La vocation à une vie consacrée spécialement sacerdotale, ne se perçoit bien qu’en référence à l’Evangile, c’est le second point de cette exhortation. Il se trouve que chez nous nos jeunes sont interpellés sur 3 points essentiels à la vocation ou à la discipline sacerdotale.
M’engager ? Oui ! Mais, me faut-il renoncer à un métier, une profession et à ce qui les accompagne, un salaire mensuel, et à la sécurité d’une douce retraite ?
M’engager ? Oui ! Mais, est-ce pour toujours ?
M’engager ? Oui ! Mais, me faut-il renoncer à prendre femme et fonder une famille ?
La vocation sacerdotale attire, les conditions dont elle est assortie, retiennent beaucoup de jeunes sur le seuil !
Répondons à ces trois interrogations qui sont comme autant d’obstacles. Mais il est des chemins dont on n’élimine pas les obstacles, car ils ne sont pas artificiels. On ne monte pas à l’Orohena en restant dans les vallées.
Laisser les filets…
Les apôtres « laissant là leurs filets suivirent Jésus ». Que veut dire cet abandon des filets ? Sinon que les disciples de Jésus subordonnèrent toute activité humaine à leur ministère apostolique, à l’annonce de l’Evangile. Ce n’est pas un simple geste, uns simple pause, pour bénéficier de quelques moments pour la réflexion ou la prière. C’est un changement radical de vie. Il peut arriver que des prêtres donnent une grande partie de leur temps, à des travaux de recherche de toute nature, à des tâches éducatives, qu’ils exercent même à plein temps, ou à temps partiel une profession d’ordre intellectuel ou manuel. Mais ce que demande l’Evangile c’est la subordination absolue de tout activité humaine et sociale à l’exercice d’un ministère ordonné, comme l’est la prêtrise ;Les laïcs eux aussi sont appelés à annoncer l’Evangile de par leur baptême, l’engagement dans le laïcat ne compte pas pour autant de renoncement à construire le Monde également en priorité. Le prêtre, lui, vit de l’Evangile et c’est d’abord cela l’esprit de pauvreté, car il abandonne non seulement les inconvénients d’un métier mais aussi ses avantages. L’exercice d’un métier droit nécessaire à la promotion de l’Homme, contribution nécessaire de chaque homme à la promotion sociale, alors pourquoi renoncer à un métier ? Hors de nos îles en beaucoup de pays, la société sécularisée ne reconnaît plus les « vocations essentiellement spirituelles ». Fort heureusement chez nous, ce n’est pas tout à fait le cas. Mais il est temps que des jeunes apportent le témoignage de leur engagement, pour que notre société, nos familles reconnaissent en eux la primauté des valeurs spirituelles qu’eux-mêmes admettent et vivent déjà par leur Foi.
Permanence du Sacerdoce…
« Laisser ses filets » ? Oui, mais pour combien de temps ? Entre le temps de la rencontre et celui de la Pentecôte, les apôtres sont bien revenus à leurs filets, c’est vrai ! C’est une tentation terrible pour tout apôtre de chercher cette compensation lorsque le Maître vient à manquer ! Mais l’imposition des mains a toujours eu un caractère définitif. Le sacerdoce est permanent. Quand on est prêtre, on ne recommence pas sa vie. Le sacerdoce d’un homme n’est pas limité à un temps, à un groupe, à un pays, à une mission temporaire. Fort heureusement il ne semble pas que ce caractère définitif soit remis en cause dans la mentalité polynésienne, au contraire… Il reste cependant que lorsque l’on est jeune, il peut arriver qu’on s’en effraie. Un sens du sacré peu entamé par la vague de sécularisation vous aide à comprendre cette « stabilité » absolument nécessaire à la vie du prêtre. Mais comprenez aussi que la vocation sacerdotale est tellement liée à la « permanence » que n’accèdent à la prêtrise que ceux qui pendant toutes leurs années de jeunesse acceptent de vivre comme s’ils avaient déjà fait le choix définitif. Si bien que dans notre Eglise, sauf cas de conversion, ou de vocations exceptionnelles, n’arrivent au bout que ceux qui, consciemment ou inconsciemment, pendant les premières années de leur adolescence, ont vécu comme s’ils s’étaient déjà engagés. Voilà pourquoi le stade de la « préparation » est aussi important que le stade de la réalisation. La seconde phase ! le jeune homme l’assume lui-même, mais la préparation n’est assurée que par le consentement général de tout le diocèse, la compréhension de tous, la vie, l’exemple et la prière de tous. Normalement l’émulation fraternelle dans l’Eglise devrait maintenir tous les jeunes au-delà de leur adolescence, dans l’état de disponibilité morale requise. Ainsi le Seigneur appellera à tout âge, et le jeune pourra répondre même au terme de son adolescence ou au début de sa maturité.
Le célibat …
Troisième point : certains jeunes sont « déroutés » au sens littéral du mot, par l’obligation pour le prêtre d’être célibataire. Qui peut avoie affaire le « célibat », qui découle d’une discipline de l’Eglise, avec l’histoire de filets ? Quand on a renoncé à tout, pourquoi faut-il encore être et rester célibataire ? La question a été posée par le Concile, reconsidérée partout dans l’Eglise, dans les Conférences épiscopales et par le Synode épiscopal de 1971 à Rome.(DC 1972, p. 10 et s.) Le Pape lui-même en a longuement traité. Finalement lui-même et les évêques ont pris conscience que nous ne trouvions pas seulement devant une question de discipline, mais que nous étions engagés par une aspiration profonde déjà très ancienne et toujours actuelle aussi dans l’Eglise, à ce que le prêtre conforme sa vie, même sur ce point, à celle du Christ,. Certes le Christ lui-même a dû appeler des gens mariés pour être apôtres, mais il a fait l’éloge de ceux qui ne se marient pas et a prêché d’exemple (Mat. 19, 12 et s.) Evènement très caractéristique dès la première génération de chrétiens, dans l’Eglise apostolique, Paul, apôtre lui-même, officiellement par conséquent, presse certains à ne pas se marier (1 Cor. 7, 25-40). Ce qui était une exception va être considéré par l’Eglise comme souhaitable pour l’ensemble du clergé. Pour une question aussi grave, ne faisons pas appel à l’histoire de l’Eglise, mais principalement au Nouveau Testament. L’Eglise pour faire réapparaître toute la fraîcheur et la vigueur de l’Evangile veut que ceux qui deviennent prêtres fassent de la vie même de Jésus, un modèle et une source. Une grâce spéciale est donnée par Dieu à ceux qui l’appellent pour rendre possible cette appartenance exclusive au Christ. (1 Cor. 7, 1 et 8, 9 ; Ministère et Vie des prêtres (P.O. 16, 430-433))
En face de l’Evangile, la société permissive non seulement exalte la sexualité, mais la présente toujours comme une fin en soi et exclusive de toute aspiration morale ou religieuse. L’Evangile, révélation de l’Amour de Dieu, nous fait découvrir, que cet amour divin est présent en tout : aussi bien dans l’amour des époux, que dans l’amour chaste de ceux qui se sont voués tout entier à Dieu et à tous les hommes.
Fort heureusement une meilleure connaissance de la sexualité et de son importance déterminante permet d’accorder à l’Education Sexuelle la très grande attention nécessaire. Mais l’Education sexuelle ne s’accompagne pas pour le chrétien d’initiation sexuelle. L’effort des jeunes à vivre de vraies fiançailles avant leur mariage serait d’un soutien considérable pour les jeunes appelés à la vie religieuse ou sacerdotale. Le climat chrétien autour de la sexualité sera toujours différent de celui que crée le Monde. La sexualité est ordonnée par le Créateur à des fins qui ne sont pas uniquement terrestres. Le prêtre célibataire témoigne de l’Absolu de Dieu, ici bas, mais aussi dans l’au-delà. « « L’Evangélisateur » dans le prêtre commence humblement à témoigner sur notre pauvre terre, et dans son pauvre corps, du « Royaume des Cieux ». « Qui potest capere capiat » (Mat. 19, 12). Qui peut comprendre, comprenne. Cette parole du Christ est une parole prophétique à l’Eglise de tous les temps, à ses disciples de tous les temps.
L’Eglise à Tahiti souffre d’un retard considérable par rapport à d’autres diocèses polynésiens comme les Tonga ou Samoa où chaque année on compte plusieurs ordinations. L’an prochain au « Séminaire Régional du Pacifique » à Suva, il y aura 70 élèves, nous n’y aurons toujours que 2 Tahitiens !
Je fais appel aux jeunes pleins de Foi et qui ont aussi le souci de l’authenticité.
Une Eglise qui ne se prend pas en charge n’est pas une Eglise. Notre Eglise s’évangélise elle-même. La vie religieuse et sacerdotale apparaît comme le fruit de l’action évangélisatrice à l’intérieur de l’Eglise.
Gagner d’autres hommes à évangéliser ? Oui bien sûr, mais pour augmenter la pâte, il faut le ferment.
Que la Semaine des Vocations, mieux préparée cette année par une plus large réflexion, par une prière plus intense, favorise la générosité pour un engagement libre et total. Que le Service des Vocations en soit remercié.
Ayons cependant la clairvoyance, la patience, et l’obstination des humbles pour faire nôtre ce message. Soumettons-le à l’agrément du Seigneur, au cœur de chaque vie, et Maître de l’Avenir.
Demandons à « Maria no te Hau » d’aimer plus fortement l’Eglise. Celle qui fut image initiale de l’Evangile, et au milieu des apôtres présents à la naissance de l’Eglise, sera présente aussi à son renouveau chez nous.
Puisse-t-elle être un jour présente au milieu de l’équipe fraternelle des prêtres, religieux, religieuses qui auront été appelés, en étant fidèles à leur propre vocation à assurer avec nos laïcs la Mission de notre Eglise dans nos îles.
Semaine des Vocations - Novembre 1976
Monseigneur Michel COPPENRATH