La Croix – 5 décembre 1914 p.6
Mgr Hermel à Tahiti
Mgr Hermel, vicaire apostolique de Tahiti, est mobilisé. On a eu la délicatesse de lui assigner les fonctions d’aumônier militaire pour son diocèse même. Or, la guerre s'est portée une fois jusqu’en Tahiti, chacun le sait. Deux croiseurs allemands bombardèrent le 22 septembre Papeete, sa ville épiscopale. Tout un quartier fut incendié. La petite garnison tahitienne ayant riposté par une canonnade, l’ennemi crut à des troupes nombreuses et partit. Cet événement fit paraître le courage des courageux, mais suscita aussi chez quelques autres une panique exagérée. Ceux-là eussent voulu qu'on s’abstint de toute résistance. « Si le fait du 22 se reproduit, laissons-nous rançonner sans mot dire ; toute défense de notre part serait folie. Notre poignée de soldats peut-elle être opposée à la puissante armée allemande ? » Ainsi parlaient-ils.
Le dimanche suivant, Mgr Hermel prêcha dans sa cathédrale. Ce fut pour rendre honneur aux autorités civiles et militaires qui avaient décidé la résistance des jours précédents ; ce fut aussi pour montrer les raisons de la mesure prise et pour faire la leçon aux timides. Cette leçon fut paternelle, mais précise. Aussi, l'évêque en fut-il remercié chaleureusement par l'officier de marine qui commande à Papeete. Sa lettre est trop élogieuse, dit le Bulletin religieux de Rouen, pour qu'on n'en soit pas fier à Rouen, à Fecamp, au pays qui a donnée à Tahiti son vicaire apostolique.
L’officier loue d'abord le dévouement du clergé, « prêtres et Frères ». Puis Il
Ajoute :
« En ce qui vous concerne personnellement, Monseigneur, je ne puis que vous témoigner ma respectueuse admiration et vous remercier au nom de l'armée dont je suis le représentant.
Pour vous rendre au poste le plus dangereux où vous appelait votre devoir d'aumônier militaire, vous avez gravi sous le feu de l'ennemi la pente entière, découverte, exposée, qui mène aux batteries. Une fois arrivé, vous avez contribué puissamment par votre autorité morale et votre courage, au maintien du calme et du sang-froid.
Hier encore, du haut de la chaire, dans un élan oratoire, illuminé du plus pur patriotisme, vous avez su dire comment Papeete, par son attitude ferme et courageuse, a évité la honte d'une capitulation ennemie. Vous n'avez pas hésité à stigmatiser ceux qui, avant l'alerte, parlaient de se rendre, et qui, après l'alerte, critiquent les mesures prises ; ces mauvais français n'ont cessé d'exercer leur détestable influence que pendant le combat : à ce moment ils avaient fui.
Je vous remercie de ces paroles qui prenaient dans votre bouche une singulière autorité, du fait même que vous aviez su les faire précéder par des actes.
Et il signe : « Le commandant des troupes : Destremeau, lieutenant de vaisseau. »