Bulletin de Rouen 1925-1940

22 août 1925

Bulletin religieux de l’Archidiocèse de Rouen du 22 août 1925 p.848-849

MONSEIGNEUR ATHANASE HERMEL

Chevalier de la Légion d'honneur

Tous ici, et spécialement ses anciens professeurs, ses condisciples et ses élèves, ont appris sans surprise, mais avec grande joie, la nomination de Mgr Hermel comme chevalier de la Légion d'honneur, au titre militaire. Rappelons, à cette occasion, ce que nous disions dans « Nos Prêtres au champ d'honneur ». L. J.

Mgr Athanase Hermel, évêque de Casium, vicaire apostolique de Tahiti, de l'ordre de Picpus, originaire de Fécamp, fit ses études au Petit Séminaire diocésain du Mont-aux-Malades. Entré dans la Congrégation des Pères du Sacré-Cœur, dits de Picpus, il revint à Rouen comme professeur au Grand Séminaire, puis fut envoyé

à Papeete, dont il devint bientôt l'évêque.

À la déclaration de guerre, il fut mobilisé sur place avec le titre d'aumônier militaire. Il était à Papeete le 22 septembre 1914 lorsque deux croiseurs allemands, le Gneisenau et le Scharnhorst, commandés par l'amiral Von Spee, vinrent bombarder cette ville. Tout un quartier fut incendié. Mgr Hermel se rend immédiatement aux batteries du mont Faiere où sont groupés les marins français : « À mon côté, dit un témoin oculaire, nous rencontrons Mgr Hermel, aumônier volontaire qui, d'instinct, se porte à l'endroit le plus exposé. Couvert de boue gluante, suant et soufflant, il a perdu son chemin, mais son visage reste aimable et souriant quand même. Il monte avec nous. Les énormes projectiles allemands s'abattent sur le fort. Fort aimablement Monseigneur nous a offert l'absolution, disant toujours avec son bon sourire : “Je suis ici pour vous aider à bien mourir”. » Bientôt l'amiral Von Spee, déçu par cette résistance, quitte Tahiti et se rend aux Marquises. Mais quelques pro-allemands et quelques peureux dirent très haut que si le fait se renouvelait, ce serait folie de résister. Mgr Hermel, le dimanche suivant, dans sa cathédrale, loua les autorités civiles et militaires qui avaient décidé la résistance, et fit paternellement la leçon aux timides. Aussi l'évêque fut-il remercié par l'officier de marine qui commandait à Papeete. Après avoir loué le clergé, celui-ci ajouta dans sa lettre officielle :

« En ce qui vous concerne personnellement, Monseigneur, je ne puis que vous témoigner ma respectueuse admiration et vous remercier au nom de l'armée dont je suis le représentant.

Pour vous rendre au poste le plus dangereux où vous appelait votre devoir d'aumônier militaire, vous avez gravi sous le feu de l'ennemi la pente entière, découverte, exposée, qui mène aux batteries. Une fois arrivé, vous avez contribué puissamment par votre autorité morale et votre courage, au maintien du calme et du sang-froid.

Hier encore, du haut de la chaire, dans un élan oratoire, illuminé du plus pur patriotisme, vous avez su dire comment Papeete, par son attitude ferme et courageuse, a évité la honte d'une capitulation ennemie. Vous n'avez pas hésité à stigmatiser ceux qui, avant l'alerte, parlaient de se rendre, et qui, après l'alerte, critiquent les mesures prises ; ces mauvais français n'ont cessé d'exercer leur détestable influence que pendant le combat : à ce moment ils avaient fui.

Je vous remercie de ces paroles qui prenaient dans votre bouche une singulière autorité, du fait même que vous aviez su les faire précéder par des actes.

Le Commandant des Troupes,

DESTREMAU,

Lieutenant de Vaisseau. »

5 septembre 1925

Bulletin religieux de l’Archidiocèse de Rouen du 5 septembre 1925 p.897

Mgr Hermel

On nous communique le texte de la citation de Mgr Hermel motivant la nomination dans la Légion d'Honneur. Ce nous est une occasion de féliciter à nouveau l'aimable évêque.

Décret du 12 juillet 1925 : Ministère des Colonies. Nomination de Mgr Hermel chevalier de la Légion d'Honneur. Motifs :

« Titres exceptionnels : Depuis vingt-deux ans à Tahiti. A eu une conduite digne d'éloges lors du bombardement de Papeete, le 22 septembre 1914, par deux croiseurs allemands. Prend une part considérable eu développement de la langue française dans la population indigène ».

2 octobre 1926

 

1er septembre 1928

Bulletin religieux de l’Archidiocèse de Rouen du 1er septembre 1928 p.828

Mlle Maria HERMEL, sœur de S.G. Mgr Athanase Hermel, évêque de Tahiti et du T.R.P. Jean Hermel, prieur des dominicains d'Amiens, vient d'être rappelée à Dieu. Elle était dans sa soixantième année. Tertiaire de Saint-Dominique, elle donnait l'exemple de toutes les vertus qui font l'âme fervente. Elle s'est éteinte pieusement chez les Religieuses des Sacrés-Cœurs, à Yvetot où, le 22 août, ont eu lieu ses obsèques. Que le vénérable et très aimé évêque de Papeete, le cher P. Jean Hermel, Mme Maize-Hermel, Mme Paul Hermel, et toute la famille veuillent bien agréer l'assurance de nos respectueuses sympathies, de nos prières pour leur regrettée défunte, et de nos vives condoléances. Nous savons combien leur profond esprit de foi leur inspire de résignation dans leur peine. Pie Jesu… requiem…

21 septembre 1929

Bulletin religieux de l’Archidiocèse de Rouen du 21 septembre 1929 p.796

Les anciens élèves du Petit Séminaire

L'Association des Anciens Élèves du Petit Séminaire a tenu sa réunion annuelle le 11 de ce mois à l'Institution Saint-Romain. Monseigneur l'Archevêque présidait…

L'Association fondée depuis peu de temps, compte actuellement 672 membres. Le plus grand nombre sont des prêtres. Mgr Pharès, archevêque titulaire de Tarse, Mgr Athanase Hermel, évêque de Tahiti,…

23 août 1930

Bulletin religieux de l’Archidiocèse de Rouen du 23 août 1930 p.676-677

Le Jubilé épiscopal de Mgr Athanase Hermel, vicaire apostolique de Tahiti

Je le vois encore arrivant, jeune enfant, de Fécamp au Petit Séminaire du Mont-aux-Malades. C'était en 1883-84, Professeur de huitième, je lui enseignai l'analyse grammaticale et l'arithmétique. Quelques années plus tard, je le retrouvai en seconde. Son caractère était toujours aussi doux, son esprit aussi docile, sa conscience aussi délicate, sa piété aussi fervente. Bientôt il quitta notre Grand Séminaire où le R.P. Jacques Bund exerça sur lui une grande influence pour entrer au noviciat des Pères des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, plus connus sous le nom de Picpussiens. Il connut, comme ses frères en religion, les douleurs de l'exil et ce fut à Burgos qu'il fut ordonné prêtre en 1897. Huit ans après, au mois d'août, nommé vicaire apostolique de Tahiti, il était sacré évêque par Mgr Verdier. Il y a de cela vingt-cinq ans, et il est toujours en Tahiti, et c'est en sa cathédrale de Papeete qu'il a, l'autre jour, célébré ses noces d'argent épiscopales, au milieu de ses fidèles depuis longtemps gagnés par sa douceur évangélique et à jamais reconnaissants du réconfort qu'ils trouvèrent près de lui au début de la guerre. On se souvient, en effet, qu'en 1914, mobilisé, il fut attaché, comme aumônier militaire, à la garnison de Papeete. Or, le 22 septembre, cette ville fut bombardée par les deux croiseurs fantômes allemands qui, étranges corsaires, vagabondaient sur toutes les mers. La panique se répand parmi les indigènes ; les blancs sont divisés. Mgr Hermel rassure les uns, réconcilie les autres. Il fit mieux, il donna l'exemple : « il gravit sous le feu de l'ennemi la pente découverte qui menait aux batteries. Une fois arrivé, il contribua puissamment par son autorité morale et son exemple au maintien du calme et du sang-froid. Le danger passé, du haut de la chaire de sa cathédrale, il loua Papeete d'avoir su, par son attitude ferme et courageuse, éviter la honte d'une capitulation. »

Mgr Hermel fut fait chevalier de la Légion d'honneur.

À l'occasion de son jubilé, il a reçu du Souverain Pontife une longue lettre autographe et une Bénédiction toute spéciale. Si, comme nous l'espérons, Mgr Hermel vient bientôt en France, le diocèse entier sera heureux de fêter le jubilé épiscopal d'un de ses enfants les plus aimés.

11 octobre 1930

 

18 octobre 1930

Bulletin religieux de l’Archidiocèse de Rouen du 18 octobre 1930 p.827

JUBILÉ ÉPISCOPAL DE Mgr HERMEL, A PAPEETE - TAHITI (Océanie)

Nous empruntons cet article au dernier numéro des Missions Catholiques ; heureux sommes-nous de dire à notre tour de bien loin notre respectueux Ad mullos annos au vénérable et cher évêque.

« Le 22 juin, Mgr Hermel, évêque titulaire de Casium et vicaire apostolique de Tahiti, a célébré le vingt-cinquième anniversaire de son élévation à l'épiscopat. Dans la lettre pastorale annonçant cet heureux événement au clergé et aux fidèles de son Vicariat, Sa Grandeur ne leur demandait qu'un présent : “leurs prières”, et qu'un plaisir : “celui de venir nombreux à la procession” qui devait commémorer dignement son jubilé épiscopal.

La fête fut très belle et très pieuse. Notre Saint-Père le Pape avait adressé à notre vaillant évêque une lettre autographe. Les Polynésiens étaient venus nombreux, des îles les plus éloignées, bravant les flots et les aquilons sur de fragiles embarcations. Ils formèrent autour de notre évêque vénéré une magnifique couronne d'honneur et de fête. La procession fut un bel acte de foi à Jésus-Hostie et se déroula avec piété dans le cadre tropical splendide de palmes, de verdure et de fleurs.

À Tahiti pas de fête complète sans une réunion catéchistique, toute la nuit, dans une atmosphère de féerie tiède et parfumée. De 7 heures du soir à 6 heures du matin, ce ne furent que chants, récitations de versets et éloquentes supplications. Entre temps, trois distributions de café et de tartines tinrent les chanteurs en haleine. Quatre mille pains suffirent à peine. Et, le cœur chantant, chacun s'en alla avec une foi ravivée. Quelques indigènes avaient 600 milles à parcourir pour regagner leurs îlots madréporiques. Étoile de la mer, protégez-les ! »

28 mars 1931

Bulletin religieux de l’Archidiocèse de Rouen du 28 mars 1931 p.247

L’épiscopat et les fêtes du Vè centenaire de Jeanne d’Arc

Voici la liste des évêques français qui ont annoncé leur présence :…

Voici une première liste contenant les noms de ceux de Nos Vénérables Frères qui ont accepté Notre invitation et qui viendront à Rouen les 30 et 31 mai prochain…

Son Exc. Mgr Hermel, évêque de Casium, vicaire apostolique de Tahiti.

30 mai 1931

 

26 décembre 1931

 

27 février 1932

Bulletin religieux de l’Archidiocèse de Rouen du 27 février 1932 p.175-177

SON EXCELLENCE MONSEIGNEUR HERMEL

Monseigneur l'Archevêque a été informé par télégramme reçu le 22 février de la mort de Monseigneur Athanase Hermel, évêque titulaire de Casium, vicaire apostolique de Tahiti, en résidence à Papeete.

Monseigneur Hermel, originaire de Fécamp, fit ses études au Petit Séminaire du Mont-aux-Malades et entra en 1892 au Grand Séminaire rue Poisson, alors dirigé par les Pères des Sacrés Cœurs, dits Picpuciens. La fréquentation de ces religieux, d'une piété communicative et voués à l'adoration perpétuelle du Saint-Sacrement, lui inspira le désir de partager leur vie. Il venait de recevoir les ordres Mineurs (1894), quand il obtint l'autorisation d'entrer au noviciat de leur congrégation alors à Miranda, en Espagne. Il fut ordonné prêtre à Burgos en 1897. Ses supérieurs le firent revenir, en 1898, au Grand Séminaire de Rouen comme professeur. Il le quitta de nouveau en 1900 quand, par suite des événements, la direction en dut passer à des prêtre séculiers pris dans le diocèse. À ce moment, il fut appelé au Havre, puis à Paris où il se livra à la prédication. Il y connut des succès. Sa parole révélait en lui des dons d'apôtre. Il fut alors envoyé à Tahiti, mission confiée à son Ordre, qui avait pour vicaire apostolique Monseigneur Verdier vieillissant. Il n'y remplit d'abord qu'un rôle de vicaire à la cathédrale, mais bientôt en devint le curé. En 1905, Monseigneur Verdier le demanda et l'obtint comme coadjuteur. Le siège lui échut peu de temps après. Son ministère à Tahiti fut remarquablement fécond. Il y dépensa ses forces physiques jusqu'à l'épuisement. Ses visites pastorales dans les conditions de transport les plus dures, sous un climat anémiant, à des peuplades souvent encore primitives, exigeaient parfois un véritable héroïsme. Rien ne l'arrêtait pour conquérir des âmes à la foi chrétienne. On sait combien en même temps il faisait aimer la France. Mobilisé pendant la guerre, il ranima les courages défaillants et sauva l'île de l'invasion allemande. Le gouvernement français lui en témoigna sa reconnaissance en lui décernant la Légion d'honneur.

Monseigneur Hermel, au cours de son épiscopat, prit quelquefois de courtes vacances en notre diocèse où l'appelait sa famille ; tous l'y entourèrent toujours d'une vénération sincèrement affectueuse. Son dernier passage fut rapide ; déjà atteint par une fatigue générale, il se contraignit presque à l'incognito. On aurait pourtant été si heureux de célébrer avec lui le vingt-cinquième anniversaire de sa consécration épiscopale !

Cette fois, il ne rentra à Papeete que pour y souffrir d'une impuissance d'agir causée par un mal cruel. En octobre dernier, il subit une intervention chirurgicale qui le rétablit un peu. Une pleine résignation à la volonté de Dieu, jointe à une énergie indomptable le tinrent debout quelque temps encore. « Le dimanche 6 décembre 1931, écrit Le Semeur de Papeete, dominant ses souffrances, apôtre toujours et jusqu'à l'abus de l'effort, il voulut administrer le sacrement de confirmation dans la cathédrale. Ce fut une cérémonie impressionnante, car tous savaient combien Son Excellence était affaiblie. Aussi les paroles simples mais émouvantes - flamme dans un foyer qu'on ravive – que Monseigneur prononça d'une voix voilée, touchèrent l'auditoire jusqu'aux larmes ».

Quels furent ses derniers instants ? Nous ne le savons encore en détail. Il demanda lui-même et reçut les derniers sacrements le 26 janvier. Nul doute que sa fin n'ait été celle des grands amis des Sacrés Cœurs et de la sainte Eucharistie.

« Le vaillant évêque missionnaire, écrit le T. R. P. Prats à Monseigneur l'Archevêque, est décédé le 20 février, dans sa 59e année, la 36e de sa profession religieuse et la 27e de sa consécration épiscopale ». Son Excellence qui avait pour Monseigneur Hermel une affection vive et respectueuse, le recommande aux prières.

Nous le faisons après lui en ami au nom des amis qu'il avait conservés à Rouen, l'un d'eux malgré l'éloignement, très intime.

Et nous prions son vénéré frère, le P. Jean Hermel, le prêcheur éloquent qui commencera demain sa station de Carême à la Cathédrale, et sa famille, d'agréer nos condoléances émues.

Si la possibilité nous en est donnée, nous peindrons plus tard à loisir cette douce et belle physionomie.

E. P.

5 mars 1932

Bulletin religieux de l’Archidiocèse de Rouen du 5 mars 1932 p.197

POUR LE REPOS DE L'AME DE Mgr HERMEL

Vendredi 11 mars, à 10 heures précises, en la chapelle de la Compassion, 10, rue d'Écosse, sera célébré, sous la présidence de Monseigneur l'Archevêque, un service funèbre pour le repos de l'âme de Son Exc. Mgr Athanase-André Hermel, évêque titulaire de Casium, vicaire apostolique de Tahiti, chanoine d'honneur de Rouen, chevalier de la Légion d'honneur, décédé à Papeete en sa résidence épiscopale, le 20 février 1932.

L'officiant sera M. le chanoine Bertin, vicaire général, archidiacre, Supérieur de la communauté de la Compassion.

19 mars 1932

Bulletin religieux de l’Archidiocèse de Rouen du 19 mars 1932 p.230-239

Oraison funèbre de son Excellence Mgr Athanase HERMEL

Évêque titulaire de Casium

Vicaire Apostolique de Tahiti

prononcée

par son Excellence Monseigneur l’Archevêque de Rouen

dans la Chapelle de la Compassion

le 11 mars 1932

In mari viæ tuæ… Transvexisti per aquam nimiam.

La mer fut ton chemin… Tu l'as traversée dans son immensité.

(Répons de la férie de ce jour, tiré du ps. LXXVI, 20, et de la Sagesse X. 18).

Mes bien chers frères,

Combien touchante cette cérémonie qui s'accomplit dans cette chapelle de la Compassion, par l'intimité même qui nous facilite l'évocation de nos pieux souvenirs ! Pour célébrer Son Excellence Monseigneur Athanase Hermel, Évêque de Casium, vicaire apostolique de Tahiti, Nous aurions pu choisir de plus Vastes églises. Le sentiment de l'amitié qu'il professait pour l'aumônier de ce couvent Nous a seul inspiré cette élection, tant Nous étions convaincu qu'il l'aurait ratifiée hautement. Ainsi l'avez-vous compris, mon Révérend Père, vous qui, frère de celui que nous pleurons, connaissiez si bien les délicatesses de son cœur.

La liturgie de ce jour Nous a fourni le texte de cette oraison funèbre. Il Nous a paru qu'il convenait à celui qui, né à Fécamp d'une famille de grands marins, a passé plus de la moitié de sa vie sur l'océan Pacifique. Il fut pour son apostolat missionnaire un infatigable navigateur.

André Hermel naquit le 26 avril 1873, entre les deux collines dont les longs bras abritent l'étroite entrée au port. Quiconque s'en échappe considère par tradition que le monde lui appartient. Les pêcheurs de Fécamp jettent leurs filets dans les mers du Groenland et de Terre-Neuve, ses marins des longs-courriers accostent aux rivages de tous les continents.

Son milieu et surtout son foyer familial profondément chrétiens enveloppèrent André Hermel d'une atmosphère de foi. Écoutez plutôt : Son frère aîné entra dans notre clergé de Rouen ; le cadet alla chez les Trappistes. Lui-même devait adopter les Pères des Sacrés-Cœurs de Picpus ; un autre frère devint capitaine au long-cours. Vous êtes le dernier de cette belle lignée, Père Jean Hermel, dont nous sommes heureux d'entendre la puissante parole dans la chaire de notre cathédrale pendant cette station de Carême, en vrai et très éloquent fils de saint Dominique.

Aussi, quand le jeune André Hermel, élève de rhétorique, fatigué par des maux de tête tenaces, passa quelques mois dans sa paroisse de Saint-Étienne, pour se reposer chez lui, il apparut à tous comme un clerc né, un bon clerc, destiné par le passé et le présent de son foyer, par sa piété et son goût des choses divines, à la vocation sacerdotale, tant il montrait de zèle à servir à l'autel et à multiplier ses prières, avec ferveur.

Pour raconter sa vie, Nous la ramènerons à deux points. Pendant la première moitié de son existence, il se prépara, au séminaire, au noviciat, dans l'enseignement et le ministère, à la sublime mission que le Seigneur lui réservait et répondit fidèlement à la grâce.

Dans la seconde, il fut le parfait Évêque missionnaire, là-bas, sur l'immense Océan Pacifique, aux antipodes de notre Normandie. In mari viæ tuæ transvexisti per aquam nimiam.

I

En octobre 1884. André Hermel entrait au Petit Séminaire du Mont-aux-Malades. Il avait onze ans. Il vécut de longues années dans cette vaste demeure de l'étude, de la discipline et de la prière, arrachée par la persécution religieuse à Notre diocèse qui en pleure toujours la perte. Berceau de tant de générations saintes, elle y accueillit dans un cadre favorable la jeunesse chrétienne pour qui, laborieusement, jusqu'à la veille de la spoliation, elle fut édifiée, embellie par Nos prédécesseurs et les supérieurs auxquels ils la confièrent ; mais le peuple oublie vite les fautes qui déshonorent certaines pages de notre histoire politique et nos douloureux dépouillements.

Elève laborieux, intelligent, discipliné, André Hermel fit de solides études. L'un de ses maîtres qui le suivit pendant plusieurs années, M. le chanoine Jouen, rend volontiers témoignage à son brillant disciple. Son imagination et sa sensibilité l'inclinaient vers la poésie et les auteurs classiques. Il s'y complaisait avec, bonheur. Aimable camarade, il nouait déjà des amitiés solides, d'un cœur fidèle. Gai sans être bruyant, bon sans être expansif, il ne reculait pas à l'occasion devant des « tours » innocents avec une pointe de malice, mais il ne prenait jamais la tête des équipes bruyantes au jeu et se contentait de les suivre de son mieux.

Sa piété le portait au recueillement. Fidèle à la pratique des sacrements, il se plaisait aux cérémonies de la chapelle et cultivait volontiers la musique religieuse. En entendant les chants de la messe des morts si bien exécutés par les élèves de Notre Grand Séminaire, Nous songions tout à l'heure que du haut du ciel, il entendait, lui aussi, avec consolation, cette prière monter jusqu'aux pieds du trône du Seigneur.

En 1892, à 19 ans, André Hermel entra au Grand Séminaire de la rue Poisson, autre abri cher à de nombreuses générations cléricales, où Nous n'avons jamais pénétré, parce qu'il a été dérobé à Notre diocèse de Rouen. Il s'y appliqua, avec complaisance, à l'étude de la philosophie qu'il devait un jour professer.

Dans ses études ecclésiastiques, il apporta la même conscience, le même souci de s'instruire qu'au Petit Séminaire.

Pourtant d'autres préoccupations naissaient dans son âme. Appelé à l'état religieux, il cherchait sa voie. Prieur du tiers ordre dominicain au Grand Séminaire, il devait laisser ce choix des Frères Prêcheurs à son cadet. Pour lui, l'amour de la solitude, le goût des cérémonies ecclésiastiques et du chant sacré portèrent ses yeux vers les cloîtres bénédictins. Mais l'influence profonde des Directeurs du Grand Séminaire, les Pères des Sacrés-Cœurs de Picpus, leur piété, leur esprit surnaturel, leur culte de l'adoration perpétuelle l'amenèrent à leur Congrégation.

Fils des grands aventuriers, songeait-il déjà que ce chemin serait celui de la mer et des apostolats lointains par delà les océans ?

Le Cardinal Sourrieu hésita longtemps à concéder l'autorisation ardemment sollicitée. Il tenait à vérifier la solidité de cette vocation et sa pleine liberté. Quand en juillet 1895, il l’accorda, la joie ne fut pas pour l'abbé Hermel tout seul. On dit que les Pères du Séminaire firent une neuvaine de Magnificats en actions de grâces. Leur famille religieuse s'enrichissait d'un sujet de première valeur.

Il partit pour l'Espagne, où il fit son noviciat à Miranda de Ebro. Profès en 1896, il continua ses études au Scolasticat de Beire (Vieille Castille), sous le nom de P. Athanase, qu'il garda désormais, sans oublier son glorieux patron, saint André, qu'il invoqua fidèlement en souvenir de son baptême. En juillet 1897, il fut ordonné prêtre dans la vieille et magnifique cathédrale de Burgos. Il avait alors 24 ans.

Quittant l'Espagne, il suivit à Louvain les cours de philosophie de Monseigneur Mercier. Un an après, il revenait au Grand Séminaire comme professeur de philosophie.

Cette formation ascétique et intellectuelle en fit un directeur éclairé et un professeur entraînant. Il aimait ses élèves, les suivait avec intérêt, encourageait leurs efforts, les acclimatait à leur nouvelle vie si différente de celle du Petit Séminaire. Éveillant les intelligences, il formait, en même temps les âmes, afin que, profitant de la liberté relative de la règle, elles eussent de généreuses initiatives pour accroître leur culture et marcher vers la perfection. Nous en avons recueilli le témoignage des lèvres de ses disciples reconnaissants.

En septembre 1901, Waldeck-Rousseau, qui ne mesurait pas les extrémités auxquelles il préparait son parti et qui ne prévoyait pas les excès violents des persécutions combistes, de si douloureuse mémoire pour tous les cœurs français, avait décidé d'obliger les Évêques à confier leurs séminaires à des prêtres séculiers.

Les Picpuciens quittèrent ceux de Versailles et de Rouen et voilà le P. Athanase Hermel, avec son Supérieur, le P. Malige, qui a laissé si profond souvenir chez nous, installé à l'ombre de la chapelle Allemande de l'Immaculée-Conception du Havre. Prédicateur et directeur d'âmes apprécié, il n'y séjourna que quelques mois, au bout desquels le T. R. P. Bousquet, son Supérieur Général, l'appelait près de lui, à la maison Généralice de Paris, pour y continuer le même ministère. Au mois de décembre 1902, il reçut l'obédience qui fixa définitivement sa vie et l'attacha comme missionnaire à Tahiti et à ses archipels.

Les vues de Dieu sur cette âme d'élite éclatèrent dans cette décision inattendue. Il apparut que sa laborieuse préparation tendait à former en notre Père Athanase Hermel, un apôtre de l'Évangile dans les îles lointaines. In mari viæ tuæ… Transvexisti per aquam nimiam.

II

A peine parvenu à la maturité, puisqu'il n'avait pas encore trente ans, le Père Hermel arriva sur le véritable théâtre de son activité sacerdotale. Sicut avis transmigrans de nido suo, sic vir qui derelinquit locum suum (Sagesse). « Comme l'oiseau quittant son nid, ainsi l'homme qui abandonne son pays ». Il prend son essor vers l'inconnu. Dans ce sacrifice gît le premier mérite de la vie missionnaire, prélude de tous les autres. Le fils des hommes de la mer de Fécamp ne pouvait s'en émouvoir. Ce fut pourtant une méritoire séparation de tous ceux qu'il aimait.

À Papeete, capitale des îles Tahiti, Monseigneur Verdier, vicaire apostolique, avait 80 ans. Aussi quelque religieux de la maison mère s'aventura-t-il à dire que le voyageur emportait, sans le savoir, une crosse dans sa valise. À peine débarqué, le P. Hermel perfectionne sans tarder, sa connaissance de la langue anglaise : nous en verrons tout à l'heure la raison. Puis il s'attaque à la langue Canaque, qu'il tient à parler couramment et à posséder à fond. Le missionnaire forge ses armes. Vicaire à la Cathédrale de Papeete, puis curé, il se révèle au vieil Evêque comme un auxiliaire précieux, bientôt comme le bras droit qui lui devient nécessaire.

En effet, moins de trois ans après son arrivée, le Saint-Siège nomme le P. Athanase Hermel Evêque titulaire de Casium et coadjuteur du vicaire apostolique de Papeete. Il a 32 ans et il est le plus jeune évêque du monde. Il poursuivra sa tâche jusqu'à 59 ans et demi.

Il y avait dans l'histoire même de sa famille d'étonnantes prédestinations qui semblaient l'avoir marqué pour Tahiti. Son père, jeune enseigne de vaisseau, avait accompagné l'amiral Dupetit-Thouars dans une de ses expéditions océaniennes. Les îles de la Société avaient été déjà évangélisées par des missionnaires, les uns catholiques, les autres, protestants. Des conflits religieux surgirent et le drapeau tricolore dut apporter la paix en imposant à Tahiti un traité d'amitié avec la France, en 1838.

Ce ne fut qu'une trêve : surgit la fameuse affaire Pritchard, qui souleva tant de colères en Angleterre et fit couler beaucoup d'encre. Le roi Louis Philippe la résolut sans conflits violents, et l'amiral Dupetit-Thouars établit le protectorat de la France sur les îles de la Société en 1842.

Un jour le jeune enseigne de vaisseau Hermel débarquant à Papeete, y fut accueilli avec enthousiasme comme un aimable officier de France, et, dans une fête de la cour, il dansa avec la reine Pomaré. Les indigènes s'en souvinrent opportunément lors du sacre de Monseigneur Hermel et le reçurent avec la plus entière confiance. En retour, le jeune missionnaire eut la consolation de convertir plus tard au catholicisme la dernière reine Pomaré.

Devenu capitaine au long-cours, le père du nouveau coadjuteur avait eu l'honneur d'amener à Papeete, le premier vicaire apostolique Picpussien, Monseigneur Maigret, ancien directeur et professeur au Grand Séminaire de Rouen. Monseigneur Hermel se trouvait donc bien sur une terre prédestinée pour le recevoir ; il en était à l'avance le citoyen, puisqu'il appartenait à une famille amie et hautement appréciée.

La série d'archipels qu'il eut à administrer tôt après la mort de Monseigneur Verdier, sous sa responsabilité personnelle, représentait un domaine très dispersé de 150 îles. Quelques-unes étaient très lointaines. Pour les atteindre toutes, il les avait partagées en cinq sections différentes. Chaque année il consacrait six mois environ à parcourir un de ces secteurs. La superficie totale de ces îles ne dépassait pourtant pas celle d'un département

français. La population n'atteignait pas 30 000 âmes parmi lesquelles 4 500 européens et un millier de chinois.

La plupart de ces petites îles se composent d'un cône volcanique. Elles font partie du Cercle de Feu du Pacifique. Des ceintures de corail les encerclent. D'autres ne sont formées que par les coraux accrochés aux bas-fonds les plus élevés et constituent des anneaux qui finissent par se fermer, des atolls, au milieu desquels se trouve un lagon. Elles se dressent de quelques pieds seulement au-dessus du niveau de la mer et parfois on ne les découvre qu'au moment même d'y aborder.

Pour évangéliser cette poussière d'îles répandue en de vastes espaces, Mgr Hermel frétait de petites goëlettes, ou de grandes barques pourvues d'un moteur à gazoline. Il n'y avait point de cabine, aucun confortable. Dès que la mer était un peu grosse, il devait s'étendre à fond de cale, pour ne pas être balayé par les vagues. Il débarquait du navire accroché péniblement aux atolls, puis, sur les épaules d'un indigène, il était transporté à travers le lagon.

Ces navigations le fatiguèrent d'autant plus qu'il devait rester à jeun pour célébrer la sainte messe en descendant à terre. Arrivé au milieu de ses ouailles, il confirmait, catéchisait, prêchait, baptisait, confessait, mariait, en un mot, administrait tous les sacrements, bien heureux encore s'il ne devait pas subir les controverses soulevées par ces pauvres gens que les protestants avaient troublés dans leur foi.

Que de périls il courut sur ces frêles embarcations dans l'immensité du Pacifique ! Que de tempêtes il essuya dans ces coques de noix !

Quand il rentrait dans son île de Tahiti, à Papeete, il s'installait dans un domaine rural, aux portes de la ville. C'était son Évêché. Il le régissait avec sagesse comme un fermier de son pays de Caux, pour y trouver son entretien et celui de ses prêtres.

Le climat de Tahiti est délicieux mais anémiant. Il ne monte guère au-dessus de 35°, mais ne descend que rarement au-dessous de 20° et jamais au-dessous de 15. Au pied de ses sommets volcaniques et au bord des grandes forêts arrosées par trois rivières, l'évêque reprenait dans l'activité plus calme de sa petite capitale des forces pour ses courses périlleuses et fatigantes.

Outre le ministère qu'il exerçait dans Papeete, il entretenait la culture de son esprit, grâces aux revues de France et aux livres de son excellente bibliothèque. À l'entendre parler de toutes les questions qui passionnaient l'opinion des lettrés et des théologiens de France, personne ne l'aurait cru un vicaire apostolique perdu dans des îles lointaines du Pacifique, parmi des populations souvent primitives.

Souvent des étrangers le visitaient. Les relations de Tahiti avec les terres lointaines sont assurées par deux lignes de navigation, l'une venant de San-Francisco, c'est-à-dire des Etats-Unis, l'autre de Auckland dans la Nouvelle-Zélande. Avec ceux de ces visiteurs et commerçants qui parlaient anglais, Monseigneur Hermel usait de leur langue, ce qui étendait son action apostolique et son influence. Longtemps il évangélisa un petit groupe d'îles purement anglaises qui furent détachées de son vicariat, il y a deux ans. Son autorité doctrinale s'affirmait dans ce milieu mélangé de quelques protestants par des Lettres Pastorales sur la Foi, le Catéchisme, la Presse, l'Église, le Pape, le Protestantisme, par des conférences à la Cathédrale, sur la doctrine, sur l'apologétique, ou sur des questions actuelles comme le Divorce de Paul Bourget, la théosophie, les livres qui causaient le plus de sensation parmi les colons.

Deux revues lui permettaient d'atteindre son peuple, comme nos bulletins paroissiaux mettent nos curés en communication avec leurs ouailles : le Semeur de Tahiti, qui publiait les nouvelles religieuses et traitait les questions du jour, puis une revue en canaque qui s'adressait aux autochtones. En union avec ses missionnaires, il avait mené à bonne fin le colossal travail de la traduction de la Bible dans la langue polynésienne et l'avait fait approuver par le Saint Siège. C'était la première publication de ce genre qui eût paru en Océanie.

À Papeete, il avait organisé deux institutions qui étaient sa fierté et sa consolation, une école de Frères de l'Instruction Chrétienne de Ploërmel pour les garçons et une école de Sœurs de Saint-Joseph de Cluny pour les filles. Dans les îles, il formait sans cesse de nouveaux catéchistes. Il organisait des confréries d'Enfants de Marie, des associations de Mères Chrétiennes, des sociétés d'hommes catholiques. Son culte pour la Très Sainte Vierge, qui tient tant au cœur des Fécampois, se manifestait par le développement de la dévotion mariale dans ses îles.

Sa puissance intellectuelle, bien loin de s'affaiblir, s'affermissait au contraire d'année en année, par la bonne ordonnance de sa vie. Levé tous les jours à quatre heures du matin, il faisait une longue oraison et célébrait la sainte messe avec dignité et profonde piété. Plusieurs heures, chaque jour, étaient consacrées à la lecture, à l'étude, à la correspondance et à la composition. Son jugement sûr ne se troublait jamais : il gardait tout son bon sens cauchois, au milieu des affaires les plus complexes.

Modeste, il avait horreur de la parade et de l'ostentation. S'il était ami du silence et de la solitude, il ne fuyait pourtant pas les relations. Sa bonté gagnait les cœurs, car il s'oubliait lui-même et rendait service avec un parfait désintéressement. Sa sensibilité profonde faisait le bonheur de ses amis, parce qu'elle leur garantissait un commerce sûr et fidèle. Il avait d'étonnantes délicatesses de procédés. Quand nous le retrouvions dans notre pays, nous constations avec bonheur que ses manières, au lieu de subir les atteintes de sa rude vie de coureur de mer, s'affinait encore avec les ans.

Vous étonnerai-je en vous affirmant qu'il servit sa patrie comme un grand français ? Il l'honorait par sa distinction et en tous ses actes il portait la marque de son génie national.

Sans doute son unique préoccupation fut de servir Dieu et l'Église, en Évêque et en Missionnaire, mais sans trahir le culte légitime qu'il professait pour son pays.

Pendant la grande guerre de 1914-18, il fut mobilisé. Dans ces îles où s'exerçaient tant d'influences étrangères, il maintint la confiance en la victoire de la France. Son optimisme soutint le moral des habitants. Quand les navires allemands rôdaient dans le Pacifique autour de ces îles, il fut de ceux qui sauvèrent le territoire de l'invasion. Le Gouvernement reconnut son rôle patriotique par la décoration de Chevalier de la Légion d'honneur.

Grand Français, il se réjouissait quand ses voyages ad limina le ramenaient à Rome aux pieds du Souverain Pontife qu'il vénérait, dans les maisons de sa congrégation, où il goûtait la douceur de la fraternité spirituelle, en sa chère Normandie, où il retrouvait sa famille et ses nombreux amis d'enfance et de jeunesse.

À Fécamp et sur les plateaux de Caux, il oubliait un moment la beauté luxuriante de ses cultures tropicales pour admirer la fécondité de sa terre natale et la richesse de ses moissons.

Lors de son dernier voyage en Europe, chacun de ses amis s'apprêtait à jouir un peu longuement de sa présence. Quelques-uns même se berçaient de l'espoir de le voir prendre un repos que nécessitait une santé gravement atteinte.

Homme de Dieu, il prit d'autres soucis. En secret, il consulta un maître de la science, qui ne lui dissimula pas le mal qui le rongeait.

Alors rapidement il fit ses préparatifs de départ pour souffrir et mourir dans son diocèse. Nous espérions le posséder à nos fêtes magnifiques du Vè centenaire de la mort de sainte Jeanne d'Arc, mais déjà il voguait vers les profondeurs de son Pacifique, calme et abandonné sans réserve à la divine volonté.

Le voilà dans sa cathédrale et son Évêché de Papeete. Un voile s'étend sur son front, le grave souci de se préparer, dans la sérénité de son âme, au grand voyage de l'éternité.

En octobre 1931, il subit une intervention chirurgicale qui ne pouvait le sauver.

Le 5 décembre, dominant ses souffrances, il parut au milieu de son peuple et administra le sacrement de confirmation. La cathédrale était pleine et l'émotion vive. Chacun songeait que c'était peut-être son suprême office pontifical. Il parla d'une voix un peu éteinte et tous les yeux s'emplirent de larmes. Sa prédication, écrit le Semeur de Tahiti, ressemblait à la flamme d'un foyer qui s'éteint et qu'un puissant souffle ravive un moment.

Le 26 janvier 1932, il demanda et reçut les derniers sacrements. Cependant il eut encore la force de tenir jusqu'au 20 février où il rendit le dernier soupir, dans la 59° année de son âge, la 35° de son sacerdoce, la 27° de sa Consécration épiscopale. Justorum animæ in manu Dei sunt. (Sagesse III, I).

Aujourd'hui, dans la messe que chantait tout à l'heure mon Vicaire Général, Monsieur le Chanoine Bertin, la sainte liturgie nous racontait la résurrection de Lazare. Dans cet entretien sublime de Jésus avec Marthe et Marie, il n'est question que d'immortalité. Celui qui croit au divin Maître et se confie à Lui ne meurt pas, ou s'il meurt il revit. Celui qui, dans cet épisode émouvant, crie à son ami : Lazare, veni foras ! « Lazare, sors du tombeau ! » ne nous arrache pas tous à notre sépulcre, mais il convie tous ses fidèles serviteurs à prendre place dans son royaume. Il les invite au banquet de l'éternelle vie. Ainsi de Monseigneur Hermel, Évêque titulaire de Casium, Vicaire Apostolique de Tahiti que nous pleurons.

Son corps repose là-bas, dans sa Cathédrale, au milieu de l'Océan Pacifique et ses diocésains gardent ses restes avec vénération. Quant à son âme de bon serviteur de l'Église, elle vit là-haut dans le sein de Dieu qu'il a tant aimé et pour lequel il a vaillamment travaillé jusqu'au bout de son sillon. Etiamsi mortuus fuerit, vivet. Saluez-le. Il vit dans la gloire. Ainsi soit-il.

26 janvier 1935

 

21 septembre 1935

 

4 septembre 1937

 

30 décembre 1939

 

19 octobre 1940

Bulletin religieux de l’Archidiocèse de Rouen du 19 octobre 1940 p.510

LES ÉVÊQUES ORIGINAIRES DU DIOCÈSE DE ROUEN

Par bref du 15 mai 1905, le R.P. Athanase-André HERMEL, frère de notre ancien confrère et ami de toujours, le R.P. Hermel des Frères prêcheurs, fut nommé Évêque titulaire de Casium et coadjuteur de Mgr Verdier, Vicaire apostolique de Tahiti. Mgr Hermel appartenait à la Congrégation des Sacré-Cœurs de Picpus, ou il était entré, après ses études au Petit et au Grand-Séminaire de Rouen. Sacré à la Cathédrale de Papeete, le 27 août 1905, Mgr Hermel, né à Fécamp, en 1873, était à cette époque le plus jeune Evêque du monde. Il mourut à Papeete, après vingt-six ans d'épiscopat.

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