1984 - Latsaka

Thèse de Doctorat d’Abraham LATSAKA

à Lyon II

en 1984

3 - La mission catholique jette ses fondements sous un climat de persécution.

L'on se souvient de ce refus que Radama 1er avait opposé à la demande de M. Pastre, pour se rendre à Tananarive. Ce n'était pas suffisant pour décourager les catholiques qui se montraient encore plus patients et plus courageux.

3.1. M. Henri de Solages, martyr catholique sous Ranavalona 1ère

Nommé Préfet apostolique de l'île Bourbon par Ordonnance royale du 17 Août 1829, M. de Solages s'embarqua à Bordeaux le 27 Septembre 1830 pour rejoindre son nouveau poste. Il fut accompagné de deux prêtres, M. Pierre Dalmond, M. Théodore de Guigné, et d'un laïc. Ils arrivèrent à destination le 7 Janvier 1831. Son programme se trouvait dans ces lignes : « J'avais deux choses principalement en vue, en attendant que ta Divine Providence me fît trouver le moyen d'exécuter mon projet de mission dans l'Océanie : la première était de rétablir la discipline totalement négligée à Bourbon ; la seconde de chercher à introduire la foi dans la grande île de Madagascar, et de fonder dans l'intérieur du pays des établissements d'éducation pour l'instruction des naturels »1. Le 13 Juillet 1832, M. de Solages s'embarqua donc pour Madagascar, laissant à Bourbon son ami Dalmond qu'il avait institué vice-préfet intérimaire. Il débarqua à Tamatave le 17 Juillet, et fut contraint par M. Coroller , le gouverneur de cette ville, de demander une autorisation à la reine Ranavalona 1ère pour pouvoir continuer son voyage jusqu'à Tananarive. Sa première demande datait du 21 Juillet 1832. Las d'attendre et soupçonnant M. Coroller, hostile à son projet, il tenta de rejoindre Tananarive vers la fin de Septembre sans attendre l'autorisation de la souveraine. Mais bientôt, les soldats de Coroller se mirent à sa poursuite et l'arrêtèrent à Maromby. Ordre lui fut donné de rebrousser chemin mais il s'y refusa. De ce village il écrivit à la reine une lettre dans laquelle il déclinait tous ses titres, et fit le procès des agissements du gouverneur de Tamatave... À toutes ces difficultés endurées par M. de Solages, les missionnaires protestants et anglais de Tananarive, informés du projet de ce catholique français, n'avaient pas manqué d'ajouter leurs coups. Ils écrivirent à la reine une lettre pour lui demander de ne pas autoriser le missionnaire catholique à venir à Tananarive. Voici une traduction de cette lettre qui fut écrite en malgache.

« À la Reine Ranavalona. Vivez longtemps, que la maladie vous épargne, que votre royaume prospère ! Excusez-nous, Madame, car voici ce que nous avons à vous dire. Nous avons appris qu'il y a un Blanc, un Français, à Maromby, arrêté par les soldats qui ne l'ont pas laissé monter. À notre avis, il ne faut pas le laisser y rester longtemps, de peur qu'il ne meure de la fièvre et qu'on n'en profite pour dénigrer ce pays, Dieu nous en préserve ! Cependant nous ne demandons pas de le laisser monter ici. Et - vivez longtemps, Madame, que la maladie vous épargne ! - nous ne pouvons pas vous le cacher, à notre avis ce n'est pas la prospérité de votre pays de Madagascar qu'il a en vue, mais ce sont des visées peu droites qui sont la cause de son voyage. Vivez longtemps, que la maladie vous épargne, Madame, Dieu vous bénisse et vous fasse trouver le bonheur et la joie sans fin. - Disent vos amis. - D. Griffiths et D. Johns et J.J. Freeman »2Cette lettre se passe de commentaire  quant à la volonté des missionnaires protestants anglais de s'opposer à l'installation de la mission catholique française à Madagascar.

Ils réussirent à influencer la reine. Elle écrivit au « Comte Henri de Solages » en ces termes : « Je vous fais mes compliments. J'ai reçu votre lettre où vous m'exposez que vous avez une affaire pour laquelle vous montez ici à Tananarive. J'ai donc entendu cela. Revenez à Tamatave ; il y a là le gouverneur mon représentant, vous lui direz l'affaire que vous avez à traiter, pour qu'il m'en rende compte. Dit : Ranavalomanjaka »3.

Encore une fois, comme avec M. Pastre, la mission catholique fut interdite. Mais pour M. de Solages, l'histoire tourna au tragique. En effet, mis en quarantaine sur ordre du gouverneur Coroller, avec défense pour les Malgaches de lui donner du secours et des vivres, sous peine de mort, ce missionnaire, de surcroît affaibli par la fièvre, mourut misérablement à Maromby le 8 Décembre 1832, dans l'attente d'une autorisation favorable de Ranavalona 1ère. « Je viens de recevoir des renseignements positifs sur son genre de mort et j'ai acquis la certitude qu'il est mort martyr »écrivait dans son journal son ami Dalmond4.

3.2. Aux aguets à partir des petites îles, la mission catholique s'organise.

Après la mort de M. de Solages, le père Dalmond qui refusa le poste de préfet apostolique de l'île Bourbon, restait cependant fidèle au projet de son défunt ami sur l'évangélisation de Madagascar. Très tôt il avait compris qu'avec la politique d'isolement pratiquée par Ranavalona 1ère, on ne pouvait y pénétrer qu'en commençant par les petites îles.

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1 GOYAU Georges, Les grands desseins missionnaires d'Henri de Solages, 1786-1832, Paris Plon 1933, p.178.
2 BOUDOU Adrien, Les Jésuites à Madagascar au XIXe siècle, Paris, Beauchesne et Fils, 1950, Tome I, pp. 27-28.
3 Ibid, p.29.
4 Ibid, p. 33.

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