BOISSIÈRE Jean-Pierre - 2015

Petite biographie du Frère Jean-Pierre BOISSIÈRE

FUNÉRAILLES DU FRÈRE JEAN-PIERRE BOISSIÈRE LE 18 AVRIL 2015

 

Mot d'accueil prononcé par le Fr Henri ALANOU lors des funérailles de Fr Jean-Pierre BOISSIÈRE, à l'église Maria no te Hau de Papeete le 18 avril 2015 à 9h.

Jean-Pierre BOISSIÈRE est né le 10 décembre 1942 à Nantes (Loire Atlantique). Son père Pierre tenait une entreprise d’électricité et gérait également un magasin. Sa mère Marie, qu’on appelait plus facilement Georgette, s’occupait de la maison. Il avait deux frères Bernard et Patrice qui ont continué et développé l’entreprise familiale.

Jean-Pierre a commencé sa scolarité à l’école élémentaire publique la Villa Maria avant d’aller au Collège Saint Similien dont le directeur était le Frère Théophane URVOY que Jean-Pierre croisera très souvent sur sa route. Pendant l’année 1953-54, il exprime le désir d’être Frère et il se retrouve l’année suivante au juvénat Saint Donatien de Derval. Après ses trois premières années de collège, il rejoint Ploërmel pour les classes de 3ème, 2de et 1ère. En classe de première, Jean-Pierre retrouve Frère Théophane en classe de math. Frère Théophane s’en rappelle comme étant un « bon élève assez doué en math et en sciences physiques ».

Jean-Pierre partira pour Jersey pour commencer le noviciat le 1er août 1959. Frère Jean-Pierre, c’est son nom de religieux, a alors 17 ans. Il prononcera, un an plus tard, ses premiers vœux à la Maison Mère de Ploërmel le 1er août 1960 en compagnie de quelques Frères qu’il retrouvera ensuite en Polynésie : Frère Bernard COATANROC’H et Frère Maxime CHAN.

Après le noviciat, Frère Jean-Pierre poursuit sa formation de religieux et d’éducateur au scolasticat de Ploërmel passant la 2ème partie du Bac, en faisant des études de théologie et en s’initiant à faire la classe et la catéchèse.

Frère Jean-Pierre entame alors une longue carrière d’enseignant, tout d’abord au collège Saint Jean-Baptiste de Guérande en 1962 (il a 20 ans), puis en 1964 au collège Saint Louis de Gonzague d’Ancenis. Il découvre Tahiti la première fois en 1965 car il effectue son service militaire en tant que volontaire à l’aide technique (VAT) pendant 2 ans au collège La Mennais, que tout le monde à l’époque appelle encore « l’école des Frères ».

Il rentre  en métropole pour 2 années d’enseignement au collège La Haye Saint Donatien à Derval. Il peut ensuite revenir à Tahiti pour 3 ans comme directeur des classes du collège, avant d’entreprendre en 1973 une licence de sciences physiques à l’université de Nantes. Le diplôme en poche, Frère Jean-Pierre revient à Tahiti en 1978 pour seconder la sœur Mariette Trépanier comme directeur adjoint chargé des classes de 6ème – 5ème.

En 1979, il commence une longue et fructueuse carrière de 29 années au Collège Lycée La Mennais comme enseignant de sciences physiques-chimie dans les classes du lycée. Il prendra sa retraite professionnelle en 2008 et il coupera définitivement les ponts avec son laboratoire en 2010 quand par obéissance religieuse il acceptera d’aller à Taiohae à Nuku-Hiva aux Iles Marquises.

Frère Jean-Pierre était un Frère aux multiples facettes. Pour camper le personnage j’utiliserai essentiellement le témoignage écrit par Dominique SOUPÈ , mais aussi des extraits des nombreux témoignages que nous avons reçus depuis l’annonce de son départ vers notre Dieu notre Père.

Frère Jean-Pierre, que beaucoup d’anciens élèves connaissent sous le nom de « Poto »  a prononcé ses vœux, dans la congrégation des Frères de l’Instruction Chrétienne de Ploërmel, il y a donc 56 ans. Fidèle à ses vœux d’obéissance, de chasteté et de pauvreté, il aimait servir Dieu et ses Frères en communauté, attentif à la santé et au bien être de chacun. Il était très fidèle à la prière communautaire.

En communauté, sous des dehors parfois bourrus, il cachait un cœur en or, se faisant des soucis pour chacun des Frères et ne refusait jamais un service.

C’était un enseignant hors pair, rigoureux, pédagogue attentionné. Professeur au collège-lycée La Mennais de Papeete durant 40 années, il a conduit un grand nombre de Polynésiens vers le baccalauréat et sur les chemins de la science. Sous son air bougon et râleur les élèves et collègues découvraient très vite l’enseignant attentionné désireux de stimuler les plus doués, mais aussi de soutenir et d’accompagner les plus fragiles à condition qu’ils se montrent courageux et persévérants. Passionné de sciences physiques, il savait communiquer sa passion. Que d’heures passées au laboratoire à mettre au point des expériences de physique et de chimie, à trouver des méthodes pédagogiques actives, parfois ludiques. Comme bon nombre de scientifiques il restait humble face aux connaissances qu’il partageait. En fin de carrière, à l’heure où internet prenait plus de place dans la pédagogie et la vie des lycéens, il insistait sur la nécessité de porter un regard critique sur les informations collectées sur la « toile ». Avec ses collègues il partageait volontiers ses préoccupations pédagogiques, intellectuelles et scientifiques.

Voici le témoignage d’un autre collègue professeur de sciences physiques. Tous les jours de la semaine, on pouvait le trouver facilement près du laboratoire dans la salle de rangement pour le matériel de physique-chimie du Lycée La Mennais. Cette zone lointaine de la salle des professeurs, que seuls quelques collègues de l’établissement fréquentent, était son espace de travail privilégié. Il y préparait ses cours, ses travaux pratiques et il y faisait ses travaux de correction. Quand il y corrigeait ses copies, il nous faisait sursauter quand nous vaquions à nos occupations dans ce lieu, pour nos expériences par exemple, car il râlait vivement quand il découvrait une bêtise d’un élève sur une copie. Il sursautait des erreurs de ses élèves mais il savait en tirer des conclusions pour les faire progresser. Il n’était pas rare de le voir en tête à tête avec un de ses élèves qui rencontrait des difficultés ou d’un autre qui avait été envoyé par un collègue professeur pour du soutien. La plupart du temps, l’élève repartait avec le sourire et il était débloqué. On y voyait aussi des anciens élèves revenir, l’œil pétillant, fiers de leurs réussites pour témoigner de la sympathie et pour remercier Frère Jean-Pierre de sa grande contribution à leurs progressions respectives. Il aimait les jeunes et il aimait vivre avec eux. C’était sa joie de vivre.

C’était un religieux, certes, mais aussi un chrétien, comme les autres, attentif aux interrogations éducatives et spirituelles de son époque. Très sensible aux détresses vécues par certains jeunes, aux fardeaux portés par les uns et les autres (enfants, familles, collègues…) avec délicatesse et discrétion le Frère Jean-Pierre tentait de les soutenir.

Léone Révault, qui a été longtemps responsable des scouts de France avec Frère Jean-Pierre a beaucoup apprécié sa collaboration. Elle a apprécié son savoir faire et son sens de l’organisation. Ensemble et en étroite collaboration, ils ont pu mettre en place des nouvelles structures avec la création des différents groupes de scouts dans plusieurs paroisses. Frère Jean-Pierre a beaucoup collaboré au programme de formation nécessaire pour toutes ces nouvelles équipes d’encadrement, en relation avec l’association des scouts de France de métropole.

Chez les Scouts, il a été également un bâtisseur. Après le cyclone Veena en 1983, il a reconstruit avec les Pionniers le siège des scouts de France situé à la Mission et il a participé activement à la création du 1er refuge du mont Aorai . Il a aussi participé à l’aménagement du site de Mataiea qui est devenu un lieu de rassemblement et de campement pour les scouts. Il y a construit le fare potee, ainsi que toutes les structures annexes. Mais surtout il a su y mettre en valeur un espace paysagé et arboré de nombre d’essences locales.

Amoureux de la nature, il a organisé plusieurs journées de visites et de traversées de vallées. Celles de la Fautaua et de Papenoo/Mataiea n’avaient pas de secret pour lui. Il en connaissait tous les recoins et les faisait découvrir aux scouts et à ses élèves. Il en est ainsi du Tamanu à Punaauia et du Pari de Teahupoo et Tautira , qu’il a traversé à maintes reprises.

Il a été membre fondateur du Conseil du Scoutisme Polynésien (CSP) qui regroupe toutes les associations de scouts en Polynésie Française. Ses interventions ont toujours été pertinentes et constructives. Il apportait un grand soin aux programmes de formation des cadres et à la préparation des différents Jamboree. Il a participé également à la mise en place et à l’application de toute la réglementation relative à l’organisation des camps de scoutisme.

Forgé par la pédagogie du scoutisme, Frère « poto » savait amener un bon nombre de jeunes à se dépasser pour d’abord mieux s’épanouir, ensuite pour se montrer citoyens responsables et chrétiens ayant le sens du service. Formateur pragmatique, Frère Jean-Pierre a contribué à former à la fois des cadres solides pour le scoutisme et des adultes responsables et respectueux.

Sensible à la culture et à l’environnement, le frère utilisait à la fois ses statuts d’enseignant et de religieux pour aider les jeunes à respecter leur(s) culture(s) et leur environnement en les mettant au service de leur développement personnel. Sa manière de témoigner de sa foi chrétienne et de ses convictions religieuses passait par une attitude d’accueil et d’écoute. Les heures consacrées à expliquer, réexpliquer une technique, un concept … valaient, pour lui, autant que des heures de catéchèse.

Partir avec des groupes de volontaires à l’assaut du Mont Aorai, ou dans une exploration de trois jours au centre de Tahiti, ou dans la découverte du plateau de Tamanu… était pour lui une des meilleures écoles de formation humaine et spirituelle, un moyen pour les jeunes d’appréhender les notions de dépassement de soi, de service désintéressé, de solidarité vécue, de respect de la nature …A travers toutes ces activités, il recherchait avant tout ce qui pouvait aider les jeunes « à grandir » et « à se tenir debout » 

Frère Jean-Pierre avait la main verte et le souci d’embellir son environnement avec des plantes et des fleurs. Il s’est occupé du jardin dans toutes les communautés où il a été placé. A Taiohae, il donnait bien volontiers toutes sortes de plantes aux dames qui regardaient son jardin avec envie, refusant toute offre d’argent, mais suggérant plutôt un échange : un signe de fraternité bien comprise.

Les nombreux témoignages d’amitié qu’il a reçus au lycée La Mennais, en 2008, le jour de son départ à la retraite, suffisent à montrer que Frère Jean-Pierre était estimé et regretté. Un homme simple mais attachant.

Frère Jean-Pierre a toujours gardé des relations affectives avec sa famille, ses deux frères en particulier : il était intarissable quand il parlait des joies et aussi difficultés et des drames que sa famille a traversés. Il était tout spécialement enchanté de pouvoir faire des randonnées en montagne avec des membres de sa famille.

En cette année dédiée par le Pape François à la vie consacrée le témoignage de vie de ce religieux, le Frère Jean-Pierre, peut révéler aux jeunes qu’il est possible d’être homme et de faire le choix du célibat consacré, pourvu qu’on soit animé d’un idéal de vie : pour le frère « poto » c’était servir Dieu et la jeunesse dans l’esprit insufflé par Jean-Marie de La Mennais.

 

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