Au chapitre 10 de St Jean, des versets 14 à 17, Jésus dit de lui-même :
« Je suis le bon pasteur,
Je connais mes brebis
et mes brebis me connaissent
comme le Père me connaît et que je connais le Père,
et je donne ma vie pour mes brebis.
J’ai d’autres brebis encore
qui ne sont pas de cet enclos :
celle-là aussi, je dois les mener ;
elles écouteront ma voix et il y aura un seul troupeau et un seul Pasteur. »
À Tahiti aussi, il dépend de nous tous, prêtres, religieux, religieuses, catéchistes, responsables de mouvements, que cette parabole s’accomplisse, de telle sorte que non seulement nous ne mettions pas d’obstacle à sa réalisation, mais que nous aidions à sa pleine réalisation. Comprenons cette parabole, son application chez nous et vivons la.
La parabole donne de Jésus une image familière à tout chrétien. Jésus est le Bon Pasteur, nous ses brebis. Jésus nous connaît et nous aime puisqu’il donne sa vie pour nous. Mais d’autres que nous sont aussi ses brebis : « J’ai d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos : celle-là aussi, je dois les mener, elles écouteront ma voix et il y aura un seul troupeau, un seul Pasteur ».
Il existe entre Jésus-Christ et son Père une « connaissance » : disons autrement, un lien d’amour tel que Jésus et son Père ne font qu’un. Un lien d’amour tel aussi qu’il unit le Pasteur à ses brebis, Jésus à ses disciples. Un lien d’amour tel que Jésus veut aussi que soient rattachés à lui tous les hommes dans un seul enclos.
Si ce lien entre Jésus et ses disciples n’existait pas, il n’y aurait pas d’Église. L’Église, au sacrifice de la messe, en annonçant la parole de Dieu, rappelle à tous les fidèles que « le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis », « qu’il y a aussi des brebis qui ne sont pas de cet enclos ». Ainsi l’Église annonce l’Amour de Jésus-Christ pour les hommes et la volonté d’amener à son unique troupeau les brebis qui n’y sont pas encore pour « qu’elles écoutent sa voix ».
Jésus, le Bon Pasteur, est ainsi partagé entre son troupeau et les brebis qui en sont encore éloignées. Il marche à la tête de son Église comme guide, comme gardien ; il court aussi dans tous les déserts, dans toutes les broussailles, les marais, sur les eaux tempétueuses et vers les rivages lointains pour faire entendre sa voix. Jésus est Sauveur de son Église, il est Sauveur aussi de tous les hommes.
Comment vivre cette parabole ?
Nous vivrons cette parabole en gardant au fond de l’âme cette pensée que Jésus demeure vraiment à la tête de son Église, et qu’il continue aussi à courir chercher tous ceux qui ne sont pas du bercail.
Une pensée présente au fond de l’âme est aussi une pensée qui pousse à l’action.
Cette année, pour nous y aider, a été lancée, dans tout l’Archidiocèse, une enquête sociale et religieuse. C’est à dire que par des moyens appropriés à notre époque, tous ceux qui, missionnaires, ont à un titre quelconque la responsabilité de l’Église, s’efforceront de mieux connaître nos fidèles. Par voie de réciprocité, les fidèles apprendront à mieux connaître aussi leurs pasteurs et leurs missionnaires.
Vos « pères », si ce n’est déjà fait, dans vos quartiers, au district, dans vos paroisses, dans les îles, partout où cela sera possible, vous visiteront.
Ces visites seront complétées par une enquête serrée sur la pratique religieuse, que ce soit chez les adultes ou chez les jeunes.
Comme le contexte humain est important, un enquête globale, générale des conditions de vie est aussi entreprise.
Si nos fidèles, comme ils l’ont déjà fait, continuent à mettre beaucoup de bonne volonté et montrent de la joie à accueillir le prêtre ou son remplaçant chargé de l’enquête, nous espérons bien clore ces études avant la rentrée scolaire de septembre 1969. Le respect de cette date limite dépend aussi du savoir-faire et du zèle de nos missionnaires. C’est un gros travail qui vous est demandé, mais un travail indispensable.
Un certain nombre de faits caractérisent déjà notre travail de l’année :
1° Malgré les difficultés géographiques, il sera en effet possible de visiter personnellement chaque catholique, ou du moins chaque famille catholique. C’est un rare privilège pour un diocèse que son évêque puisse fixer comme objectif essentiel la visite systématique de chacun d’entre vous. Sous cet aspect là, notre pays et sa population demeurent encore à l’échelle humaine.
2° D’une connaissance exacte de notre situation, nous saurons tirer des conclusions apostoliques : c’est à dire des conclusions qui obligent le plus grand nombre d’entre nous à prendre en charge l’extension, le rayonnement de l’Église en Polynésie.
3° Deux facteurs nous forcent à regarder avec des yeux neufs l’état actuel de l’Église ici à Tahiti.
La population vivant en zone urbaine, soumise par conséquent à la Ville, à son influence prépondérante, voire même constante, s’est accrue considérablement. Par ailleurs nos amuiraa des îles, autrefois vivantes, optimistes, sont devenues, par suite de l’attirance du travail et de l’école, squelettiques. Notre tâche, d’ores et déjà, est de faire face à cette situation toute nouvelle en Polynésie, et si nous nous y prenons à temps, de faire échec, si possible, aux facteurs de déchristianisation des concentrations urbaines, économiques et sociales.
Nous y parviendrons à condition :
- d’être éveillés à tout ce qui se passe dans l’Église et dans le Monde ;
- mais aussi d’être inventifs : nous avons à faire face à un situation très concrète, la nôtre, et à faire appel à des moyens « appropriés » à la situation apostolique locale.
Un semaine pastorale clôturera en novembre tout ce travail : notre espoir, c’est que le plus grand nombre y participe pour y exprimer librement leurs idées d’abord, mais pour assumer ensuite la part qui leur revient en propre dans l’Évangélisation de notre pays.
Cette première lettre a un style tout particulier. Elle ne dit pas, elle veut vous entraîner à réfléchir, à agir. Elle n’est pas faite uniquement pour ceux qui en entendront la lecture un dimanche. Elle voudrait convaincre aussi ceux qui ont oublié et Dieu et l’Église, ceux aussi qui, actifs et généreux dans leur action dans la cité, par ignorance, par lassitude, par scepticisme, n’osent plus croire que l’Évangile et l’Église peuvent être un soutien, un guide pour leur famille, leur vie professionnelle, leurs aspirations…
« Oh non ! Ne nous ignorons pas les uns les autres ».
Papeete le 25 janvier 1969
Michel COPPENRATH
Archevêque-coadjuteur de Papeete