19592501 - Homélie de Mgr Paul MAZÉ - 1ère messe

Homélie de Mgr Paul MAZÉ à l’occasion de la 1ère messe de l’Abbé Hubert COPPENRATH – 25 janvier 1959

Dieu soit béni !

Dieu soit béni, de nous donner la joie de voir aujourd'hui à Papeete, un fils de Tahiti monter à l'autel du Seigneur. Ce bonheur nous l'avons souhaité ardemment, demandé par d’instantes prières depuis de longues années.

Certains n'osaient l'espérer ; gens de peu de foi, qui oubliaient, ou même ignoraient que Dieu appelle qui il veut, là ou il veut, et quand il veut.

Notre Révérend Père Hubert Coppenrath, Dieu est allé le chercher sur les bancs d’un lycée, dans les salles de cours de la faculté de Droit Civil.

Âme généreuse et droite il n'a pas résisté, ni hésité. À l'appel de Dieu le convoquant à son service, il a répondu présent, et des études de Droit, il est passé au Séminaire de St Sulpice.

Après avoir terminé les six ans de Philosophie et de Théologie, il a poursuivi les études supérieures à l’Institut Catholique de Paris, et aujourd’hui, il nous arrive, non seulement prêtre, il l’est depuis 19 mois mais après 15 mois de travail acharné, mais après 15 mois de travail acharné il nous arrive auréolé d'une Licence de Théologie. Il vient consacrer désormais ses forces et sa vie à l’apostolat de ses frères, le peuple tahitien.

La fidelité du fils à l'appel de Dieu n'a d’égal que la soumission généreuse des pieux et dignes parents à la Volonté d'En-Haut. C'est un double exemple pour les jeunes gens et pour les parents des futurs appelés de Tahiti à la sublimité du sacerdoce, que nous avons aujourd1hui sous les yeux.

Le sacerdoce !

Arrêtons-nous un instant à contempler l’excellence du sacerdoce.

Qu'est-ce qu’un prêtre ? St Paul nous dit que c’est un homme pris parmi les hommes et chargé pour les hommes du service de Dieu afin d’offrir dons et sacrifices pour les péchés.

Nul ne s’arroge cette dignité, il faut y être appelé de Dieu comme Aaron. Ainsi le Christ n’a pas prétendu de lui-même à la gloire de devenir grand-prêtre, mais Dieu lui a dit : « … Tu es prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisedech. »

Jésus réalise dans sa personne la plénitude du sacerdoce. Par son incarnation, homme de notre race divinement appelé à la prêtrise, consacré par excellence dans l’état de sainteté absolu, destiné irrévocablement au sacrifice de l’unique Sauveur.

Mais la grande Loi des ŒUVRES DE DIEU n’est-ce pas leur perpétuité ?

Jésus-Christ n’est-il pas prêtre éternel ? Il l’est comme le rappelle Dieu le Père par la bouche du prophète David : « Tu es prêtre pour toujours selon l’Ordre de Melchisedech ». Cest pourquoi il continuera la fonction de son sublime sacerdoce, de son unique sacerdoce.

Mais Jésus va monter au ciel. Comment, alors, continuer l’offrande de son sacrifice ? Pour perpétuer, renouveler, rappeler, appliquer le sacrifice de la croix, Jésus aura besoin d’un second, d’un vicaire… Et c’est pourquoi, au dernier soir de sa vie mortelle, le Prêtre Éternel consacre les mains et les lèvres de ses apôtres pour les constituer ses ministres subordonnés jusqu’à la consommation des siècles.

Après avoir prononcé les paroles sacramentelles : « Ceci est mon corps qui est livré pour vous » puis, sur le calice de vin : « Ceci est mon sang, sang de la nouvelle alliance qui est répandu pour la rémission des péchés », Jésus ajoute ces mémorables paroles : « FAITES CECI en MÉMOIRE DE MOI ; chaque fois que vous mangerez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez le Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » (ICor II, 26).

Le pouvoir d’offrir le sacrifice eucharistique communiqué d’abord aux apôtres, à la dernière Cène, par Jésus Christ directement, a été transmis par le rite de l’Ordination sacramentelle, institué par le Maître, et a été appliqué aux élus pour en faire des consacrés, des sacrificateurs et des sanctificateurs. Par les évêques, successeurs des apôtres, les générations sacerdotales se succèderont ainsi jusqu’à la fin du monde. Oh ! Quel beau et en même temps quel redoutable privilège que cette sublime vocation.

Pensez-y. Avant le jour béni de l’ordination, mêlé à la foule des baptisés, l’ordinand n’avait aucun pouvoir sur le corps réel ni sur le corps mystique du Sauveur. Mais soudain tout change : des paroles mystérieuses et toutes puissantes sont tombées des lèvres de l’évêque ; et le nouveau prêtre se relève du pied de l’autel, capable désormais d’offrir le St Sacrifice et de sanctifier les âmes, capable de dire aussi efficacement que Jésus : « CECI est mon corps… Je t’absous de tes péchés… ».

Il monte en chaire : C’est Jésus qui lui a ordonné de prêcher l’Évangile à toute créature. C’est Jésus qui parle par sa bouche. Nous sommes en ambassade pour le Christ ; c’est comme si Dieu exhortait par nous.

Nul homme n’a le droit d’examiner, de discuter, de rejeter l’enseignement répétant celui de Jésus. Il parle tanquam potestatem habens ; il présente sa doctrine comme une affirmation solennelle, comme un oracle infaillible émané de l'éternelle vérité, comme l'écho de la voix divine qui retentit il y aura bientôt 20 siècles dans les bourgades de la Judée et de la Galilée. Qui vous écoute m'écoute, qui vous méprise, me meprise.

Vrai plenipotentiaire du Christ ! Quel titre ! Il y a en lui plus que la majesté d'un roi, puisqu'il représente un Dieu, dont il est devenu la vivante incarnation dans le monde. Quelle puissance réside dans le prêtre catholique. Quelle dignité est la sienne.

Le St curé d’Ars disait : « Le prêtre ne se comprendra bien que dans le ciel. Si on le comprenait sur la terre, on mourrait non de frayeur, mais d’amour ».

Mes biens chers Frères, l'entrée dans le ministère sacré, du premier enfant de Tahiti, baptisé dans cette paroisse, doit être un sujet de joie, j'ajouterai, de fierté pour vous tous. L'Église ne sera solidement et définitivement établie à Tahiti, que le jour où elle recrutera sur place le nombre de prêtres, de religieux et de religieuses nécessaires aux besoins des âmes, de toutes les âmes indistinctement. Son Excellence, Mgr le Délégué Apostolique nous l'a ressassé à satiété. C'est pourquoi le jour d'aujourd'hui doit être marqué d'une pierre blanche. C'est un début. Il aura son lendemain. Prions que Dieu appelle de nombreux et dignes ouvriers tahitiens a son service.

Des fidèles peu informés pourraient peut-être, se sentir inclinés a voir dans nos prêtres, enfants du terroir, justement à cause de leur origine, les partisans de tels ou tels intérêts matériels, de telle famille ou de tels clans. Oh ! Mes biens chers Frères ne leur faites jamais une telle injure. Que votre foi éclairée vous fasse toujours voir en vos prêtres tahitiens et autres les ministres de Dieu, les pères de vos âmes, de toutes les âmes indistinctement.

Ils appartiennent à tous. Leur prière officielle, la Ste messe est un acte non privé, mais public ; l'OFFICE que chaque jour ils récitent, est la prière publique officielle de l'Église. Ils prient non en leur nom, mais au nom de l'Église toute entière. Il est vraiment le serviteur de la Communauté chrétienne. Ne reduisez jamais ses services a des limites particulières, familiales ou partisanes.

N'oubliez jamais de payer de retour les prêtres serviteur de vos âmes· Écoutez les belles paroles de St Paul : « Obéissez a vos chefs spirituels et soyez leurs soumis ; car ils veillent sur vos âmes, comme devant en rendre compte. Il faut qu’ils puissent le faire avec joie, et non en gémissant, ce qui ne vous serait d'aucun profit ».

Que ceux qui cherchent a faire gémir leurs prêtres se le tiennent pour dit.  Cela ne leur sera d'aucun profit. C'est l’Esprit saint qui le dit par la bouche de St Paul.

Je termine par les belles paroles de l’Auteur de l’Imitation : « Quand le prêtre célèbre, il honore Dieu, il réjouit les anges, il édifie l’Église, il secourt les vivants, il procure le repos aux morts, et se rend lui-même participants de toutes sortes de biens ». 

Je forme le souhait que beaucoup de parents parmi vous ressentent un jour le bonheur qu'éprouvent en ce moment les parents du jeune prêtre qui monte aujourd'hui à l'autel et va dans un instant vous bénir. Ainsi-soit-il.

© Archevêché de Papeete - 1959

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