CLOTA Géronimo
CLOTA, Geronimo. - Religieux franciscain, originaire de la Catalogne. Il est désigné par ses supérieurs, sur la demande du vice-roi du Pérou, Don Manuel de Arnar, pour aller avec son collègue Narciso Gonzalez* fonder une mission à Tahiti, île qui a été reconnue l'année précédente par son collègue le Père José Amich*. L'expédition, commandée par le capitaine Boenechea*, part de Callao le 20 septembre 1774 sur l'Aguila qu'accompagne le navire Jupiter chargé de tout ce qui peut être utile à une fondation : maison démontable avec un mobilier, atelier de menuiserie et forge, chapelle complète, matériel agricole, animaux domestiques, sans compter des vivres et vêtements pour plus d'un an. Les deux franciscains sont accompagnés de deux Tahitiens Thomas Pautu* et Manuel Tetuanui, fraîchement baptisés au Pérou et dont on espère qu'ils aideront efficacement les missionnaires. La frégate mouille le 27 novembre, dans la baie de Tautira, actuellement « mouillage de Cook ». Après avoir obtenu du chef Vehiatua un terrain, on s'y installe. La maison (8,35 m x 10 m), comprenant deux pièces, est montée, ses hangars construits, un potager défriché, le tout entouré de solides palissades. Les Pères couchent à terre pour la première fois le 31 décembre. Le lendemain, célébration de la première messe et plantation d'une croix où est gravée l'inscription : CHRISTUS VINZIT : CAROLUS III IMPERIT : 1774. Quatre jours plus tard, le capitaine faisait reconnaître des chefs Oru et Vehiatua, la souveraineté de l'Espagne sur l'île. Après avoir enterré au pied de la croix le capitaine Boenechea, décédé après une rapide maladie, les deux navires repartent le 1er janvier. On laisse aux missionnaires l'interprète Maximo Rodriguez* et un certain François Perez, matelot de seconde classe, détaché pour éviter aux Pères « les pénibles travaux, faire les travaux de cuisine et les charrois d'eau ».
Demeurés seuls, les deux franciscains, timides religieux habitués au train-train de la vie conventuelle, seront rapidement dépassés par les événements. Ils redoutent les privautés des indigènes attirés par leur curiosité naturelle et les « trésors » des missionnaires. Ils vivent dans un qui-vive perpétuel, claquemurés derrière les palissades de leur « hospice », choqués de tout ce qu'ils entendent et de tout ce qu'ils voient : plaisanteries sur l'absence de femmes, danses, ripailles, rixes, cérémonies et la menace d'un pillage général lors de la mort de Vehiatua. Ils sont très vite abandonnés par les Tahitiens baptisés à Lima en qui ils avaient espéré voir des aides, des catéchistes ; par ailleurs, ils s'entendent mal avec les deux soldats espagnols laissés à leur service : Rodriguez se révèle un gaillard indépendant et coureur de filles, pendant que Perez agit comme un rustre brutal, paresseux et emporté qui pour un oui et pour un non tire avec des charges au gros sel sur les indigènes. Avec cela, une complète incompréhension du caractère des Tahitiens qu'on froisse en violant bêtement des interdits respectables. Si bien que lorsque l'Aguila revient le 30 octobre 1774, apportant du ravitaillement et venant prendre des nouvelles, les deux Pères sont unanimes à réclamer leur rapatriement immédiat. « Un séjour prolongé davantage au milieu d'une population barbare et cruelle, sans la protection d'une garnison militaire, les mettant dans un péril prochain de perdre la vie. » Le 12 novembre, l'Aguila levait l'ancre emportant les deux missionnaires et le matériel de la mission. Ces deux prêtres avaient échoué où des missionnaires à la vocation bien racinée auraient converti ou seraient tombés pour leur foi.