Ci-dessous, un résumé de la mission franciscaine tiré du livre du R.P. Paul HODÉE « Tahiti 1834-1984 – 150 ans de vie chrétienne en Église », pp.163-165
Humbles essais (1595-1775)
Il serait injuste de ne pas saluer les modestes essais des missionnaires franciscains espagnols, même si leur entreprise réalisée dans la survivance d'un style dépassé, a échoué par manque de préparation, de hardiesse et surtout de persévérance. Nous sommes d'autant moins fondés à leur jeter la pierre que l'expérience de la L.M.S. nous a montré l'extrême difficulté de l'entreprise. Ces passages ne préparaient-ils pas providentiellement l'action discrète et décisive du franciscain André Caro qui accueillera et formera la première équipe des Picpuciens en 1834 à Valparaiso ?
S'il est difficile de donner un caractère missionnaire au passage par trop belliqueux de Mendana à Vaitahu (Marquises) du 27 juillet au 5 août 1595, par contre il n'est pas douteux que l'expédition de Quiros (1605-1606) était avant tout une œuvre d'évangélisation de la « Terre Australe ». La croix plantée à Hao le 10 février 1606 le fut dans cet esprit, de même que l'appellation de « Terra Australia del Espiritu Santo » donné à ce qu'il croyait être le bord septentrional du Continent Austral, à l'île actuelle de Santo au Vanuatu[1].
Cette magnifique entreprise apostolique, fruit de l'Année Sainte de 1600, ne fut qu'un rêve grandiose sans lendemains. Il faut près de deux siècles et la découverte de Tahiti par Wallis, Bougainville et Cook, de 1767 à 1769, pour que l'Espagne retrouve sa vocation missionnaire en Océanie. Don Manuel de Amat, Vice-Roi du Pérou, envoie en exploration en Polynésie le capitaine basque Domingo de Boenechea à bord de l'« Aguila » basé à Callao. Il touche Tahiti à Tautira le 19 novembre 1772. Sur son rapport favorable et celui des franciscains qui l'accompagnent : Juan Bonamo et José Amich, une tentative d'implantation sérieuse est mise sur pied. Le 27 novembre 1774, Boenechea est de retour à Tautira avec les P. franciscains Geronimo Clota, Narciso Gonzalez aidés de l'interprète Mâximo Rodriguez et du matelot François Pérez. Ils arrivent avec deux tahitiens, embarqués au premier voyage de 1772 et formés au Pérou : Thomas Pautu et Manuel Tetuanui ; les missionnaires comptent sur ces néophytes pour prendre contact avec la population.
Après un mois de travail pour monter la maison préfabriquée apportée par l’« Aguila » et clôturer le terrain offert par le chef Vehiatua, les missionnaires débarquent le 31 décembre. Le 1er janvier 1775 ils célèbrent la première messe au pied de la grande croix où est inscrit : « Christus vincit ; Carolus III imperat : 1774 ». Le capitaine Boenechea meurt le 26 janvier ; il est enterré au pied de la croix. Le navire repart le 1er février. Restés seuls, les difficultés assaillent les deux franciscains plus habitués à la régularité de la vie conventuelle qu'aux imprévus terribles de la vie missionnaire en pays neuf. Le sans-gêne et la débauche des Tahitiens, l'abandon rapide des deux néophytes, la grossièreté frustre du marin Pérez, l'indépendance de Rodriguez de plus en plus hostile aux deux franciscains, tout cela, additionné à leur impréparation, fait qu'ils prennent peur pour leur vie même. Leur incompréhension des Tahitiens est totale. Ils demandent à être rapatriés lors du passage de l'« Aguila » le 30 octobre 1775. Le 12 novembre, ce premier essai missionnaire catholique à Tahiti se termine par un abandon aussi regrettable que compréhensible. Bien d'autres, protestants comme catholiques, feront l'expérience des difficultés insoupçonnées de l'évangélisation à Tahiti et en Océanie.
[1] L. JORE : Océan Pacifique. T. I, pp. 67-68. - D. MAUER: Aimer Tahiti, p. I 17. - Mémorial polynésien. T. I, pp. 48-57, etc. - O'REILLY : Tahitiens, art. Clota, Gonzâles, Rodriguez.