Diaire

DIAIRE DE GÉRONIMO CLOTA

Traduction de Liou TUMAHAI (B.S.E.O. n°333 – septembre-décembre 2014 – p.128-158)

Avant-propos

Cette traduction, destinée à tout lecteur intéressé par la culture de la Polynésie au moment des premiers contacts européens, tire ses sources du manuscrit du Journal des missionnaires espagnols, dont les feuillets sont intégrés dans le volumineux dossier portant sur le gouvernement du vice-roi Don Manuel de Amat sous le règne de Charles III, et en particulier dans la rubrique portant sur les Expéditions espagnoles dans le Pacifique. Il existe une copie de ce manuscrit aux Archives des Indes de Séville (Audiencia Lima, legajo 1035) ainsi qu'à la BRAH de Madrid, collection Munoz, tome 66.

Cette traduction comprend deux parties : la première traite spécifiquement du Journal des missionnaires, lequel est écrit de la main du frère Geronimo Clota, daté du 28 janvier au 12 novembre 1774 ; la seconde porte sur les missives datées du 4 au 7 novembre 1775, échangées entre les pères missionnaires et Don Cayetano de Langara, commandant à bord de l'Aguila. Celui-ci avait pour seule mission de ravitailler les pères, mais ces derniers, à travers un long mémorial, et tout en refusant de réceptionner les vivres, expliquent les raisons pour lesquelles ils se désistent de leur mission et demandent instamment leur rapatriement à Lima.

Ce journal inédit est à mettre en parallèle avec celui plus connu de Maximo Rodriguez (Les Espagnols à Tahiti, Société des Océanistes, n°45, Musée de l'Homme, Paris, 1995). Il offre ainsi au lecteur un éclairage complémentaire et intéressant sur leur éprouvant séjour, d'un an environ, dans l'île de Tahiti en 1774.

Pour la présente traduction, nous nous sommes efforcés d'observer la plus grande fidélité au texte source, dans la mesure du possible et sans trop l'alourdir de notes. Elle a été également faite dans le respect de certaines tournures d'époque, du style parfois peu soigné, de l'emploi des temps passés, de l'amplitude de certaines phrases d'inspiration latine, et du lexique religieux propre aux pères missionnaires ; à quelques exceptions près toutefois, ont été opérées les nécessaires transpositions et modulations, dictées par la clarté et l'ordre syntaxique usuel de la phrase française. Enfin, pour lever toute ambiguïté grammaticale, nous avons inséré entre parenthèses les mots utiles à la compréhension du lecteur et en fin d'article, figure un glossaire des antonymes et toponymes.

Journal présenté et traduit par Liou Tumahai Maître de conférence en espagnol à l'Université de la Polynésie française[1].


[1] Sa traduction a été relue et corrigée par Maria dei Milagro de Obregon y de Lanuza, ancienne avocate au Barreau de Madrid, licenciée en philologie espagnole, master de professeur d'espagnol, langues étrangères.

Journal de Geronimo Clota

Journal des choses notables qui eurent lieu dans l'île de Amat (alias Otageti) depuis le 28 janvier 1775, date à laquelle la frégate de sa Majesté, dite l'Aguila, mit à la voile pour le port de Callao, jusqu'au 12 novembre de la même année, jour où elle partit pour la seconde fois du même port emmenant les Pères prédicateurs apostoliques frère Geronimo Clota et frère Narciso Gonzalez du Collège de propagation de la foi de Sainte Rosa de Ocopa.

Le 28 janvier. Vers midi la frégate sortit du port appelé Très Sainte Croix de Ojatutira, suivi du Jupiter convoyeur de Lima.

Le 29. Le soldat interprète appelé Maximo Rodriguez s'est rendu à Huayari, district du arii Vegiatua.

Le 1er février. À six heures du matin, la mère du arii vint à notre hospice, accompagnée de son mari Titorea, pour nous informer que cette nuit ces mêmes gentils[2] qui dormaient dans la maison, nous avaient volés ; nous laissant entendre que c'étaient les parents du garçon Manuel, même si sur le moment nous ne l'avions pas crue, c'était pourtant vrai, parce que...

Le 2. Au lever du jour, frère Geronimo entendit du bruit et se rendit compte que quelqu'un était en train de passer sur le toit de la maison en bois ; il se leva et trouva un jeune homme qui grimpait du côté où étaient entreposés les vêtements et les affaires ; en voyant cela, nous appelâmes la mère du arii et son beau-père Titorea ; dès leur arrivée, nous leur racontâmes ce qui s'était passé ; ils répondirent que le jeune Manuel et son père étaient au courant du vol, et Manuel, interrogé à son tour, répondit que c'était tout le monde qui avait volé. Dans l'après-midi Manuel demanda la permission à frère Geronimo pour se rendre chez lui et voir sa mère car il disait qu'elle était malade ; à quoi nous répondîmes que c'était bien, mais qu'il fallait attendre dimanche où, après avoir entendu la messe, il pourrait s'y rendre. [Manuel][3] répondit : « Oui, mon père ».

Le 5. Une fois la messe entendue, le jeune homme se rendit chez lui, sa maison se trouvant dans le district de Tallarapu, en compagnie de son père, de deux frères et de deux oncles. Nous l'avertîmes de ce que le dimanche suivant il devait revenir rapidement pour entendre la messe.

Le 7. Sur ordre du arii, une partie du potager fut clôturée.

Le 8. Frère Geronimo et l'interprète passèrent dans la vallée de Ojatutira où habitent beaucoup de gens mais de façon dispersée ; nous en sortîmes bien trempés, tellement il avait plu.

Le 11. On finit de clôturer le potager, on arracha du terrain beaucoup d'herbes, jusqu'à en nettoyer la moitié.

Le 13. Le arii Vehiatua se rendit dans le district de Tallarapu où se trouvait le jeune Manuel. Frère Geronimo demanda au arii de donner l'ordre à Manuel de revenir à la maison, parce que nous soupçonnions sa fuite, puisqu'il n'était pas revenu le 12 pour entendre la messe, comme nous le lui avions recommandé. Dans l'après-midi, frère Geronimo et l'interprète se rendirent dans la vallée de Ojatutira pour demander des bambous afin d'en faire une haie devant notre maison, où avait été érigée la Sainte Croix et se trouvaient enterrés les deux corps, celui de don Domingo Boenechea, commandant de la frégate Aguila, et celui d'un marin qui avait perdu brutalement la vie sur les lieux mêmes, terrassé par un cocotier qu'ils étaient en train d'abattre, lequel dans sa chute tomba en plein sur sa tête.

Le 14. À quatre heures de l'après-midi, arriva à l'hospice le jeune Manuel, sur ordre de son arii, accompagné de son père. Nous les reçûmes avec plaisir et force embrassades et tout de suite après nous leur offrîmes à manger afin de leur réserver un meilleur accueil encore ; mais comme ils étaient venus sous la contrainte, dès la nuit tombée, ils s'enfuirent pour renter chez eux où on les retrouva déjà couchés ; les serviteurs en voyant cela, et du fait qu'il était tard, se couchèrent également.

Le 15. Le matin arrivèrent à l'hospice les serviteurs en question pour annoncer que le jeune Manuel leur avait dit qu'il viendrait le lendemain. Ce jour-là, on apporta de la vallée de Ojatutira les bambous destinés à la clôture de la cour.

Le 16. Le père Narciso tomba malade, souffrant de colique et de vomissements, fut soigné grâce à trois remèdes qui lui furent administrés et il recouvra la santé au bout de deux jours.

Le 20. Un cocotier qui menaçait de détruire notre maison, fut abattu.

Le 21. La mère du arii accompagnée de toute sa famille et chargée des affaires de leur maison, changea de district, pour se rendre dans celui de Tallarapu où se trouvait son fils Vehiatua.

Le 22. La mère du arii Otu, ainsi que son père, ses frères et sœurs et tous leurs gens embarquèrent pour Tallarapu où Otu les attendait, pour se rendre ensemble dans leurs terres. À partir de ce jour-là, et jusqu'au retour du arii Vehiatua, notre hospice dans le district de Ojatutira se retrouva sans âme qui vive dans son voisinage.

Le 23. On commença la construction de la clôture dans la partie située à l'avant de l'hospice, ainsi que la galerie, qui fut bâtie autour de la maison en bois avec des poteaux droits, parce qu'il pleuvait tellement dans ce pays que l'eau abîmait le plancher et les piliers de bois.

Le 24. La galerie fut terminée.

Le 25. On commença à construire une autre galerie dans la partie orientée vers le potager. Le matin de ce même jour arriva à notre hospice un païen, serviteur confident du arii Vehiatua, porteur du message qu'il était envoyé par son maître malade pour que nous lui remettions un cochon vivant, du lard salé de Lima, des biscuits et du miel. Ce que nous exécutâmes avec grand plaisir et il se dirigea vers le district de Oallautea où se trouvait le arii malade. L'interprète se rendit à Tallarapu afin de persuader le jeune Manuel de venir habiter avec nous ; ce à quoi il répondit catégoriquement qu'il ne voulait pas.

Le 26. On travailla à la galerie.

Le 27. On a terminé la galerie et achevé une partie de la clôture de la cour.

Le 9 mars. Dans la nuit, un drap du lit de l'interprète fut volé.

Le 11 mars. Le matin l'interprète s'en alla rendre visite au arii Vehiatua et lui demanda de faire revenir le jeune Manuel à Ojatutira pour qu'il habitât avec nous ; le arii lui répondit qu'il le conduirait en personne chez nous ; l'interprète revint aussitôt à Ojatutira et si vite qu'à midi déjà il était de retour. À deux heures de l'après-midi arriva le arii accompagné de son serviteur Taytoa et, avec eux le jeune homme. Nous demandâmes à ce dernier s'il voulait vivre avec nous et il répondit en pleurant qu'il ne voulait pas. Nous lui signifiâmes le mal qu'il faisait et nous l'invitâmes à prendre en considération la très grande faveur que Dieu lui avait faite en lui accordant le baptême sacré ainsi que les faveurs qu'il avait reçues du Seigneur vice-roi et bien d'autres choses encore que nous lui avions dites pour le salut de son âme, mais tout cela fut en vain et pour notre plus grande affliction en voyant que cette âme-là courait à sa perte.

Le 12. Après avoir mangé avec nous, le arii Vegiatua prit congé et retourna à Tallarapu ; peu de jours après, nous apprîmes que le jeune homme et son père avaient été exilés par le arii et qu'ils se trouvaient sans domicile dans l'île.

Le 16. On a volé à l'interprète deux draps et une chemise ; on sut qui était le voleur, mais on ne put lui reprendre qu'une seule pièce.

Le 17. Dans l'après-midi frère Geronimo sortit en compagnie de l'interprète pour se rendre dans le district de Aragero ; nous rencontrâmes un rassemblement important de naturels et nous vîmes une femme qui, en présence de cette foule, faisait couler du sang de sa tête et qui pleurait la mort de son fils.

Le 18. On nous a volé un petit cochon et nous apprîmes qui était le voleur ; c'était Tarioro, capitaine du district de Ojatutira, que nous connaissions bien.

Le 19. Dans l'après-midi frère Geronimo et l'interprète sortirent pour passer dans la vallée de Ojatutira afin de récupérer le petit cochon ; nous arrivâmes à la maison du capitaine Tarioro et l'interprète, agissant comme s'il ignorait que c'était lui le voleur, lui dit qu'on nous avait volé un petit cochon et qu'il lui demandait d'entreprendre des recherches pour le trouver et pour savoir qui l'avait. Il se mit à sourire et répondit qu'il chercherait. Ce qu'il fit [plutôt], ce fut de l'offrir au arii, en disant que les Pères le lui avaient offert à lui ; par la suite, le arii apprit que ce capitaine nous l'avait dérobé, et il nous le restitua sur le champ en l'envoyant chez nous. Quant au capitaine, il [le arii] lui retira son emploi, ses terres et l'exila du district de Ojatutira. On ne revit plus ce capitaine dans le district jusqu'après le décès du arii. Ce geste du arii ne fut pas celui d'un naturel barbare, ce qu'il était pourtant, mais plutôt le geste le plus approprié qui soit d'un chrétien à la sainte loi divine. Je veux à présent relater un événement qui est arrivé à ce capitaine vers la fin de février passé. Ce dernier était marié mais il ne vivait pas avec sa femme puisqu'il l'avait chassée de chez lui. Sa femme se trouvait chez son père, dans une maison située tout près de notre hospice ; même s'il ne la voulait plus chez lui, ni ne lui donnait à manger, il venait cependant la chercher pour user d'elle comme de sa femme, et ceci en l'absence de son père. Ce dernier apprit par sa fille ce que je viens de dire, et très offensé contre son gendre, se posta en vigie pour pouvoir l'attraper à l'intérieur de chez lui, en train de commercer avec sa fille et pour le tuer. Il finit par réussir à l'attraper et avec un couteau flamand dans la main, il fonça sur son gendre pour le tuer avec l'aide également de sa fille ; mais ils ne purent en finir avec lui car bien que grièvement blessé, il réussit à s'échapper. Il vint à notre hospice (cet incident eut lieu un jour, très tôt avant le lever du soleil). En le voyant si blessé et si souffrant, nous lui demandâmes avec qui il s'était battu. Qui l'avait blessé de la sorte ? Il répondit que c'était son beau-père, lequel voulait le tuer et avec l'aide de sa femme également. Et pour quelle raison ? Le motif était celui que je viens d'évoquer ; cela faisait pitié de le voir si blessé, au cou, sur les bras, aux mains et sur le corps, mais la plus grande et la plus dangereuse des blessures se trouvait à son coude gauche. Cependant malgré la gravité de ses blessures, il finit par guérir parfaitement sans recourir à un chirurgien, ni remède aucun pour recouvrir son corps nu, il lui suffisait seulement de le laver dans la saine rivière.

Le 24. Frère Geronimo se rendit dans le district de Ajuy avec l'interprète pour rendre visite à un païen, homme de bien et de raison, dont nous avions reçu et recevions encore la faveur de nous envoyer parfois du poisson ; et il nous prêtait également le filet quand nous le lui demandions. Il nous rendait également visite de temps à autre ; la visite au païen terminée, nous rentrâmes à l'hospice.

Le 30. La basse-cour fut terminée.

Le 5 avril. Le père Narciso malade fut pris de fièvre et il attrapa un ictère. On lui appliqua des remèdes et le temps aidant il put guérir.

Du 12 [au][4] 15. On termina la clôture du terrain ou enclos situé devant la maison ; on y installa une porte en bois avec une clef. Dans l'après-midi il avait tant plu que la rivière en crue se divisa en trois bras et l'un d'eux vint à traverser le potager de notre hospice.

Le 24. Le père Narciso et l'interprète partirent dans le district de Huayari afin de rendre visite au arii Vegiatua qui était malade. Ce jour-là également le matelot[5] souffrit d'un écoulement d'humeur dans les yeux.

Le 27. Les susdits de retour du district de Huayari arrivèrent à l'hospice. Dans la nuit le matelot se sentit si mal que nous ne pûmes fermer l'oeil de la nuit tant la douleur aiguë qu'il ressentait dans ses yeux et dans sa tête, lui faisait pousser continuellement des cris, disant qu'il perdait la raison ; on tenta de lui appliquer des remèdes ; ses douleurs s'atténuèrent quelque peu et il guérit en peu de jours.

Le 5 mai. Le père Narciso et l'interprète se rendirent dans le district de Tallarapu pour aller chercher les bambous qui manquaient pour clôturer une partie du potager et...

Le 6 mai. Ils revinrent sans les bambous, mais avec l'espoir que certaines personnes de ce district-là les transporteraient à notre maison, comme ils nous l'avaient promis, mais ils ne tinrent point parole car ils avaient été payés d'avance par le capitaine dudit district.

Le 31. Après avoir appris avec certitude que notre arii Vegiatua se trouvait très malade dans un îlot situé devant le district de Tallarapu, lequel était inhabité et uniquement consacré à leur faux dieu Terma [sic], le père Narciso et l'interprète embarquèrent pour aller dans cet îlot, afin de lui rendre visite et le persuader de revenir dans sa maison de Ojatutira, pour que nous nous appliquions à lui administrer quelques remèdes, et afin qu'il congédiât les Tayuas [tahu'a] qui l'avaient trompé par leurs mensonges, tout en mangeant ses cochons, sans lui donner aucun remède pour autant. Ce à quoi il répondit qu'il reviendrait à Ojatutira après être passé dans un autre Ymarae [marae] où il allait se rendre d'ici peu pour faire le epure [pure] avec les Tayuas [tahu'a]. Le Ymarae [marae] est un port ou endroit (dédié au faux dieu que vénèrent ces gentils) habituellement disposé en forme de petite place carrée comportant deux ou trois marches hautes faites de pierres, sur un terrain très plat, sur lequel se trouvent de grandes figures en bois qu'ils appellent e ti [ti'i]. Le terme e pure signifie « prier » et celui de Tayua [tahu'a] veut dire « Maître ». Je disais que le imarae [marae] est habituellement disposé comme une petite place car il y en a qui sont formés sans placette et c'est suivant ce dessin, [dessin[6]] haut de cinq à six vares. C'est dans cette île que le père Narciso s'était fait attaquer par un tayua [tahu'a] brandissant dans ses mains une grosse pierre. Et si un serviteur païen du arii, appelé Taytoa, n'avait pas accouru pour empêcher le Tayua [tahu'a] de mettre sa menace criminelle à exécution, le père en question aurait passé un très mauvais moment.


[2] Le mot espagnol « gentil » est d'un emploi récurrent dans le manuscrit des missionnaires ; nous proposons, selon le contexte, d'utiliser les termes français « gentil, ou païen, ou naturel, ou idolâtre ».
[3] Pour une claire compréhension de la phrase, nous indiquons entre parenthèses tout mot ajouté.
[4] Dans le manuscrit, les dates du 12 et du 15 figurent en marge, l'une sous l'autre (folio 219).
[5] Il s'agit du mousse Francisco Pérez détaché de l'équipage de l'Aguila par le lieutenant Gayangos en janvier 1775 et affecté au service des pères missionnaires durant leur séjour à Tautira.
[6] Un dessin rectangulaire comportant à l'intérieur deux autres rectangles, figure dans le manuscrit (foI.219v) ; une vara : mesure espagnole valant 0,836.

Plan du marae

Plan du marae

Journal de Geronimo (suite)

Le 1er juin. Le père Narciso et l'interprète sont revenus à l'hospice, laissant le arii dans ledit îlot.

Le 5. Dans la nuit le arii arriva malade avec une forte fièvre, un rhume et totalement paralysé des bras et des jambes. Il nous demanda des remèdes et de le soigner ; sachant que sa maladie provenait d'un refroidissement, nous lui donnâmes cette même nuit une boisson chaude pour provoquer la sudation, grâce à laquelle le malade parvint à transpirer comme il faut.

Le 6. Le malade se réveilla quelque peu soulagé ; et voyant que le remède lui avait été profitable durant la nuit, on lui redonna le même breuvage tout en lui appliquant sur les genoux une huile tout à fait appropriée pour lui ôter les douleurs qu'il ressentait à cet endroit-là et qui l'empêchaient de marcher. Puis tout en continuant à lui donner ces remèdes, la fièvre finit par retomber peu à peu, et les douleurs dans les bras et les jambes s'atténuèrent également, si bien que le 22 il commença à se lever un peu. Dans toute l'île, se répandit la rumeur de la nouvelle à laquelle les gens ne s'attendaient pas du tout, de l'amélioration du arii Vegiatu ; et dès [l'annonce de] cette bonne nouvelle, ses vassaux commencèrent à venir à Ojatutira pour lui rendre visite et le divertir par des danses, des intermèdes et de la musique, aux sons d'un tambour et de deux instruments en bois, lesquels joués tous ensemble font beaucoup de bruit.

Le 14. La quantité de gens rassemblés pour faite la fête à leur arii, à en juger par le terrain qu'ils occupaient, était telle qu'ils pouvaient bien atteindre trois mille personnes ; les cris que poussait par moments cette affluence considérable nous faisaient peur ; une fois terminées les festivités ou Heyba [heiva], qui durèrent assez longtemps, les gens s'en allèrent.

Le 17. Le matin arriva un nombre important de jeunes garçons, bien mis, qui venaient pour se présenter à leur arii Vegiatua, selon leurs usages et coutumes. Il est habituel que, à certaines époques ou à certaines lunes, se rassemblent les jeunes garçons de chaque district ; ils prennent place dans une de ces grandes maisons qu'ils réservent pour entreposer leurs grandes pirogues qui leur servent pour partir en guerre contre une autre île. Et installés là, avec toute la nourriture nécessaire, ils s'étendent sur les herbes sèches qu'ils étalent en guise de matelas et usant pour se couvrir d'une couverture que chacun apporte, confectionnée à partir de l'écorce de certains arbustes, qui est très fine, un peu moins que le papier paille[7]. Ils ne se lèvent que pour leurs besoins naturels, dorment et mangent tant qu'ils peuvent. Un vieil homme leur donne la nourriture. Cette pratique dure le temps d'une lune dans le but de grossir et d'acquérir des formes généreuses. Une fois achevée cette période de gavage, ils se relèvent et s'oignent tout le corps d'huile de coco, s'ornent la tête d'un tressage de feuilles de palmes [visière ?] qui, posé au-dessus du front, fait de l'ombre au visage quand le soleil les touche. De même, par-dessus leur cache-sexe, ils enroulent une longue bande faite de plusieurs couleurs de tissus. Ainsi arrangés, ils se dirigent vers la maison du arii. Avant d'y arriver, juste à proximité, vient se mettre devant ces [jeunes] engraissés, quelqu'un qui, faisant office de capitaine, pousse de grands cris jusqu'à leur arrivée à la porte de la maison. Seul le capitaine entre pour rendre compte et annoncer la liste de ces engraissés en même temps qu'ils entrent ; et le capitaine les présente par leur nom, chacun en particulier, en précisant leur district d'origine, et aussitôt il remet au arii les couvertures que ces jeunes engraissés lui offrent en guise de présents ; pendant ce temps-là, leurs accompagnateurs leur ruent dessus dans un grand tumulte pour leur ôter la ceinture aux multiples couleurs, laissant les engraissés avec uniquement leur cache-sexe ; pour finir, après un bruyant Jeyba [heiva] au son des tambours, ils exécutèrent un intermède mettant en scène un gentil dont la femme était jalouse. La représentation dura une heure et demie, elle fut fort divertissante parce que le bouffon jouait son rôle parfaitement ; lorsque de temps à autre les tambours battaient, les personnages, bien inclinés vers la terre, se balançaient au rythme de la musique, sans bouger de place, bien alignés, avec le bouffon en tête de file que tout le monde se mettait à imiter. Ils sont très rapides dans l'exécution des mouvements, très entraînés et d'une grande souplesse quand ils bougent les différentes parties de leur corps, réussissant des figures et des grimaces horribles. À ces danses et intermèdes participent également des femmes très honnêtement habillées, qui ressemblent aux femmes espagnoles et qui ne sont pas moins souples de leur corps que les hommes.

Le 18. Trois heures avant le lever du jour, frère Geronimo entendit les poules faire du bruit, il appela à haute voix l'interprète qui dormait à côté d'elles pour qu'il se lève mais quand bien même il se leva rapidement, il ne put empêcher un naturel de partir avec une poule. Les serviteurs du arii entendirent les grands cris de frère Geronimo qui disait le mot suivant: Guarero qui veut dire « voleur ». Ils se levèrent sur le champ pour courir après le voleur ; c'était un serviteur de la mère du arii, ils restèrent discrets et secrètement allèrent en faire part à leur maîtresse et cette dernière le jour même exila ce serviteur voleur dans un autre district loin de Ojatutira. Jeyba [heiva] ce jour-là avec beaucoup de monde et beaucoup de tambours qui durèrent trois jours consécutifs, en célébration du rétablissement de la santé de Vegiatua.

Le 19. Poursuite des Jeybas [heiva] et multitude de païens.

Le 22. Nous restâmes dans la maison, tout en faisant très attention, en raison du grand nombre de personnes qui venaient fêter leur arii, lequel s'était déjà levé de son lit, quasiment rétabli.

Le 23. Vers midi le arii Vegiatua quitta sa maison pour se rendre dans la nôtre en compagnie d'un de ses frères, son petit frère Natagua et de quelques-uns de ses serviteurs ; il mangea à table avec nous. Dans l'après-midi il y eutjeyba [heiva] avec beaucoup de bruits, de tambours et de cris.

Le 24. Avant le lever du soleil arriva un nombre important de naturels dont les cris discordants et les hurlements faisaient peur. Ils exécutèrent leur Jeyba [heiva] qui dura une heure sans tambours et ils conclurent leur divertissement en répétant plusieurs fois, tous ensemble, un seul et même mot dont nous n'avons pas compris la signification ; cela fut exécuté avec tant de force et de cris puissants que c'en était épouvantable. La plupart d'entre eux partirent ensuite, d'autres demeurèrent quelques heures de plus. Cinq poulets nous furent dérobés.

Le 2 juillet. L'interprète se rendit dans le district de Opare, territoire qui appartient au arii Otu. Le arii Vegiatua tomba malade à nouveau ; nous lui fîmes envoyer de la nourriture de notre hospice. Jeyba [heiva]. Il en fut de même le jour suivant.

Le 3. Nous donnâmes à manger au arii. Jeyba [heiva].

Le 4. Le matin, encore un Jeyba [heiva] avec musique de tambours, grande affluence de personnes et longue proclamation, dite par un Tajua [tahu'a] en présence de cette grande multitude qui l'écouta avec attention, en silence. Dans ce sermon, nous fûmes les quatre seuls nommés, les deux séculiers, par notre propre nom, de même que furent cités le beau-père du arii, appelé Titorea et un autre païen du nom de Taytoa, son vassal et proche parent. Nous n'avons pas compris un seul mot du reste de la péroraison du Tajua [tahu'a]. Jusqu'à présent nous n'avions pas vu les tajuas [tahu'a] durant la maladie, depuis que le arii malade les avait congédiés, quand il était venu à Ojatutira pour que ce soit nous qui le soignions. Jeyba [heiva] dans l'après-midi. La maladie du arii était en train de s'aggraver.

Le 5. Grande affluence et de nouveau Jeyba [heiva] avec tambours.

Le 6. Grande affluence et Jeyba [heiva] le matin. Et dans l'après-midi la maladie du arii s'aggrava peu à peu.

Le 7. Jeyba [heiva] le matin et l'après-midi.

Sur le conseil des tajuas [tahu'a] le malade fut transporté jusqu'au district de Tallarapu. Ces menteurs le persuadèrent que là-bas il guérirait de sa maladie, mais il n'en fut rien du tout, parce que son état avait empiré.

Le 16. Dans l'après-midi le malade revint une fois de plus à Ojatutira où il fut installé dans une maison différente de celle qu'il occupait avant d'être transporté à Tallarapu, cependant proche de la nôtre, à une distance d'environ una cuadra[8].

Ensuite, le malade, à peine arrivé, fit appeler frère Geronimo pour lui demander de la viande du mouton que nous avions tué la veille. Frère Geronimo répondit que sa demande ne pouvait pas être satisfaite sur le moment parce qu'il était tard mais que le jour suivant il lui ferait apporter le plat préparé assez tôt. Il sollicita également des biscuits, des bananes, et on accéda sur le champ à sa demande, lui fournissant bananes et biscuits apportés par un de ses serviteurs. Chaque jour l'état du malade allait en s'aggravant car il était si prostré qu'un serviteur devait lui soutenir le dos pour qu'il pût s'asseoir dans son lit, et outre sa déjà très grande faiblesse, il avait une forte fièvre qui l'angoissait.

Le 17. Nous apportâmes au malade la nourriture qu'il nous avait demandée la veille mais c'est à peine s'il y toucha.

Le 18. L'interprète avec ses gens arriva à 9 heures du soir du district de Opare (où réside le arii appelé Otu), débarqua les ballots de couvertures et de nattes[9] qu'il avait rapportés de là-bas ainsi que d'autres districts. Il déchargea également une grande vasque en pierre noire[10] et d'autres objets.

Le 22. Les tajuas [tahu'a] furent fort occupés à faire leur epure [pure], priant pour leur arii malade. Ils s'y employèrent le plus clair de la journée. À la nuit tombée, ils se rassemblèrent et déclenchèrent une musique funèbre et bruyante provenant de tambours et de flûtes. De temps en temps, les musiciens s'arrêtaient, et l'un des tajuas [tahu'a] déclamait ses incantations. Cette prestation dura un long moment car il y eut beaucoup d'incantations. Et une fois ceux-ci achevés, les musiciens continuèrent de jouer et les tajuas [tahu'a] de prier tantôt sur un ton monocorde, tantôt en chantant jusqu'après minuit et plus tard, ce fut le grand silence.

Le 23. À sept heures du matin nous entendîmes des femmes qui se trouvaient dans la maison du malade, pleurer fortement et les tajuas [tahu'a] qui se trouvaient dehors, se mettre à prier soudainement, poussant des cris inhabituels. Nous en déduisîmes en entendant un tel tapage que le malade était mort ; nous sortîmes pour nous retrouver avec un nombre important d'hommes et de jeunes gens, les uns derrière les autres, chacun portant un régime de bananes à l'épaule. L'un derrière l'autre, ils marchaient vers le Ymaray [marae] où ils déposèrent leur régime en guise d'offrande pour améliorer la santé de leur malade et ils invoquaient en criant leur faux dieu Teatua. Une fois arrivés au ymaray [marae] et leur régime déposé, ils revinrent avec les petits cochons qu'ils avaient apportés en vociférant en direction de la maison du malade. Nous demandâmes le motif de toute cette agitation et ils nous répondirent qu'ils pensaient que le arii était en train de mourir ; une grosse truie pleine, sur le point de mettre bas, disparut ; le arii nous demanda de la nourriture que nous lui donnâmes.

Le 24. Ces menteurs de tajuas [tahu'a] dirent que Teatua, leur faux dieu, était entré dans le corps du malade et que dans dix jours il serait en bonne santé.

Le 25. Le matin, quelqu'un vint rendre visite au malade feignant d'être possédé par son faux dieu Teatua, donnant avec ses deux poings des coups furieux sur sa poitrine, secouant sa tête comme un fou et faisant avec ses yeux et sa bouche des grimaces épouvantables. Puis il poussa un cri véhément et dit que l'âme du défunt Taytoa (le arii ayant précédé Vegiatua) avait pénétré dans le corps du présent Vegiatua parce qu'avant la mort de Taytoa, les parents de Vegiatua lui avaient volé une natte, désignée par moea Atagi[11] dans la langue de cette île, ainsi que deux limes ; il ajouta que le malade ne guérirait pas tant que ces deux limes et cette natte ne lui auraient pas été restituées ; toutes ces choses lui furent restituées aussitôt et alors l'individu en question annonça que dans trois jours le arii commencerait à marcher, et que dans dix, il se rétablirait totalement. Ils portèrent le arii au ymaray [marae] afin que Teatua leur faux dieu lui ramena l'âme dans son corps, et c'est pour cela que les tajuas [tahu'a] firent leur epure [pure], c'est-à-dire prier Teatua à cet endroit-là ; la cérémonie païenne terminée, ils ramenèrent le arii malade chez lui, et l'imposteur qui était venu lui rendre visite, s'en alla ensuite pour ne plus réapparaître.

Le 26. On retrouva la truie (qui avait disparu le 23) cachée dans la montagne où elle n'avait mis bas que trois petits, deux vivants et le troisième mort. Nous en informâmes la mère du arii, laquelle nous dit qui était le voleur, et qui détenait les autres petits que la truie avait mis bas car il y en avait cinq. Nous partîmes à la recherche du voleur qui, une fois trouvé, nous les restitua. Et comme nous étions fort reconnaissants des bienfaits que cette femme nous rendait, nous lui donnâmes par la suite les petits cochons, une fois élevés.

Le 27. À six heures du matin un serviteur du arii malade entra dans notre hospice ; avec force mots et gestes, il nous montra une blessure récente qu'il avait à la tête, au-dessus de l'oreille gauche, faisant comprendre qu'il s'était disputé et qu'il avait été traîné et blessé. Frère Geronimo, voyant avec qui le serviteur parlait et ne pouvant pas bien comprendre ce que le serviteur essayait de lui dire, ne connaissant pas cette langue-là, appela alors l'interprète pour demander au serviteur ce qu'il voulait dire. Il répondit qu'un jeune homme, qu'il voulait sacrifier pour que son maître le arii recouvrât la santé, l'avait traîné et blessé, et même failli le tuer. Il déclara également, par l'intermédiaire de l'interprète, qu'après minuit, cinq hommes étaient sortis de la maison du malade pour tuer des gens pour obtenir son rétablissement. Ils ne purent tuer personne cette nuit-là. Suite à cette démonstration évidente de cruauté chez ces barbares, nous nous fîmes la réflexion prudente et bien fondée que nous pouvions nous aussi courir le risque de perdre la vie prochainement, puisque ces barbares inhumains essayaient de l'ôter à leurs voisins ; nous décidâmes alors de sortir les armes à feu que nous avions jusque-là cachées et qui furent chargées par le soldat interprète. Après avoir mangé aux environs de midi, le soldat les sortit pour que les naturels en les voyant eussent peur et en fussent effrayés ; il n'arrêta pas de tirer avec toutes les armes, 17 en tout. Grande fut la frayeur qui s'empara d'eux, puisque ceux qui se trouvaient au bord de la rivière, située tout près de la maison que nous habitions, se sauvèrent en plongeant dans l'eau. Après les tirs de fusils, quelques serviteurs du arii, parmi les plus familiers avec nous, s'approchèrent, tout craintifs, de la clôture de la maison et appelèrent frère Geronimo pour dire : pare Geronimo, matau, matau [mata'u], ce qui veut dire qu'ils avaient très peur, et ce dernier leur répondit : ayma matau, il n'y a pas de quoi avoir peur, qu'on faisait cela pour nettoyer les pupugi (c'est ainsi qu'ils nomment les fusils ou toute arme à feu) ; afin d'atténuer leur frayeur et qu'ils n'aillent pas supposer de mauvaises intentions de notre part, frère Geronimo leur ouvrit la porte de l'enclos pour les faire entrer ; ils restèrent à l'intérieur un long moment à observer les armes. Peu de temps après, nous apprîmes qu'avant cette décharge des fusils, six hommes parmi lesquels se trouvait un tayua [tahu'a], étaient sortis de la maison du arii, afin d'attraper quelqu'un pour le tuer, et c'étaient (précisément) ceux qui en entendant les tirs, s'étaient jetés à l'eau ; ensuite ils regagnèrent la maison du arii.

Le 28. Le matin on nous assura que cette nuit-là on avait tué un homme dans la vallée de Ojatutira à un quart de lieue de notre maison, et, comme nous demandions où se trouvait le cadavre, ils répondirent qu'on l'avait transporté au ymaray [marae] du district Etajuru où finissent tous les cadavres des sacrifiés à leur faux dieu Teatua. Ce même matin, vers les 9 heures, arriva un grand nombre de personnes des deux sexes et de plusieurs districts pour pleurer leur arii qu'ils estimaient proche de la mort. Ces nombreuses personnes arrivèrent en poussant de grands cris, exprimant ainsi les sentiments qui oppressaient leur cœur de barbare. L'ordre qu'ils maintenaient, était le suivant : les femmes allaient devant, les hommes derrière ; les unes en bon ordre, les autres en désordre ; les femmes allaient par rang de quatre ; ainsi disposées, elles s'arrêtèrent devant la porte de la maison du malade. L'une d'entre elles, de la première rangée, commença à pleurer d'une voix plaintive, mais sans verser de larmes et entreprit de se piquer la tête avec une dent de requin ; elle fut suivie par les autres qui firent la même chose ; avec la main gauche elles étalaient le sang qui de la tête coulait sur leur corps dénudé jusqu'à la taille. Dans la main droite elles avaient un morceau de couverture blanche avec lequel elles essuyaient le sang qui coulait devant leur tête. Les mots qu'elles prononcent dans ces circonstances-là, et tout en pleurant, sont : ague, ague qui sont semblables aux aïe aïe aïe employés dans notre langue espagnole. Cette cérémonie païenne dura jusqu'à ce que leur corps fût bien rouge de sang et, tandis que les femmes répandaient leur sang, les hommes offraient à Teatua un régime de bananes et au malade quelques petits cochons ; les femmes lui présentèrent des pièces d'étoffes ; puis elles se rendirent à la rivière pour nettoyer le sang et rentrèrent chez elles ; à huit heures du matin, les hommes transportèrent le malade de l'autre côté de la rivière et l'installèrent dans une de ses maisons située entre la mer et la rivière. À quatre heures de l'après-midi, un garçon parmi ceux qui nous servaient à l'hospice, appelé Mayoro, arriva de l'extérieur pour nous informer qu'il avait entendu quelques hommes dire que si le arii malade mourait, les gens du district de Tallarapu viendraient et se jetteraient sur nous pour nous voler ce que nous avions comme outils, vêtements et autres choses encore. À huit heures du soir, nous entendîmes que les tayuas [tahu'a] qui étaient en train de veiller dans la maison du malade et de faire un epure [pure] pour lui, poussaient des cris et couraient au bord de la rivière, demandant à leur faux dieu qu'il rétablisse la santé de Vegiatua. Leur vacarme discordant dura un bon moment. Observant que tout ce tumulte arrivait de plus en plus près de notre hospice, le soldat et le matelot préparèrent aussitôt les armes en prévision de ce qui pouvait arriver, car nous pouvions craindre à notre encontre n'importe quel débordement de la part de ces barbares païens. Ils n'arrivèrent pas jusqu'à nous, car, atteignant le bord de l'autre rive de la rivière, ils s'arrêtèrent et cessèrent de crier ; mais notre attention ne se relâcha pas un seul moment parce que nous craignions quelques assauts barbares contre nous. Jusqu'au lever du jour, nous laissâmes une sentinelle en poste avec une lanterne allumée.

Le 29. Le matin nous apprîmes le motif de tant de cris provenant des tayuas [tahu'a] la nuit précédente ; ce fut parce qu'ils pensaient qu'une attaque soudaine était survenue au malade et qu'il allait mourir. La nuit venue nous postâmes une sentinelle jusqu'à minuit, mais la lanterne était resté allumée.

Le 30. À dix heures du matin, est venu de la rue le jeune homme appelé Mayoro pour annoncer qu'il avait entendu dire par le capitaine du district de Aragero que, dès la mort du arii, les naturels de Tallarapu voulaient venir s'en prendre à nous. Dans la nuit nous restâmes éveillés jusqu'à minuit et laissant allumée la lanterne, nous nous sommes couchés jusqu'à quatre heures du matin.

Le 31. À midi, le arii malade arriva à notre hospice, couché dans son propre lit porté par 4 serviteurs, accompagné d'un vieux capitaine, son porte-parole. Nous reçûmes le malade avec beaucoup de témoignages d'affection et de démonstrations d'amitié ; le capitaine porte-parole demanda à frère Geronimo : « Vous êtes fâchés contre Vegiatua ? ». (C'est ainsi que s'appelle le malade) ; le père répondit que non ; que Vegiatua était notre bon ami ; se tournant vers le arii et lui prenant les mains, il lui dit dans sa langue : oau tayo maytay na Vegiatua. Ooe tayo maytau na pare Geronimo. Ce qui veut dire : « Je suis un bon ami de Vegiatua. Et toi tu es bon ami de père Geronimo ». Le malade répondit : maytay, guiate, qui veut dire : « C'est bien, je comprends ». Après cela, l'interprète lui parla en ces termes : « Nous savions déjà que tes serviteurs avaient tué un homme de la vallée de Ojatutira, et qu'ils voulaient en tuer d'autres pour rétablir ta santé. On nous a également prévenus à deux reprises que si tu meurs, tes vassaux de Tallarapu s'en prendront à nous ». « Tout cela » - continua l'interprète - « nous oblige à ne pas sortir de notre maison, et à tenir les armes prêtes pour nous défendre, dans le cas où tes gens viendraient nous causer du tort ». Il ajouta : « Sache que c'est très mal ce que tu fais en faisant tuer les gens innocents. Ceux de Lima ne le font pas ». Après que nous eûmes achevé blâmes et critiques de ses opérations et mauvaises intentions, le malade (sans répondre aux paroles de l'interprète qui le blâmait), nous dit de ne pas partir à Lima quand le navire reviendrait ; bien au contraire, il nous exhorta à rester à Ojatutira. Ce à quoi on lui répondit : « Si tu persistes à faire tuer des gens, sans aucun doute nous retournerons à Lima quand le bateau arrivera. Mais si tu t'amendes, nous resterons comme tu nous le demandes ». Il ne répondit rien. Ses serviteurs le reprirent pour le ramener dans sa maison située de l'autre côté de la rivière d'où il avait été amené.

Le 1er août. À quatre heures de l'après-midi le père Geronimo sortit de l'hospice accompagné du soldat et de l'interprète, pour deux raisons: la première, pour rendre visite au malade et la deuxième pour se rendre au ymaray [marae] dudit malade, et y voir deux défunts père et fils ; ils avaient été amenés vers midi dans deux pirogues par les tayuas [tahu 'a] du district de Ojitia, accompagnés de nombreuses pirogues dans lesquelles était embarqué un grand nombre de personnes venues pour rendre visite au arii ; nous traversâmes la rivière avec deux pirogues ; nous fûmes ensuite en présence du malade qui se trouvait sur la rive prenant le frais, à l'ombre d'un arbre, mais bien installé dans son lit et en compagnie du capitaine porteparole, et de quelques serviteurs dont l'un lui épouillait la tête. Nous lui parlâmes avec affection lui faisant entendre que nous regrettions beaucoup sa maladie. Il avait une forte température, avait dépéri et se trouvait bien affaibli. La visite au malade terminée, nous retraversâmes la rivière pour nous rendre au ymaray [marae] par des sentiers, afin de ne pas être vus des païens, car ils se méfiaient de nous. Nous arrivâmes près du ymaray [marae] et nous trouvâmes suspendu à un long bâton une couffe ou un panier en feuilles de cocotier, bien tressé, à l'intérieur duquel se trouvait le corps du fils, lequel, à en juger par la longueur du cadavre, pouvait bien avoir dix à douze ans ; en avançant encore, nous rencontrâmes les trois tayuas [tahu'a] qui avaient transporté dans leurs pirogues le jeune garçon immolé qu'ils venaient de sacrifier, selon ce que l'on nous raconta, avant de le débarquer ; sans nous arrêter ni leur parler, nous arrivâmes tout près du bord de mer, et nous vîmes une pirogue qui venait débarquer le cadavre du père sacrifié; bien qu'ayant l'intention d'attendre la pirogue pour voir le cadavre, nous renonçâmes aussitôt à satisfaire notre curiosité, car nous remarquâmes qu'arrivait au débarcadère une grande foule de païens probablement venus pour voir le défunt. Comme ils se méfiaient de nous, et afin de ne pas être soupçonnés d'être allés là-bas, nous fîmes les ignorants ; et faisant comme si nous ne savions rien des morts, nous prîmes sans délai le même chemin par lequel était venu ce grand nombre de barbares ; l'un d'eux, qui marchait devant tout le monde, était un naturel très amical et très familier avec nous ; il nous demanda d'où nous venions. Nous lui répondîmes que nous venions du district de Aragero parce qu'en vérité nous y étions passés. Ensuite, sans nous arrêter, en passant au milieu de cette multitude de personnes, nous marchâmes en direction de notre hospice. Le soleil était déjà couché, et nous étions proches de l'Angélus du soir lorsque nous sonnâmes la cloche, aussitôt après notre arrivée à la maison. Nous postâmes une sentinelle toute la nuit avec la lanterne allumée.

Le 2. Le matin, les mêmes tayuas [tahu'a] emportèrent les cadavres dans le district de Etajuri pour les offrir à leur faux dieu, en sacrifice pour la santé du arii dans le ymaray [marae] dudit district, ce à quoi il est dédié, et où seuls finissent les corps des sacrifiés, d'après les informations de l'interprète qui s'était rendu dans ledit ymaray [marae] ; nombreux furent les hommes sacrifiés par ces barbares inhumains parce que cet endroit est rempli d'ossements.

Le 3. On nous déroba deux poules.

Le 6. Avant le lever du jour, nous fûmes réveillés par un grand cri provenant des tayuas [tahu'a] qui veillaient sur le malade. Nous écoutâmes attentivement les cris et estimant avec raison que le arii était en train de mourir, nous nous levâmes. Peu de temps après, arriva à l'hospice, en courant, un serviteur du arii qui appelant l'interprète, lui dit que Vegiatua était mort et que sa mère l'appelait, lui, pour qu'il se rendît chez elle aussitôt. L'interprète s'empressa de sortir sur le champ et arrivant chez celui qu'il présumait défunt, il put lui parler tout de suite car le arii bougeait encore quelque peu mais ce fut là le dernier moment de sa vie. Le susdit revint à l'hospice pour entendre la messe, car c'était jour de la transfiguration du Seigneur. À peine la messe était-elle terminée que l'on nous avisa qu'un voleur avait rompu la clôture de la basse-cour des poules, et sur le champ, l'interprète sortit pour courir derrière le voleur. Il l'attrapa ; le voleur lâcha une des poules volées et continua de fuir. Ce voleur effronté était celui qui, lors du voyage précédent de la frégate, avait blessé d'un coup de pierre un marin dont la blessure faite à la tête fut si importante qu'elle l'a mis en danger de mort, on lui avait donné par conséquent le viatique ainsi que les saintes huiles. La mère du défunt arii apprit ensuite l'audace du païen voleur ; et, se rappelant les menaces que nous avaient faites les barbares païens, ses vassaux dans le district de Tallarapu, qui voulaient venir nous voler dès la mort de son fils le arii, elle envoya immédiatement à l'hospice son autre fils qui devait être sacré arii, afin qu'il se trouvât avec nous et que par sa présence il pût dissuader les gens qui viendraient. Le jeune homme arriva, appela frère Geronimo à la porte de l'hospice, pour qu'il le laissât entrer, et une fois entré, il nous dit de charger les fusils et resta avec nous ; cette femme affligée ordonna également à tous ses serviteurs, ainsi qu'à d'autres de venir vers nous et de grimper dans les arbres les plus proches de notre maison afin de s'y poster en surveillance. Ce que les serviteurs exécutèrent strictement. Grâce à Dieu, ces barbares ne sont pas apparus, ils en arrivent même à se craindre entre eux. À neuf heures du matin, frère Geronimo sortit avec l'interprète pour aller voir le défunt arii, et pour présenter en même temps les condoléances à la mère affligée. Nous arrivâmes à l'endroit où il avait été installé, en dehors la maison afin que tous ses vassaux puissent le voir en toute liberté. Les païens déjà présents était si nombreux qu'ils formaient un vaste et dense cercle à l'intérieur duquel se trouvaient le cadavre et sa mère inconsolable, pleurant et faisant couler sans pitié du sang qu'elle faisait surgir grâce à une dent de requin avec laquelle elle se piquait la tête. Et cette pauvre et malheureuse ensanglantée, à l'instant où elle nous vit, vint à notre rencontre, se plaignant de nous parce que la veille nous ne lui avions pas donné de remèdes pour soigner son fils. Nous ne répondîmes pas à ce reproche ; et, lui faisant comprendre que nous regrettions le décès de son fils, nous nous dirigeâmes vers l'endroit où était déposé le cadavre, laissant la femme s'avancer vers le milieu du cercle. Le cadavre était installé dans un faré mortuaire[12] posé sur deux pirogues recouvertes de tissus à rayures aux couleurs variées. Sa tête (était) ornée de plumes noires posées au-dessus du front en guise de couronne. Un drap blanc recouvrait les bras posés sur la poitrine. Quatre serviteurs se trouvaient au chevet du défunt, et l'un d'eux l'éventait avec une branche de gingembre. La foule, demeurait dans un silence total ; on n'entendait que les sanglots plaintifs de cette inconsolable mère. Après avoir vu cette scène, nous sortîmes du cercle pour regagner notre hospice en passant par derrière sa maison, à un moment où cette femme nous tournait le dos. Lorsqu'elle s'aperçut que nous partions et que nous ne lui disions rien, elle vint au-devant de nous, franchissant le cercle de gens ; nous lui demandâmes où elle se rendait. Elle répondit qu'elle allait chez nous, pour se consoler. En entendant ces mots, on la persuada de ne pas laisser ces gens en de telles circonstances, et que l'interprète reviendrait plus tard là-bas pour la réconforter ; on lui prit la dent de requin avec laquelle elle se piquait la tête. L'interprète revint vers elle, lui fit laver le sang qui lui tachait tout le corps, et il la laissa (une fois) consolée et sa douleur apaisée.

Vers midi arrivèrent les naturels du district de Ajuy, armés de leurs bâtons, déclarant la guerre à grands cris contre ceux de Ojatutira, se précipitant vers l'endroit où se trouvait le cadavre de leur défunt arii. Ceux qui formaient le cercle et gardaient le défunt entendirent les clameurs de ces gens-là, et les voyant venir armés, abandonnèrent le lieu et se mirent à courir vers l'autre rive ![13] de la rivière pour prendre leurs armes ; mais, le capitaine des attaquants, qui se trouvait présent, ne bougea pas ; en voyant venir ses gens armés pour faire la guerre contre les habitants de Ojatutira, il se présenta devant eux avec un régime de bananes dans la main (c'est leur signe pour manifester leur refus de faire la guerre et leur désir de demander la paix). Voyant cela, ils s'arrêtèrent un instant, pour écouter leur capitaine leur dire que ceux de Ojatutira ne voulaient pas faire la guerre. Ils continuèrent en criant et en courant pour arriver à l'endroit où était déposé le cadavre. Après avoir courru trois fois autour, ils s'arrêtèrent, et, ensemble ils prononcèrent trois fois, avec toute la force que leur voix pouvait le permettre, un mot que nous n'avions pas pu comprendre. Mais, par la suite nous avons pensé que ce mot était « déclarer la paix » parce que, aussitôt les gens de Ojatutira traversèrent à nouveau la rivière, ainsi que ceux des autres districts, et se joignirent à ceux de Ajuy. Nous n'avons pas pu saisir le motif pour lequel ceuxci ont voulu déclarer la guerre à ceux-là.

Le 7. Le matin, les habitants de ce district de Ojatutira apprenant qu'arrivaient par la mer beaucoup de gens du district de Tallarapu et craignant qu'ils ne vinssent leur faire la guerre, se préparèrent, armés et postés au débarcadère. À neuf heures ceux de Tallarapu arrivèrent ; mais en paix et sur ces entrefaites, ceux de Ojatutira laissèrent leurs armes, se joignirent à eux et marchèrent ensemble où se trouvait le arii défunt.

Le 10. Les gens du district de Guayautea sont venus voir le défunt.

Le 13. Dès l'instant où ils avaient appris la mort du arii Vegiatua, les gens du district de Mataoaè arrivèrent avec de la nourriture pour leur arii, lequel était (déjà) venu dans ce district. Ceux de Matauay firent la même chose pour leur arii.

Le18. Dans le district de Guayary ils ôtèrent la vie à un homme et le transportèrent dans le district de Atajuru pour le sacrifier à leur faux dieu Teatua, dans cet ymaray [marae] où finissent tous les sacrifiés ; avec celui-ci, cela faisait le quatrième que ces païens barbares et inhumains sacrifiaient, trois avant le décès du arii, et un autre après sa mort.

Le 11 septembre. Le matin, père Narciso, l'interprète, le jeune garçon frère du défunt arii, accompagné de son beau-père Titorea et d'un assez grand nombre de personnes, grimpèrent sur une colline située tout près du mouillage afin de préparer un des cocotiers pour y mettre un drapeau (que nous avons fait à l'aide d'une couverture blanche, assez longue et large, en cousant des bandes de couleurs provenant d'autres couvertures, rouge, brun foncé, jaune et bleue, aux couleurs des armes de notre Roi d'Espagne), lequel signalerait à la frégate, quand elle reviendrait, l'emplacement du mouillage et que nous sommes toujours en vie.

Le 16 octobre. Très tôt le matin arrivèrent les gens des districts de Tallarapu, Aragero et Ajuy pour la proclamation du nouveau arii. Il y eut une grande affluence. Devant le jeune garçon qu'ils devaient proclamer en tant que roi légitime avec le titre de arii, ceux de Tallarapu se sont rassemblés dans une maison de l' arii, ainsi que d'autres chefs importants venant d'autres districts. La réunion et les discours durèrent un certain temps, et, une fois terminée, ils se rendirent au grand ymaray [marae] situé au bord de la mer où battaient des tambours. Nous n'avons pas vu les cérémonies qui se déroulaient dans le ymaray [marae] parce que nous ne pouvions pas laisser notre maison à la vue de tant de personnes. Une fois achevées les cérémonies de la proclamation, leur festin ou banquet consista à manger douze cochons que les cuisiniers rôtirent ce matin-là à l'air libre. À l'heure de manger, le nombre de convives était si important, qu'ils s'agglutinèrent au moment de partager la viande ; le banquet se déroula dans une telle agitation qu'on distribuait plus de coups de bâtons que de viande, dans le dos nu des invités : celui qui parvenait à agripper un morceau ne lâchait plus prise, en dépit des coups de bâtons qu'il recevait. Et pour finir il ne resta plus rien à manger bien que les cochons fussent à moitié crus, car une fois les tripes arrachées, ils les rôtissaient entiers. Ces naturels n'ont aucune vaisselle pour cuire leurs aliments ; lorsqu'ils veulent manger quelque chose de cuit, voilà ce qu'ils font : ils creusent un trou dans la terre et ils y mettent du bois sec, et, au-dessus d'un certain nombre de pierres de la taille du poing, ils allument ce bois pour chauffer les pierres ; pendant que ces cailloux chauffent, ils enveloppent leur nourriture dans des feuilles de bananiers ou d'autres arbres ; une fois les pierres chauffées et le bois devenu braise, ils sortent du trou la moitié des braises et des pierres, déposent ensuite la nourriture à l'intérieur, puis au-dessus posent le reste des pierres et des braises et ils les recouvrent totalement de terre pour que la chaleur ne s'échappe pas. La nourriture ainsi déposée, est laissée le temps nécessaire à sa cuisson, durée qu'ils connaissent par expérience. Ils ne mettent pas de sel dans leurs aliments parce qu'ils n'en ont pas ; ce qu'ils font quand ils mangent, c'est d'avoir une calebasse remplie d'eau de mer posée à côté de la nourriture, et de temps à autre, ils trempent leur main dans l'eau de mer et prennent ensuite quelque nourriture pour la porter à la bouche en se suçant les doigts.

Le 30. Le matin on aperçut la frégate. Le 2 novembre, elle mouilla dans la baie de Ojatutira. Le 3, elle y entra. Le 8, au lever du jour, les païens de Tallarapu arrivèrent armés pour se défendre contre ceux du district de Ajuy qui étaient venus leur faire la guerre mais elle n'eut pas lieu ; au contraire, ils firent la paix, parce que nous avions dit à ceux de Ojatutira que la frégate se tacherait et que les canons leur ôteraient la vie à tous, si guerre il y avait. Les deux districts réussirent à se réunir ; ils firent la paix, mangèrent deux cochons rôtis, puis ils s'en allèrent.

Le 12 novembre, la frégate partit pour le port de Callao...

Fr. Geronimo Clota. 


[7] L'expression « papel de estraza » figure dans le manuscrit, comparaison utilisée par l'auteur pour évoquer la texture grossière, à peine élaborée du tapa.
[8] Una cuadra : environ 125,5m
[9] « Petates o esteras » répétées dans le manuscrit.
[10] Il s'agit de l'umete en dolérite noire actuellement déposé au Musée ethnologique de Madrid ; pour son histoire, cf. Maximo Rodriguez, Les Espagnols à Tahiti, publié par la Société des Océanistes, pp.23-30, Paris, 1995.
[11] Cette expression pourrait être « moe a atahi ». Expression tahitienne qui ferait allusion à une apparition de l'ancêtre Taitoa sous forme de rêve ; d'où cette mention analogique de la natte correspondant au sommeil et aux rêves.
[12] N.d.T. : le terme espagnol « carroza » est mieux rendu ici par le terme tahitien de faré, plus adapté aux réalités socioculturelles de ces temps lointains.
[13] N.d.T. : le terme espagnol est illisible dans le manuscrit. Mais le contexte permet de supposer qu'il peut s'agir de « côté ou de rive ».

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