 janvier et 3 février 1975, transcrit le 18 mars 1975 volume 766 n°8, la Polynésie française a cédé à titre gracieux les atolls TEMATANGI et VANAVANA à la SCI de TEMATANGI.

  • La SCI de FANGATAUFA-MATUREIVAVAO devient quant à elle propriétaire de cinq atolls, MATUREIVAVAO, TENARUNGA, MAHANGA, MARIA, TENARARO aux termes des actes suivants :

Suivant arrêté n°641/AA/DOM du 22 mars 1962, la délibération n°62-22 du 13 mars 1962 de la commission permanente de l’assemblée territoriale accordait à la SCI FANGATAUFA-MATUREIVAVAO la concession provisoire des îlots TENANIA et TENARARO, a été rendue exécutoire.

Puis les membres de la SCI FANGATAUFA-MATUREIVAVAO se sont réunis en assemblée générale extraordinaire le 28 mars 1973 et ont adopté à l’unanimité l’article unique suivant lequel ladite SCI demande au Pays une prolongation de dix ans de la concession provisoire des îles domaniales de TENANIA et TANARARO à son profit.

Par délibération n°74-166 et 74-167 du 14 novembre 1974 de l’assemblée territoriale et arrêtés n°5014 et 5015/AA du 9 décembre 1974, le Territoire a accordé gratuitement à la SCI FANGATAUFA-MATUREIVAVAO la prorogation de la concession provisoire des îles domaniales MARIA, MATUREIVAVAO, VAHAGA, TENANIA et TENARARO. En outre la société s’est engagée à ne pas vendre les îles concédées ni procéder au partage même partiel desdites îles dans un délai de dix ans pour compter de la date d’aliénation définitive.

Finalement, la Polynésie française a cédé à titre gratuit par actes de vente :

  • des 29 janvier et 3 février 1975, transcrit au Bureau des hypothèques le 18 mars 1975 Volume 766 n°8, les atolls MARIA, MATUREIVAVAO et VAHAGA ;
  • du 13 mars 1979, transcrit au Bureau des hypothèques le 16 mars 1979 Volume 948 n°22, les îlots TENANIA et TENARARO.

C] Sur le sort des deux sociétés propriétaires des atolls discutés.

Conformément à lettre de leurs statuts respectifs, les SCI de TEMATANGI et de FANGATAU-MATUREIVAVAO ont été dissoutes le 18 janvier 1964 et le 24 juillet 1970.

Suivant ordonnances n°1486 et 1487 du 9 août 1978 du Président du Tribunal civil de PAPEETE, M. Guillaume VALLONS (dernier président du conseil d’administration) a été désigné en qualité de liquidateur desdites société et autorisé « à faire apport de l’actif à la Société en voie de création appelée à reprendre avec les mêmes sociétaires et sous la même dénomination une activité analogue. »

Puis, suivant procuration du 13 septembre 1978, M. VALLONS a donné pouvoir à M. Henri Timi Manuire dit « Riquet » MARERE, conseiller à l’Assemblée Territoriale, pour « procéder à la liquidation de la société dissoute », et ceux dans le cadre des deux sociétés. Ce dernier a quitté définitivement le Territoire en septembre 1979 et est décédé le 20 décembre 1986 sans que les démarches tendant à la liquidation des deux sociétés ne soient initiées.

Cette circonstance se trouve confirmée par les termes d’un courrier du Service des domaines n°1392/DOM du 30 mai 1991 en réponse au courrier du 23 avril 1991 du maire de la commune de REAO. Cette lettre enseigne également qu’en 1958, la SCI FANGATAUFA et MATUREIVAVAO ont certes été dissoutes en 1964 et 1970, mais que celles-ci n’ont à ce jour pas été liquidées.

Or, il est constant qu’en droit, la personnalité morale survit jusqu’à la liquidation.

En outre, il n’est pas inutile d’indiquer qu’en l’absence d’acte opérant une mutation immobilière, les îlots VAHANGA, TENARUNGA, MATUREIVAVAO, TENARARO, TEMATANGI, VANAVANA et MARIA demeurant la propriété des SCI susvisées.

D] Sur la vocation ultime des deux sociétés.

L’ouvrage intitulé « TENARARO » de Mgr COPPENRATH enseigne que la première SCI a été « fondée uniquement pour les descendants des habitants de Tematagi » et « créée pour les seuls habitants de Tureia, Tatakoto et Vahitahi » alors que la seconde SCI a été fondée « pour les personnes originaires de Reao-Pukarua » (ndlr : Voir P.K.0 n°22 du 2 mai 2021).

Ces sociétés apparaissent ainsi comme l’illustration d’un plan d’action social et économique destiné exclusivement aux populations des îlots discutés et alentours.

En effet, dans le cadre de ces structures sociales, le CAMICA était un simple sociétaire ayant vocation à jouer un rôle de « régulateur » pour la mise en œuvre concrète des actions projetées notamment pour la planification des travaux agricoles sur ces atolls. Il est évident que le CAMICA n’a jamais travaillé effectivement dans les cocoteraies mais a simplement coordonné l’action agricole des autres sociétaires dans le cadre de l’exploitation des cocoteraies situées sur ces îles.

Il n’a en effet jamais été question que le CAMICA s’approprie ces îles, et même tout au contraire, il était censé apporter son concours à la bonne marche de ces sociétés dont l’objectif était, à terme que les sociétaires originaires de ces îles deviennent propriétaires de parcelles foncières.

Cette circonstance est d’ailleurs complètement confirmée par Mgr Michel COPPENRATH qui écrit que « contrairement à ce qui était prévu pour la société de Tematagi où les parts sont attribuées à des individus, les statuts de la Société des Actéon ne prévoient d’attributions de parts qu’aux familles : un ménage de 3 enfants ou moins reçoit une part, celui de 6 enfants au moins 2 parts, celui de 7 enfants au plus 3 parts. ».

Ainsi donc, la vocation ultime des sociétés décrites ci-dessus était effectivement de permettre aux habitants de ces îles et de celles alentours d’exploiter les cocoteraies de ces atolls. Ceux-ci se voyaient attribuer des « parts », qui ouvriraient droit lors de la liquidation des sociétés à l’attribution à leur profit de parcelles de terre dont la superficie serait fonction du nombre de parts de chacun des sociétaires.

À ce dernier égard, il est intéressant de constater que dès 1992, Monsieur Édouard FRITCH, alors Ministre de la mer, du développement des archipels et des affaires foncières saisissait le Conseil des ministres d’une communication dans les termes ci-dessous reproduits :

En résumé, le constat peut être dressé d’une situation juridique pour le moins confuse, d’une société dont la dissolution a été autorisée mais pas réalisée ; d’une seconde tout aussi autorisée, et qui a connu une vie effective entre 1964 et au moins 1978, pour recueillir notamment les propriétés alors domaniales, mais sans statuts enregistrés, ni administration réelle, bref virtuelle.

La réalité est certainement la demande faite par les populations de ces atolls de trouver, d’une manière ou d’une autre, le partage des terres anciennement domaniales, qui sont leur propriété collective, voire indivise. C’est ce qui nous préoccupe.

Il était à cette occasion proposé au Conseil des ministres de suivre le processus suivant :

Ainsi, si au titre de la nouvelle société partage des terres il doit y avoir, il ne peut venir, outre le cas de la dissolution judiciaire, que de la décision des membres de celle-ci, laquelle est réputée en être propriétaire jusqu’à complète dissolution.

Ainsi, le rôle actuel de notre Administration est :

  • de rechercher et recenser, à partir des listes remises par monsieur MARERE et avec l’assistance des autorités communales intéressées, les associés vivants ou les ayants droit de ceux-ci susceptibles de constituer l’assemblée générale des actionnaires devant décider la dissolution effective de la société nouvelle et le partage des terres. Cette responsabilité a été confiée au Service de l’Administration des Archipels, lequel a déjà pris contact avec les autorités municipales.
  • dès la disposition de ces éléments indispensables, le Service des Affaires de terres examinera la situation généalogique des recensés par rapport aux associés d’origine, leurs droits réels au titre du patrimoine social et indivis à répartir ; la possibilité aussi de constituer, dans le cas de la société nouvelle, une administration sociale chargée de convoquer ladite assemblée générale, laquelle décidera de l’avenir de la société et de ses biens.

Dans l’hypothèse où il y aurait impossibilité de constituer ces organes sociaux, le Service des Affaires de terres proposera à monsieur le Président du Gouvernement de saisir monsieur le Procureur de la République, gestionnaire de l’ordre public, de l’irrégularité de la situation sociale au regard notamment de plusieurs dispositions de la Loi sur les sociétés.

De même, si le partage doit ressortir de l’ancienne société, dont la procédure de dissolution n’a pas été conduite à son terme, il devra nécessairement y avoir nomination d’un nouveau liquidateur par le pouvoir judiciaire, le cas échéant saisi par le Territoire.

En définitive, ce processus n’a pas été suivi d’effet et le sort des biens dont sont propriétaires les deux SCI ci-dessus décrites n’est toujours pas réglé.

Il est ainsi tout à fait surprenant de voir aujourd’hui le CAMICA se rapprocher d’un Notaire pour faire dresser une notoriété acquisitive sur les îles discutées. Et il est encore plus surprenant de constater que ledit Notaire a manifestement abondé en son sens sans prendre la mesure de l’impact de l’acte qui est déféré à ce Tribunal.

II) – DISCUSSION.

A] Sur l’intérêt à agir de la Polynésie française.

Il ressort des développements ci-dessus que depuis les années 1975 et 1979 où la Polynésie française a consenti à céder gratuitement les sept atolls litigieux au profit des SCI TEMATANGI et FANGATAUFA-MATUREIVAVAO, la Polynésie française ne s’est jamais désintéressée du sort de ses îles.

Pour preuve, plus de quinze ans après ces cessions gratuites le Ministre de la Mer, du développement des archipels et des affaires foncières sensibilisait le Conseil des ministres quant au sort de ces îles restées dans le patrimoine desdites SCI. Cette communication insiste fermement sur le fait que l’objectif de la Polynésie française est « le partage des terres anciennement domaniales » entre les « populations de ces atolls », ces atolls étant « leur propriété collective voire indivise ».

Ainsi donc, même si la Polynésie française n’est plus propriétaire de l’intégralité de ces îles depuis les cessions des années 1975 et 1979, celle-ci a toujours veillé à ce que ces terres reviennent aux populations concernées.

Cependant, il sera explicité ci-après que la Polynésie française reste intéressée dans le sort de ces îles car elle demeure propriétaire de petites parcelles et compte tenu de l’insertion d’une clause particulière dans le contrat de cession de 1975.

En effet, il est déterminant de remarquer que les actes de cession de 1975 et 1979 contenaient tous deux une rubrique intitulée « conditions particulières ».

De cette rubrique, l’acte de cession de 1975 qui porte sur les îles de TEMATANGI, VANAVANA, MARIA, MATUREIVAVAO et VAHAGA insère une clause exorbitante du droit commun, ce qui permet de qualifier cette vente de contrat spécial.

CONDITIONS PARTICULIERES.

De plus, il est expressément convenu que sur simple déclaration d’utilité publique, la société concessionnaire s’engage en obligeant ses associés, à rétrocéder au Territoire la totalité ou partie des îles présentement concédées, à charge pour ce dernier d’indemniser ladite société dans les conditions stipulées à l’article 9 de l’arrêté n°1586/E du 8 décembre 1951.

Partant, la Polynésie française bénéficiant d’un « privilège de rétrocession » sur ces îles, elle aurait dû être informée par le Notaire de ce que le CAMICA demandait à ce que soit dressée une notoriété acquisitive sur ces atolls.

Quant à l’acte de cession de 1979 qui porte sur les atolls de TENANIA et TENARARO, il précise aux termes de la rubrique « conditions particulières » que la Polynésie française se réservait deux parcelles de terres situées dans chacune des îles, tel que ci-dessous retranscrit :

CONDITIONS PARTICULIERES.

Le Territoire de la Polynésie française se réserve expressément deux parcelles de terre situées dans chacune des îles présentement concédées d’une largeur de cent mètres partant du récif au lagon. Ces parcelles de terre seront situées à proximité des points de débarquement de ces îles étant entendu que le Territoire se réserve le droit de les déplacer en cas de création d’un point de débarquement artificiel d’accès plus aisé.

Ainsi, la Polynésie française est demeurée propriétaire d’au moins deux emprises sur les îles de TENANIA et TENARARO. Il s’agit des « points de débarquement », et le CAMICA n’a jamais effectué aucun acte matériel sur ces structures qui ont été entièrement prises en charge par le Pays.

Au surplus, la Polynésie française est à l’origine de la construction d’un abri de survie sur l’île de TEMATANGI. Cette structure, implantée sur une parcelle non encore cadastrée de 661 m2 est encore une fois la propriété du Pays.

L’intérêt à agir du Pays est donc tout à fait démontré tant il est avéré que le CAMICA n’a raisonnablement pas pu prescrire l’entièreté de sept atolls, notamment les structures publiques susvisées qui sont intégrées dans le domaine public de la Polynésie française compte tenu de l’aménagement spécial dont elles font l’objet.

B] Sur les autres parties appelées en cause par la requérante.

La Polynésie française a appelé en cause l’État français, ce dernier restant propriétaire d’une emprise non encore cadastrée sur l’île de TEMATANGI où une station météorologique a été implantée.

Quant à la Commune de GAMBIER dont dépendent les sept atolls en litige, elle possède évidemment la Mairie et ses annexes ainsi que l’école. L’appel en cause de la Commune représentée par son Maire en exercice est donc également justifié. En outre, il apparaît que cette entité est particulièrement bien placée pour éclairer le Tribunal quant à la réalité des faits d’occupation qui ont été alléguées par les témoins du CAMICA devant le Notaire.

Enfin, la Polynésie française a procédé à l’appel en cause de 4 personnes qui sont les ayants droit des sociétaires originaires de la SCI TEMATANGI. Malheureusement, malgré les recherches effectuées, la Polynésie française n’a pas identifié d’ayants droit pour la société FANGATAUFA-MATUREIVAVAO, mais les recherches se poursuivent.

Ainsi, pour la société TEMATANGI,

  • Madame xxx XXX épouse XXX est la petite fille de Michel Tane BRANDER, pour l’état-civil « Tanemaruanuku BRANDER » ;
  • Monsieur xxx XXX (demeure à TEMATANGI, en charge du service postal) est le petit-fils de Paul VAIRUA, pour l’état-civil « Pauro Vairua TERAKAUHAU » ;
  • Madame xxx XXX épouse XXX est la petite fille de Paul VAIRUA, pour l’état-civil « Pauro Vairua TERAKAUHAU ».

Par ailleurs, lors du passage à TEMATANGI de Monsieur Terii SEAMAN, administrateur d’État des Tuamotu-Gambier, Monsieur xxx XXX s’est manifesté comme étant un des ayants droit de Teahi TAIRUA dit Tino. Il a écrit un courrier indiquant que « son grand-père, oncle et grand-oncle ont contribué à la plantation de la cocoteraie de TEMATANGI en 1954 auprès du père Victor VALLON ». Il ajoute : « Depuis, jusqu’à aujourd’hui nous vivant sur l’atoll de TEMATANGI avec comme seul ressource le coprah. Nous nettoyons les terres et contribuons à la régénération des cocoteraies ».

Il apparaît en effet que cette personne peut être rattachée aux individus figurant aux numéros 154-169 et 170 de la liste ci jointe. Cette liste intitulée « Propriétaires de Tematangi et nombre de parts », qui a été retrouvée dans les archives de la Direction des affaires foncières, semble être un inventaire de toutes les personnes qui sont devenues membres de la SCI TEMATANGI, et qui en cette qualité étaient aptes à se voir attribuer une portion de terrain, celle-ci étant calculée en « nombre de parts ». Au passage, il est loisible de remarquer que sur cette liste, le CAMICA, qui est en première position, ne peut prétendre qu’à 4 parts.

C] Sur la nullité de l’acte de notoriété acquisitive.

L’acte de notoriété acquisitive établi par un notaire ne fait l’objet d’aucun texte législatif précis qui permettait de déterminer son régime. Ainsi, son établissement, qui relève de la pratique notariale, n’est encadré par aucun texte.

Nonobstant, sa tarification est prévue aux termes de l’annexe à l’arrêté n° 1376 CM du 3 octobre 2000 modifié, au numéro 58-B. Il peut donc être observé que l’acte de notoriété « constatant la prescription acquisitive » fait l’objet d’« émoluments proportionnels », ces derniers étant classés dans la série « S2 » (cf. tableau de l’Annexe n°58-page 12). Ensuite l’article 23 de l’arrêté suscité précise pour la deuxième série (S2) la ventilation suivante :

Deuxième série (S2) :

  • de 0 à 1.000.000                                                                 2,20 %
  • de 1.000.001 à 2.000.000                                                 1,80 %
  • de 2.000.001 à 5.000.000                                                 1,00 %
  • de 5.000.001 à 50.000.000                                              0,68 %
  • de 50.000.001 à 100.000.000                                          0,64 %
  • au-dessus de 100.000.000                                               0,56 %

Ainsi, l’acte déféré fixant la valeur des atolls objets de la notoriété acquisitive à la somme de 200 000 000 francs CPF, tel que ci-dessous retranscrit, il s’en déduit que les émoluments perçus par le Notaire s’élèvent à la somme de 11 200 000 francs CPF (200 000 000 x 0,56 %).

ÉVALUATION

Pour la perception des émoluments des présentes, de la taxe de publicité foncière et de la contribution de sécurité immobilière, le BIEN est évalué à DEUX CENTS MILLIONS DE FRANCS PACIFIQUES (200 000 000 CFP).

Quoiqu’il en soit, pour la doctrine, ce type d’acte dressé par un notaire, pour faire la preuve d’une possession utile permettant d’invoquer l’acquisition d’un bien immobilier par usucapion.

La force d’un tel acte reste limitée, puisqu’il ne vaut que jusqu’à la preuve contraire qui peut être apportée par toute personne qui considérerait qu’il n’est pas sincère ou n’est pas conforme à la réalité.

C’est précisément l’objet de la présente requête.

Ainsi, l’acte de notoriété acquisitive dressé par l’étude CLEMENCET-PINNA qui est déféré sera annulé pour les motifs qui suivent tirés de l’inexactitude des déclarations des parties (c) mais également compte tenu du défaut de qualité à agir des demandeurs à l’établissement dudit acte (b). En liminaire, le précédent procédural sera présenté au Tribunal (a), et fine, la responsabilité du Notaire sera discutée (d).

  1. L’histoire procédural.

Par requête en date du 4 décembre 2015, enregistrée le 9 du même mois, le CAMICA saisissait la commission de conciliation obligatoire en matière foncière aux fins de se voir reconnaître « son droit de propriété sur l’ensemble des atolls TEMATANGI et VANAVANA d’une part, ainsi que MARIA, MATUREI-VAVAO, TENARARO et TENANIA (ou TENARUNGA) d’autre part », qu’il détiendrait de feu Guillaume Vallons (en religion, Père Victor).

Le CAMICA initiait ainsi cette action contre la Polynésie française.

Deux audiences ont eu lieu les 14 avril et 30 mai 2016 sans qu’une conciliation ne puisse intervenir compte tenu de l’opposition ferme de la Polynésie française consignée aux termes de ses écritures n° 7721/MLV/DAF du 20 mai 2016.

Suite à cette absence de conciliation, il revenait au CAMICA, s’il persistait dans ses prétentions, de saisir le Tribunal de première instance de Papeete en « reprise d’instance ». Pourtant, celui-ci n’a jamais jugé utile d’effectuer une telle démarche de sorte que cette procédure s’est éteinte.

Nonobstant, le CAMICA a manifestement opté quelques années plus tard pour une voie détournée avec la connivence de l’homme de l’art, afin d’obtenir la propriété de ces sept atolls.

  1. Sur le défaut de qualité à représenter le CAMICA des demandeurs à l’établissement de la notoriété acquisitive.

Tel qu’il peut être lu sur le site internet du CAMICA (http://www.diocesedepapeete.com), « Le Conseil d’Administration de la Mission Catholique de Tahiti et Dépendances, issu du décret “Mandel” du 16 janvier 1939 qui donne la personnalité morale à la Mission, comme collectivité globale pour gérer ses biens, a été créé le 14 août 1939 à Papeete. L’évêque (ou l’administrateur apostolique), chef de la Mission Catholique, en est à la fois le représentant légal et le Président responsable. Sous sa signature, il peut déléguer aux paroisses, œuvres, congrégations ou institutions la gestion des biens qui leur sont affectés.

Le CAMICA est composé de 14 membres. Son Bureau se réunit au moins une fois par mois. »

Ainsi donc, le fonctionnement du CAMICA est encadré par la loi dite Mandel du 16 janvier 1939. L’article 4 de cette loi stipule :

Les conseils d’administration ainsi constitués sont des personnes morales privées, investies de la personnalité civile.

Ils peuvent, à ce titre, et sous les réserves inscrites au présent décret, acquérir, posséder, conserver ou aliéner, au nom et pour le compte de la mission représentée, tous bien meubles et immeubles, tous droits mobiliers et immobiliers et tous intérêts généralement quelconques.

Ils ont pleins pouvoirs pour administrer et disposer en ce qui concerne les biens appartenant à la mission.

Ils peuvent ester en justice et y défendre.

C’est donc bien le « Conseil d’administration » qui a la capacité de représenter la mission catholique. À ce dernier égard, l’article 2 de la même loi indique que ce Conseil d’administration est composé « Pour la mission catholique, du chef de la circonscription missionnaire intéressée (archevêque, évêque, vicaire apostolique, préfet apostolique ou chef de mission), ou de son représentant, président assisté d’au moins deux missionnaires choisis par lui ».

L’article 3 enseigne encore que « Les conseils d’administration se réuniront sur la convocation de leurs présidents ».

En l’espèce, il apparaît fort troublant que l ‘acte notarié dont l’annulation est poursuivie ne mentionne pas que la procédure qui vient d’être décrite, qui est légalement requise pour la mise en œuvre de toute démarche par le CAMICA, ait effectivement été suivie.

En effet, le Notaire instrumentaire se contente d’indiquer aux termes de l’acte déféré qu’il a été saisi :

  1. À la requête des parties ci-après identifiées :

1° - Monsieur Jean-Pierre Edmond COTTANCEAU, Archevêque de PAPEETE, né à USSEL (Corrèze), le 14 janvier 1953,

2° - Monsieur Hubert Clément Marie COPPENRAHT, Archevêque émérite de PAPEETE, né à PAPEETE, le 18 octobre 1930,

3° - Monsieur Joël Victor Teva AUMERAN, Vicaire général de l’Archidiocèse de PAPEETE, né à PAPEETE, le 12 mars 1956,

Cependant, rien n’est consigné dans cet acte authentique quant au pouvoir de ceux-ci d’engager le CAMICA dans le cadre des démarches effectuées par eux par devant le Notaire.

En effet, tel que cela vient d’être explicité, le CAMICA est une personne morale. Dans le cadre de cette organisation, le Conseil d’administration doit être saisi de l’opportunité de toute démarche dans le cadre fixé par la loi Mandel de 1939, et seul cet organe peut habiliter une personne à effectuer une démarche jugée utile.

Or, rien n’indique que le Conseil d’administration de la mission catholique de Papeete ait bien été saisi de l’opportunité de saisir un Notaire, et aucune référence n’est faite quant à une éventuelle délibération dudit Conseil d’administration qui aurait alors habilité Messieurs COTTANCEAU, COPPENRATH et AUMERAN à agir pour le compte du CAMICA dans ce contexte.

Dans ces conditions, le Tribunal ne pourra que constater qu’il s’agit d’un vice de nature à entacher l’acte déféré de nullité pour défaut de qualité des personnes se présentant au Notaire comme représentants du CAMICA, l’acte ne consignant pas l’habilitation de celles-ci à agir pour le compte du CAMICA dans le cadre de l’établissement dudit acte.

La notoriété acquisitive établie par le SCP CLEMENCET-PINNA le 12 novembre 2019, transcrite le 28 janvier 2020 au volume 4922 numéro 6 sera donc annulée de ce chef.

De façon surabondante la concluante souhaite insister sur les contradictions qui existent manifestement au sein même du CAMICA.

En effet, il est certain que l’ensemble de l’emprise de ces atolls qui couvre plusieurs centaines d’hectares n’est pas affecté dans sa totalité à l’exercice du culte, mais bien à la seule culture du coprah.

Cette circonstance ressort clairement d’un courrier du 16 janvier 2001, le CAMICA renonçant expressément à acquérir une parcelle de terre à TEMATANGI aux motifs que la chapelle n’était pas construite sur ladite emprise et que « le terrain dans son ensemble représente une superficie hors de proportion avec les besoins de la petite paroisse de TEMATANGI,cette acquisition constitue une trop grosse dépense pour nous. »

Il est ainsi édifiant de constater qu’après avoir fait part de son intérêt pour « acquérir la propriété de la parcelle où la chapelle a été bâtie… » et avoir reconnu en 2001 que l’emprise de 2ha 75a 52ca était « hors de proportion avec les besoins de la petite paroisse », le CAMICA saisisse un Notaire en 2020 – et sans crainte de se contredire affirme être propriétaire non seulement de l’intégralité de la surface de l’atoll de TAMATANGI soit 509 hectares, mais aussi l’ensemble du territoire de six autres atolls soit 13 440 000 m2 (VANAVANA : 197 ha + TENARARO : 192 ha + MATUREIVAVAO : 177 ha + TENARUNGA : 296 ha + VAHANGA : 226 ha + MARIA : 256 ha).

Ainsi, votre Tribunal ne pourra que constater l’extrême mauvaise foi dont le CAMICA a fait preuve devant le Notaire en affirmant sans détours être propriétaire des sept atolls discutés.

  1. Sur l’inexactitude des délibérations des témoins.

En liminaire, la requérante ne peut que s’étonner de ce qu’aucun des témoins présentés au Notaire par le CAMICA ne soit un habitant d’un des sept atolls objets de la notoriété acquisitive déférée. En effet, sur les 14 témoins dont les identités sont consignées aux termes de l’acte discuté, 10 sont originaires de l’île de Reao, située à presque 500 kilomètres au nord.

Il est constant que les déclarations des parties consignées par un acte notarié peuvent être contestées. Il est en effet possible de démonter leur inexactitude par tous moyens. C’est ce qu’il sera fait ci-après.

Dans le cadre d’une notoriété acquisitive, les déclarations des témoins sont tout à fait essentielles dans la mesure où elles constituent l’unique fondement de cet acte.

Pour la jurisprudence, la prescription acquisitive résulte uniquement d’une possession utile et prolongée. Dans cette perspective, l’acte de notoriété acquisitive doit donc caractériser des actes matériels de possession précis, circonstanciés et probants (Cass. 3e civ. 22-5-2013 n° 09-72-601F-D).

Ce positionnement a d’ailleurs été confirmé à l’occasion d’une question qui avait été posée en 2013 par un parlementaire au garde des sceaux, ministre de la Justice. Le ministre de l’époque avait rappelé que « l’acte de notoriété acquisitive est utilisé en matière immobilière pour faire la preuve d’une possession utile qui permet, en application de l’article 2272 du code civil, d’invoquer l’acquisition de la propriété d’un bien immobilier par prescription au bout de trente ans ou de dix ans (…) », et il avait exposé que « À cette fin, l’acte de notoriété acquisitive contient les éléments matériels révélant l’existence d’une possession conforme aux exigences de l’article 2261, soit une possession continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. » Il relevait également que ce document « recueille les déclarations concordantes de témoin et regroupe le cas échéant tout document susceptible de les corroborer. »

En l’espèce, les « éléments matériels » évoqués par l’acte de notoriété acquisitive qui est déféré sont les suivants. L’acte consigne que les témoins « ont attesté comme étant de notoriété publique et à leur connaissance :

Que depuis TRENTE ANS (30 ans), le CAMICA réalise des actes matériels de possession des îles ci-après désignées, qui font présumer sa volonté de se comporter en propriétaire, savoir : »

  • Qu’il a fait réaliser d’importants travaux notamment ceux de construction de l’église en 1979, de citerne d’eau en 1965 et de magasin d’alimentation, ainsi que la démolition d’installations vétustes,
  • Qu’il a délivré l’autorisation à l’État pour la construction de l’annexe de la Mairie de TEMATANGI,
  • Qu’il a délivré l’autorisation au Pays pour la construction de l’infirmerie et de l’école,
  • Qu’il a interdit à toute personne d’accéder aux îles ACTÉON, sans son autorisation et d’y faire construire des maisons à usage d’habitation, sauf accord préalable ou tolérance de sa part,
  • Qu’il a délivré toutes les autorisations relatives à la récolte du coprah,
  • Qu’il a procédé à la distribution des produits de la récolte de coprah au profit des coprahculteurs qu’il a choisi selon les règles qu’il a fixées pour l’exploitation des îles ACTÉON,
  • Qu’il a géré la régénération et l’exploitation des cocoteraies de 1955 à 1977 notamment.

Pourtant toutes ces affirmations sont erronées puisque si, le CAMICA est effectivement à l’origine de tous ces actes matériels, celui-ci agissait en qualité de sociétaires des SCI TEMATANGI et/ou FANGATAUFA-MATUREIVAVAO. En effet, tous les actes qui ont été passés ne l’ont pas été pour le compte du CAMICA, mais bien pour celui de ces dernières sociétés.

Les déclarations des témoins ont donc été totalement extrapolées par le Notaire qui n’a manifestement pas cherché à comprendre le contexte de ces opérations et qui, pire, n’a pas pris la peine de rechercher les actes correspondant aux actions relatées par les témoins.

D’ailleurs, le CAMICA a toujours exploité cette confusion qu’il a lui-même nourrie, bénéficiant de l’éloignement des sociétaires et de leurs ayants droits, habitants de ces atolls et venant aux droits des sociétaires listés ci-dessus.

En effet, cette circonstance avait été relevée en 2008 tant par l’État français que par la Polynésie française, à l’occasion de la construction de l’abri de survie de l’île de TEMATANGI.

Cette prise de conscience ressort notamment d’un courrier daté du 27 octobre 2008 adressé par la Direction des affaires foncières à Mgr Hubert COPPENRATH. Il est important de noter que ce courrier est adressé à ce dernier à un double titre : celui de président du CAMICA en celui de président de la société TEMATANGI MATUREIVAVAO. Cette lettre enseigne qu’« à l’occasion d’une réunion qui s’est déroulée avec les services de l’État en charge du suivi du contrat de projet et les représentants du ministre des finances, les services de l’État ont demandé que leur soient d’une part, précisé le lien juridique entre la société TEMATANGI et le CAMICA (…) »

Il est encore tout à fait intéressant de souligner que, le 30 octobre 2008, Mgr Hubert COPPENRATH répondait à cette correspondance uniquement en qualité de Président de la SCI TEMATANGI MATUREIVAVAO tel que le texte reproduit ci-dessous le fait apparaître. Celui-ci signait en effet, au nom de ladite société, une autorisation permettant au Pays de réaliser la construction d’un abri para cyclonique. Il n’est enfin pas inutile de constater que Mgr COPPENRATH est demeuré taisant sur la demande de la DAF tendant à préciser « le lien juridique entre la société de TEMATANGI et le CAMICA ».

Je soussigné, Mgr Hubert COPPENRATH, Président de la SCI TEMATANGI MATUREIVAVAO autorise la Polynésie française à réaliser sur un terrain de 750 m2 la construction d’un abri para-cyclonique d’une superficie de 115 m2. Cette autorisation est consentie pour la durée d’amortissement du bâtiment qui sera rétrocédé gratuitement à la commune. Un bail à titre gratuit sera établi pour formaliser les modalités d’occupation de la parcelle.

Ensuite, dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de rétrocession au profit du Pays de l’emprise de 750 m2 sur laquelle est implanté l’abri para-cyclonique, la Direction des affaires foncières a adressé un courrier du 24 octobre 2012, au Père Bruno MAI, en sa qualité de Président du CAMICA et de la société TEMATANGI MATUREIVAVAO, lui demandant de « soumettre à l’approbation des membres du conseil d’administration de la société civile immobilière Tematangi, le projet de rétrocession de la parcelle dont il s’agit, puis de me transmettre une copie du procès-verbal dudit conseil d’administration. Enfin, il me serait également utile d’être destinataire d’une copie des statuts à jour de la société civile immobilière Tematangi. »

Ces demandes réitérées de la Polynésie française et de l’État au CAMICA de communiquer les pièces tendant à clarifier la situation juridique de la SCI de TEMATANGI sont demeurées sans écho de la part de ce dernier.

De même, il est intéressant de noter que dans le cadre de la mise en œuvre du projet station météorologique un acte d’échange est intervenu le 14 octobre 1987 entre l’État français et la SCI TEMATANGI alors représentée par Monsieur MARERE suivant procuration du 13 septembre 1978. Encore une fois, c’est donc bien la SCI qui s’est comporté « en propriétaire » et certainement pas le CAMICA.

Dans ces conditions les témoignages recueillis par Me CLEMENCET, qui ont servi de fondement à l’établissement de la notoriété acquisitive dont l’annulation est présentement poursuivie, seront jugés inopérants à fonder la prescription acquisitive dont le CAMICA s’est prévalu devant ledit notaire.

Dès lors, l’annulation de la notoriété acquisitive qui est sollicitée par la requérante par devant votre Tribunal se trouve justifiée de plus fort.

  1. Sur la responsabilité du Notaire.

De façon liminaire, la concluante souhaite indiquer à votre Tribunal que, conformément aux préconisations des articles 91 et suivant de la délibération n°99-54 APF du 22 avril 1999 portant refonte du statut du notariat en Polynésie française, une lettre a été adressée au procureur général afin que la probité professionnelle du notaire instrumentaire de l’acte de notoriété acquisitive qui est présentement déféré soit examinée. La chambre des notaires a été informés de cette circonstance par courrier.

Par ailleurs, s’agissant de la responsabilité du notaire dans l’établissement de ce type d’acte, la Cour de Cassation considère que celle-ci n’est pas engagée si un acte de notoriété acquisitive se révèle ultérieurement erroné, sauf si le notaire disposait d’éléments de nature à le faire douter de la véracité des annonciations dont il lui est demandé de faire état dans le certificat, et il n’est pas obligé de rechercher les origines de propriété du bien en cause qui ne sont pas susceptibles de contredire la possession qui a été attesté (Cour de cassation – 3ème ch. Civile n°1226601 du 22 janvier 2014).

En l’espèce, il semble évident que le notaire aurait dû émettre des doutes sur les prétentions du CAMICA, ces dernières portait sur sept atolls ! Il est en effet difficilement imaginable qu’une entité à vocation cultuelle ait pu effectuer des actes matériels sur l’entièreté des emprises qui composent ces sept îles dans les conditions prescrites par le code civil.

Un minimum de recherches était bien évidemment requis dans le cadre d’une demande aussi exceptionnelle. Quelques vérifications élémentaires auraient permis au notaire de se rendre compte de l’équivocité de la possession invoquée par le CAMICA.

En effet, l’existence même des sociétés TEMATANGI et FANGATAUFA-MATUREIVAVAO dont la vocation était la mise en valeur de ces sept atolls, et dont le CAMICA était membre, aurait dû conduire le notaire à refuser purement et simplement d’établir l’acte de notoriété acquisitive sollicité par le CAMICA.

Sur ce point, la jurisprudence a eu l’occasion d’indiquer que le caractère équivoque de la possession est une cause d’annulation de l’acte de notoriété acquisitive (cf. Cour d’appel d’Aix-en-Provence 26.11.2020, RG n°18 : 10552).

Il est ainsi démontré que le notaire disposait effectivement d’éléments suffisants pour mettre en doute la sincérité des déclarations faites par devant lui, de sorte que la légitimité de la demande du CAMICA aurait dû être examinée avec une attention toute particulière. En effet, une prescription aussi exceptionnelle portant sur sept atolls aurait dû conduire le notaire saisi à une extrême vigilance. Pourtant le notaire n’a pas jugé utile d’effectuer une quelconque démarche à titre de vérification et a simplement dressé sans autre formalité la notoriété acquisitive qui lui était demandée.

Ce comportement d’amateur constitue évidemment une faute dans l’exercice de la profession de notaire qui cause assurément un préjudice à la Polynésie française qui se voit contrainte d’intenter le présent recours afin de voir annuler l’acte de notoriété prescriptive qui est discuté afin que les droits des habitants des îles concernées voire de celles alentours ne soient pas ignorés.

En effet, au travers du présent recours, la Polynésie française agit certes pour défendre ses intérêts propres mais son action est principalement motivée par la défense de l’intérêt de tous les Polynésiens qui commande de ne pas cautionner de telles situations d’iniquité.

Dans ce contexte, il apparaît légitime que le notaire instrumentaire soit condamné à une amende de 500 000 (cinq cent mille) francs XPF au profit de la Polynésie française sur le fondement de l’article 1240 du code civil, son comportement fautif et critiquable professionnellement entrainant le préjudice qui vient d’être décrit et l’obligation impérieuse d’agir en justice pour le rétablissement d’une situation normale.

Il apparaît encore légitime que ce dernier supporte également les dépens liés à l’introduction du présent recours.

Par ces motifs

et tous autres à déduire ou à suppléer, au besoin d’office,

  • Constater que la SCP CLEMENCET-PINNA a dressé un acte notarié intitulé « notoriété acquisitive » le 12 novembre 2019 au profit du CAMICA et portant sur sept atolls dépendants de la commune de GAMBIER ;
  • Prendre acte de ce que le CAMICA avait déjà saisi la commission de conciliation obligatoire en matière foncière en 2015 aux fins d’usucapion de ces mêmes atolls ;
  • Constater que, face à l’opposition du pays appelé en défense, aucune conciliation n’avait été possible ;
  • Dire alors que la saisine du Notaire s’analyse comme une voie détournée pour obtenir la propriété de ces îles alors même qu’une reprise d’instance par devant le Tribunal de première instance de Papeete était possible ;
  • Réitérer qu’un acte de notoriété ne vaut que jusqu’à l’établissement de la preuve contraire ;
  • En l’espèce, dire que Messieurs AUMERAN, COTTANCEAU et COPPENRATH ne démontrent pas avoir obtenu du Conseil d’administration de l’Église catholique l’autorisation de saisir le Notaire ;
  • Constater encore que les déclarations des témoins sont erronées dans la mesure où les actes matériels d’occupation décrits ont été effectués par le CAMICA au nom des sociétés TEMATANGI, FANGATAUFA-MATUREIVAVAO dont il était membre ;
  • Prendre ainsi acte qu’aucun des actes matériels décrit aux termes de la notoriété acquisitive ne peut être attribué au CAMICA ;
  • En conséquence, prononcer l’annulation pure et simple de la notoriété acquisitive dressée le 12 novembre 2019, ainsi que la radiation de la transcription effectuée le 28 janvier 2020 au volume 4922 numéro 6 ;
  • Confirmer que la Polynésie française est propriétaire de deux emprises sur les îles de TENANIA et TENARARO « d’une largeur de cent mètres partant du récif au lagon », celle-ci étant « situées à proximité des points de débarquement de ces îles », tel que prévu aux termes de l’acte de cession transcrit le 16 mars 1979 ;
  • Confirmer encore la propriété de la Polynésie française sur la parcelle de 661 m2 non encore cadastrée où est implanté l’abri de survie de TEMATANGI ;
  • Par ailleurs, dire que le notaire disposait d’éléments de nature à le faire douter de la véracité des annonciations des témoins compte tenu de l’énormité même de la demande dont il était saisi ;
  • Constater alors que celui-ci a commis une faute en n’opérant aucune vérification complémentaire ;
  • Dire que cette faute engendre un préjudice pour la Polynésie française qui se voit contrainte d’ester en justice pour obtenir l’annulation de cet acte afin que l’intérêt commun des populations de ces îles, anciennement membres des sociétés susvisées, soient respecté ;
  • Condamner alors le notaire instrumentaire à payer à la Polynésie française la somme de 500 000 (cinq cent mille) francs XPF sur le fondement de l’article 1240 du code civil ;
  • Condamner encore celui-ci aux tiers dépens d’instance, ses agissements étant à l’origine de l’introduction du présent recours.

Et ce sera justice

Sous toutes réserves.

Tearii Te Moana ALPHA

© Polynésie française - 1982

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