Tahiti 1834-1984 - Chap. XIX

Chapitre 19

Église locale  en état de synode

[pp.413-433]

 

Étapes principales

Plus qu'une chronologie détaillée que l'on trouve dans les annexes, l'introduction qui précède situe le contexte d'ensemble où évolue l'Église locale en Polynésie face aux défis de l'horizon 2000. Avoir un pied en Océanie et un pied en France est instable et malaisé pour Tahiti. L'Église, dans ce monde en évolution rapide, est à la fois catholique, « se faisant tout à tous », et locale, vivant l'aujourd'hui de Dieu dans un peuple donné et dans un lieu déterminé. L'Universel devient angélisme ou idéologie s'il n'est pas incarné dans le particulier ; le particulier devient secte, ghetto ou nationalisme s'il n'est pas ouvert sur la fraternité universelle. Telle est la mission permanente de l'Église, « Corps du Christ qui rassemble dans l'unité les enfants de Dieu dispersés ». Telle est l'exigence évangélique à laquelle l'Église catholique à Tahiti est particulièrement attentive. Elle n'a pas choisi la mutation socio-économique présente ni le brassage des cultures et des hommes ni la crise de civilisation. Plus qu'ailleurs, dans la fidélité à son identité universelle, elle doit être à la fois un espace de liberté personnelle et un lieu de communion fraternelle. Une et plurielle, telle est la situation que ses 50 000 fidèles ont à vivre ensemble dans la petitesse des îles polynésiennes, depuis vingt ans surtout.

Trois étapes principales marquent la période actuelle : le Concile Vatican II, les Synodes diocésains, le Renouveau spirituel et missionnaire.

 

- Le Concile

Le 21e Concile œcuménique, annoncé par Jean XXIII le 25 janvier 1959, convoqué le 25 décembre 1961, s'ouvre le 11 octobre 1962. Environ 2 300 participants suivent les quatre sessions qui s'achèvent le 8 décembre 1965. Le 21 juin 1963, Paul VI a succédé à Jean XXIII décédé Ie 3 juin précédent. Ce dernier, « obéissant à une inspiration surnaturelle pour donner à l'Église catholique et à toute la famille humaine un nouveau Concile œcuménique », le définit comme une « nouvelle Pentecôte » ouvrant les portes et les fenêtres de l'Église sur un monde en mutation radicale. C'est un « aggiornamento », une « mise à jour » des sources de la foi ; c'est un ressourcement évangélique et un renouveau spirituel[1].

Avec Mgr Louis Tirilly des Marquises, Mgr Paul Mazé participe fidèlement à tous les travaux du Concile. Il est âgé de 77 ans à l'ouverture de Vatican II ; il a 52 années de vie missionnaire derrière lui, dont 23 d'épiscopat. Sa vénérable figure de « patriarche du Pacifique » est vite célèbre et Paul VI l'invite même à présider une des liturgies solennelles du Concile. Durant le déroulement des sessions « il est une oreille qui écoute ».

Son lointain Vicariat suit les travaux surtout par les journaux et les revues. La « mise à jour des sources » s'y fait paisiblement et dans la fidélité à l'Église, selon une des caractéristiques principales de la Mission en Polynésie que nous avons déjà notée à plusieurs reprises. Mais, en même temps, Mgr Mazé se rend bien compte qu'il lui faut préparer sa succession. Son explication du budget de 1961 montre ce souci de laisser une situation viable et saine. En application des décisions conciliaires sur les « églises locales ou particulières », les Vicariats Apostoliques de Tahiti, des Marquises, des îles Cook deviennent, le 21 juin 1966, des diocèses de plein droit. Papeete est archidiocèse (comme les deux autres grandes capitales Nouméa et Suva) avec Taiohae comme suffragant ; Mgr Paul Mazé est le premier archevêque de Tahiti et Mgr Louis Tirilly premier évêque des Marquises. Dans ces années conciliaires où il prépare progressivement sa succession, Mgr Paul est moins le berger qui marche en avant que le pasteur qui se situe au centre de son peuple. Il fait confiance à chacun pour marcher à son rythme propre dans l'Église ; il laisse chacun se situer en Église dans ses responsabilités particulières. Si ce style imposé par le grand âge et les événements de la transformation rapide de Tahiti depuis 1962, met certains mal à l'aise qui voudraient plus de fermeté et de directives, il faut reconnaître que c'est aussi un passage tranquille vers une Église-communion selon la théologie du « Peuple de Dieu » remise en valeur par le Concile.

Pour envisager sa succession dans la perspective d'une plus grande localisation de l'Église, Mgr Mazé avait la joie de compter non seulement sur les missionnaires des Sacrés-Cœurs, fondateurs de la Mission, mais aussi sur trois prêtres diocésains : les deux frères Coppenrath, Michel et Hubert de retour à Tahiti depuis 1959 et Lucien Law qu'il avait ordonné en 1964. Un quatrième se préparait à Nouméa : Norbert Holozet qui sera ordonné en 1968. En novembre 1966, Mgr Paul associe de près l'abbé Michel Coppenrath à la gestion du diocèse de Papeete en le nommant Vicaire Général. Les consultations entreprises pour la succession portent, avant le choix du candidat, sur une question fondamentale : la Congrégation des Sacrés-Cœurs qui a fondé la Mission le 7 août 1834 doit-elle et souhaite-t-elle en garder la responsabilité principale depuis que Tahiti est devenu un diocèse ? Nulle part et dans aucun domaine le passage d'un « tutorat » à la pleine responsabilité de ceux qui ont été formés n'est aisé, surtout lorsque les anciens missionnaires restent sur place en devenant des partenaires. Il convient de saluer le désintéressement unanime des religieux des Sacrés-Cœurs et de Mgr Paul Mazé proposant et accueillant la nomination de Mgr Michel Coppenrath. C'est le signe le plus manifeste de la réussite de leurs efforts que de voir un tahitien devenir archevêque de Papeete ; c'est aussi le départ d'une étape nouvelle.



[1] LŒW-MESLIN : Histoire de l'Église par elle-même, pp. 528-588.

 

- Les synodes

La nomination de Mgr Michel Coppenrath, datée du 16 février 1968, est publiée le 25 mars. C'est le 3 juin que Mgr Mazé sacre son coadjuteur et futur, successeur et qui a la pleine administration de l'archidiocèse de Papeete. Mgr Michel devient le second archevêque de Papeete le 5 mars 1973. Son prédécesseur se retire discrètement au presbytère de Taravao ; il meurt le 21 décembre 1976 au terme d'une vie missionnaire de 66 ans dans les îles polynésiennes.

La période qui s'ouvre est dominée par les Synodes diocésains et la création de diverses structures de participation. Il s'agit de s'adapter à l'Église d'après le Concile Vatican II et de faire face à la transformation accélérée de la Polynésie. Signalons simplement les principaux événements de cette étape synodale dont le contenu sera analysé tout au long des chapitres qui viennent. Le P. Xavier Baronnet, jésuite, anime le premier Synode diocésain qui tient sa session plénière en août 1970. Le Conseil presbytéral en est issu, de même que l'Association du Monde des jeunes et le centre diocésain de catéchèse. En 1973, le diocèse organise par lui-même un second Synode dont est issu le Conseil pastoral. Cette démarche de concertation de type synodal est reprise en 1978 sous forme d'une année de « Révision Apostolique » qui fait le point de l'action missionnaire des diverses composantes du diocèse ; l'Union de supérieurs religieux se constitue à ce moment-là. Dans les années 1980, divers comités de coordination pastorale voient le jour, pour l'enseignement catholique en 1979, la Pastorale familiale en 1980, le développement en 1982. Le P. Baronnet, à la demande de Mgr Hervé Le Cleac'h, organise le Synode du diocèse des Marquises en 1978.

Parallèlement aux organismes pour une meilleure communion en Église, un effort important se fait pour former les divers responsables du peuple chrétien. En 1970 s'ouvre l'école des « katekita » pour former les leaders des petites communautés dispersées dans les îles ou les vallées. Avec le Centre de catéchèse ouvert en 1971, s'inaugurent de multiples sessions pour former et soutenir les catéchètes scolaires et paroissiaux ; la fondation, en 1974, de la librairie diocésaine « Pureora » vient étoffer le service de catéchèse. Janvier 1976 voit l'ouverture de l'école des diacres permanents ; les 4 premiers sont ordonnés en février 1979, suivis de 3 autres en 1981.

L'important effort entrepris par Mgr Mazé pour accueillir et former les vocations consacrées, en plus des divers ministères précédents, est poursuivi et amplifié. Le 21 décembre 1968, Norbert Holozet, formé au Séminaire Saint Paul de Nouméa, est ordonné prêtre. En 1972, une équipe de Filles de la Charité du Sacré-Cœur de Jésus, venant de Sherbrooke au Québec s'implante dans le diocèse. En 1981, un groupe de Clarisses de Lennoxville arrive pour lancer la vie contemplative. Une communauté de Frères du Sacré-Cœur de Québec s'établit à Mangareva en 1982 au service du développement global des archipels éloignés. Ces nouvelles arrivées qui portent à dix le nombre des Congrégations religieuses établies dans le diocèse de Papeete, s'accompagnent d'un important effort au service des foyers d'accueil pour les jeunes en recherche d'une vocation consacrée dans l'Église : foyer de jeunes filles du Bon Pasteur en 1971, noviciat de Cluny en 1977, séminaire Jean-XXIII en 1979, noviciat des Filles de Jésus Sauveur en 1980, foyer d'accueil de jeunes filles à la Mission en 1981, foyer « Epifania » des missionnaires des Sacrés-Cœurs en 1982. Les premiers engagements de polynésiennes dans la vie religieuse et diverses entrées au noviciat sont des signes encourageants pour l'avenir.

L'animation pastorale et spirituelle du peuple chrétien se réalise par des récollections, retraites, sessions, séminaires de plus en plus nombreux organisés par les divers mouvements de jeunes (A.M.D.J., M.E.J., scoutisme...), d'apostolat (Légion de Marie, Association Familiale Catholique, Rosaire Vivant...) et le « Renouveau charismatique » depuis 1978. Les deux journaux diocésains (« Semeur » et « Vea Katorika ») voient leur action amplifiée par la création d'un studio de Radio en 1961 qui s'adjoint la Télévision en 1967 ; ce studio diocésain diffuse ses émissions religieuses sur les antennes publiques de F.R. 3 devenu R.F.O. en 1983.

- Le Renouveau

La grande mission d'évangélisation organisée par le « Renouveau dans l'Esprit » et animée par le P. Emilien Tardif du 21 octobre au 14 novembre 1982 est tout ensemble le couronnement - inattendu par son ampleur - des 14 années d'efforts de la période précédente enracinée dans la longue fidélité eucharistique et l'entrée dans une étape nouvelle[2]. Comme Mgr Michel le constate lors du Conseil presbytéral du 12 janvier 1983, « les objectifs fixés par les Synodes de 1970 et 1973 sont atteints, avec plus ou moins de succès selon les cas. Le “renouveau spirituel” sous ses diverses formes nous précède et nous bouscule. Désormais nous entrons dans l'après-synode ». En même temps la Polynésie qui « n'est plus une île » se trouve, bon gré mal gré, impliquée dans la crise économique, politique, sociale, culturelle du monde actuel. Même si, sur certains plans et dans divers aspects, elle est plus protégée et « invulnérable » que des pays plus vastes, elle n'échappe pas à la « crise des valeurs » et aux interrogations éthiques de notre fin de civilisation. Dans un esprit de « partage » de ce qu'on est d'abord, de ce qu'on a ensuite, il convient de tout réévaluer[3]. Ce n'est plus une « querelle des anciens et des modernes » dans une société reconnue et simplement à adapter ; c'est un « renouveau » profond et global qui est à lancer dans un monde où tout bouge et où tout se veut en novation. Il nous faut entreprendre une réflexion en profondeur sur un monde nouveau qui naît. Si chacun peut constater que Dieu agit directement par la puissance de son Esprit qui convertit les cœurs pour vivre avec Jésus, les disciples doivent agir et témoigner comme le Christ nous en a donné l'exemple; comme à la Pentecôte, conversion est indissociable de mission.

En marche vers l'an 2000 et les horizons nouveaux qui se profilent, les chrétiens revitalisés et rénovés peuvent infuser un dynamisme plus spirituel pour le service de l'Homme tout entier dans les divers domaines où se joue l'avenir : la culture, l'économie, le social, la politique, l'éducation, la recherche... S'il n'y a pas de politique ou d'économie chrétiennes, si l'homme est pleinement responsable de ses choix pour « dominer la terre », il y a certainement une manière chrétienne, conforme à l'exemple de Jésus, de faire de la politique, de l'économie, du social, du culturel, de l'éducation... Car rien de ce qui est vraiment humain n'est étranger aux valeurs de l'Évangile. « La gloire de Dieu c'est la vie des hommes ; et la vie des hommes c'est de voir Dieu » (saint Irénée).

 


 

[2] Voir les relations dans le Semeur Tahitien (novembre 1982), n. 21 et 22.

[3] Mgr COPPENRATH : lettre pastorale « Partager, toujours partager » (4-10-1982) ; Semeur, 1982, n. 18.

Les synodes diocésains

Les Synodes tenus dans les diocèses de Tahiti et des Marquises ont constitué les moyens privilégiés pour assurer la mutation de l'Église catholique en Polynésie dans la fidélité au Concile Vatican II. L'archidiocèse de Papeete en a tenu deux : 1970 et 1973, prolongés par l'année de « Révision Apostolique » en 1978 ; le diocèse de Taiohae en a tenu un en 1978[4].

 


 

[4] Les actes et minutes des Synodes constituent une importante documentation aux Archives diocésaines de Papeete et de Taiohae. - Voir aussi les dossiers : BARONNET, BOULARD... Répertoire des Archives de Papeete n. III : A. COOLS, Papeete, Rome (22-5-1981).

- Synode de 1970 à Papeete

La session plénière du premier Synode catholique en Polynésie s'est déroulée du lundi 27 juillet au samedi 1er août 1970 dans la grande salle de la paroisse Sainte-Thérèse de Papeete, l'O.P.E.L. L'assemblée des 250 délégués synodaux, dont 70 % de laïcs, était présidée par Mgr Paul Mazé, assisté de Mgr Michel Coppenrath, archevêque-coadjuteur et administrateur apostolique du diocèse. Des représentants de l'Église Évangélique de Polynésie française, conduits par leur Président, le Pasteur Samuel Raapoto, ont participé aux cérémonies d'ouverture et de clôture. Les travaux de l'assemblée étaient animés par le P. Xavier Baronnet, jésuite du Centre de Recherche et d'Action sociales ; Mgr Michel l'avait chargé de la préparation et du déroulement de ce premier Synode diocésain qui constituait une grande aventure spirituelle et pastorale pour tous. Pour la première fois, selon l'enseignement du Concile récent et pour mieux vivre en conformité avec l'Évangile, les catholiques en Polynésie mettaient en commun leur vie chrétienne dans la situation actuelle d'un Territoire en profonde mutation.

Ce premier Synode diocésain est l'aboutissement de plusieurs rencontres et d'une maturation de plus de deux années. En mars 1968, le chanoine Boulard, responsable de la « Pastorale Diocésaine d'Ensemble » en France, annonce à Mgr Mazé, dont il garde un excellent souvenir depuis le Concile, que les évêques du Cambodge et du Laos le demandent pour faire un travail de sociologie religieuse. Il se propose de rentrer à Paris par Tahiti ; il lui offre ses services à l'occasion de cette escale de plusieurs jours. Le P. Boulard renouvelle en avril son offre à Mgr Coppenrath qui vient d'être nommé archevêque-coadjuteur et administrateur apostolique de Papeete. L'accord est conclu dès le mois de mai. Mgr Michel, qui connaît déjà le P. Boulard, lui demande de proposer « le choix d'une méthode sociologique adaptée à des îles dispersées et à des missionnaires peu nombreux, de former ceux-ci à la méthode retenue et à son interprétation ». Dès le mois de septembre 1968, le chanoine Boulard assure la retraite diocésaine et une session où il lance l'enquête de sociologie religieuse sur la pratique de la foi et les familles catholiques. Le P. Boulard prévoit de revenir à la fin de 1969 pour tirer les conclusions de cette enquête et dégager des orientations pour une réflexion pastorale adaptée à la situation découverte. Mgr Michel pensait avoir le temps de dépouiller les milliers de fiches récoltées. Devant l'impossibilité de mettre les résultats sur ordinateur pour des raisons de discrétion et suite au manque de temps, il se décide à faire appel au P. Baronnet, jésuite « nomade de l'Action Populaire » dans les pays francophones et qui était déjà passé à Tahiti en 1965. Le père et son provincial étant d'accord, le P. Xavier se met au service du diocèse de Papeete du 10 octobre 1969 au 30 avril 1971. Devant l'intérêt et l'ampleur des questions soulevées par l'enquête dont le chanoine Boulard vient tirer les enseignements en décembre 1969, Mgr Coppenrath décide de convoquer un Synode « pour associer tout le diocèse à la recherche ».

Avec la maîtrise, l'organisation et la ténacité qu'on lui connaît, le P. Baronnet assure le secrétariat général du Synode. La préparation est méthodique pour aboutir à l'assemblée synodale convoquée en session du 27 juillet au 1er août. Le premier document, daté du 9 avril 1970, explicite les objectifs.

« L'évolution considérable en tous domaines, économique, social, culturel, etc., qui s'est produite dans le Territoire depuis une dizaine d'années, et la nécessité d'y adapter notre pastorale à la lumière des enseignements du Concile, invitent à prolonger le travail important d'enquêtes socio-religieuses... et à l'étendre au plus grand nombre...

Une première réunion au début d'avril en définit le thème : « Notre vocation de chrétien, aujourd'hui, en Polynésie »...

1. La vocation : « Tous appelés » !

Le langage courant réserve trop souvent le terme vocation aux seuls prêtres et religieux. Or tous les hommes sont appelés à devenir fils de Dieu ; nul que le baptême a agrégé à l'Église, que l'Esprit-Saint a confirmé, ne peut refuser d'entendre l'appel de Dieu à vivre et à annoncer l'Évangile... Nous sommes tous responsables d'une vie d'Église vraiment communautaire qui permette d'entendre l'appel de Dieu et d'y donner réponse... dans le concret des conditions de vie et des occasions de dévouement.

2. Une vocation commune : « Appelés ensemble ».

Même en Polynésie, isolé sur le plus lointain des atolls, nul n'est une île. La vocation, service d'Église, est toujours à recevoir au sein d'une communauté. La réponse n'est vraie que donnée et approfondie dans une prière, un dialogue, une recherche menés ensemble...

3. Une vocation manifestée par les « signes des temps » : « aujourd'hui, en Polynésie ».

La vocation n'est pas donnée une fois pour toutes... Elle demande que nous soyons attentifs, personnellement et ensemble, en Église, aux événements, aux faits de vie, aux problèmes qui se posent, à l'évolution économique, sociale, politique, culturelle, à tout ce qui se passe dans le Territoire et, dans une certaine mesure, dans le monde ; ce sont autant de "signes des temps", d'appels de Dieu dans le concret de l'existence...

Une note pratique accompagne la présentation doctrinale du thème qui est enracinée dans la Bible et le Concile. Dates, horaires, lieux, secrétariat sont précisés. Le P. Baronnet, aidé des PP. Laporte et Holozet et d'autres personnes selon les sujets et les circonstances, coordonne l'exécution du programme de recherche. Celui-ci comporte une analyse « des hommes aujourd'hui en Polynésie » : évolution, situation, perspectives, démographie, migrations, vie sociale, l'économie, la famille, l'éducation. Un second secteur étudie « nos vocations propres dans ce monde » pour annoncer et témoigner de l'Évangile en liens les uns avec les autres. Un troisième volet porte son attention sur « les appels concrets de Dieu, manifestés par les "signes des temps" dans l'aujourd'hui polynésien ».

Si tous les pères, frères et religieuses sont invités, les curés sont priés de déterminer « les laïcs les plus capables de tenir un rôle actif, à raison de un représentant pour 200 catholiques adultes ou nombre inférieur pour les petites paroisses. Il est très souhaitable que ces représentants soient mandatés par leur communauté ». Deux questions particulières se posent : la participation des îles éloignées de Tahiti et la traduction en tahitien.

On se doute bien qu'une telle entreprise qui mettait l'ensemble du Peuple de Dieu devant les exigences de l'Évangile, actualisées par le Concile, face aux mutations profondes de la Polynésie et aux nouveautés du témoignage des chrétiens, ne fut pas facile. Réunions, sessions, récollections se multiplient. Le 9 juillet voit la parution du 15e document préparatoire. Beaucoup ont du mal à saisir le sens d'un tel effort. « Ce souci de l'Église de Polynésie de participer, par le Synode, au grand effort de l'Église Universelle d'adaptation au monde moderne et de Renouveau ouvert par le Concile » est difficile (Doc. 10 du 10-6-70). Prédications, efforts de prière, rencontres d'information et de sensibilisation se multiplient ; les deux journaux diocésains, les émissions catholiques de la Radio et de la Télévision sont mobilisés.

Combien de personnes ont été touchées lors de la préparation ? Pour réaliser l'enquête sur la vie des familles, chaque prêtre devait visiter toutes les maisons où il y avait au moins un catholique et remplir une fiche. Sur les 39 170 catholiques recensés en 1971 - dernier recensement où l'appartenance religieuse fut demandée officiellement – 26 013 personnes ont été contactées dont 21 567 catholiques, soit 55 % du chiffre donné par le recensement de 1971. N'oublions pas que plus de la moitié de la population a moins de 20 ans[5]. Les catholiques touchés représentent 5 089 familles, 12 126 plus de 15 ans et 9 441 plus jeunes. Sur ces familles, 2 872 sont mariées religieusement, les autres sont en concubinage, en adultère ou en situation non précisée. Ces chiffres manifestent une des questions majeures de la Polynésie : la faiblesse des familles chrétiennes par rapport à la vie en couple.

Le 27 juillet ce sont 266 délégués qui participent au Synode présidé par Mgr Paul Mazé, archevêque de Papeete et Mgr Michel Coppenrath, son coadjuteur et administrateur du diocèse. Il y a 86 prêtres, religieux et religieuses (32 %) et 180 laïcs (68 %). La grande majorité réside sur l'île de Tahiti ; cependant 18 viennent des Iles-sous-le-Vent, des Australes et des Tuamotu-Gambier auxquels se sont adjoints 4 religieux du diocèse des Marquises. Le Délégué Apostolique de Wellington, Mgr Etteldorf avait envoyé tous ses encouragements et signalé que Rome était très intéressé par les travaux de ce premier Synode dans les îles du Pacifique.

La vaste assemblée est répartie en 7 commissions pour étudier les trois objectifs du Synode : changements en Polynésie, évangélisation de la vie des hommes, participation des chrétiens à l'apostolat. La première commission étudie « les exigences du développement et les principaux problèmes sociaux ». Elle comporte 34 membres : 24 laïcs et 10 religieux. Elle centre son attention sur l'alcoolisme (fléau majeur de la Polynésie), l'urbanisation, l'immigration, l'habitat et l'enfance inadaptée. Elle soumet à l'Assemblée la création d'un secrétariat social, l'éducation de la responsabilité personnelle, l'action contre l'alcoolisme et l'attention aux adolescents.

La seconde commission approfondit les questions de la famille. 40 participants la constituent : 29 laïcs et 11 religieux. Elle analyse les 4 principaux types de familles : maohi, demi, chinois, métropolitain. Le sacrement de mariage, la vie du couple, les rapports parents-enfants, les questions de l'adoption, l'autonomie financière des jeunes, l'éducation sexuelle sont approfondis par divers groupes de travail. Devant la gravité des thèmes abordés, la commission familiale propose à l'Assemblée la création d'un Organisme pour former les jeunes et préparer au mariage, soutenir les foyers constitués et les mouvements familiaux ; elle engage l'Église à entreprendre une action vigoureuse d'information et de formation sur les questions sexuelles et familiales ; elle demande la création de centres de formation professionnelle pour les 14-17 ans à l'abandon après la scolarisation obligatoire.

La troisième commission s'occupe du « monde des jeunes ». Elle regroupe 56 personnes : 42 laïcs et 14 religieux. La transformation rapide de la Polynésie pose de graves questions aux participants : la scolarisation accélérée et la masse des jeunes « qui n'arrivent pas », même au certificat d'études primaires ; la culture et les cultures en Polynésie ; les loisirs et l'instabilité des jeunes ; la sexualité, les relations avec les adultes : autorité, dialogue, argent. Devant tant de questions, à la fois permanentes et neuves, la commission demande au Synode de créer un « Comité Diocésain pour le monde des jeunes » ; son but serait d'épanouir, de coordonner, d'engager les jeunes et tous les responsables au service de la jeunesse dans l'Église. De plus il est souhaité une attention particulière aux jeunes qui sortent du Primaire sans aucun bagage et un assainissement des divers spectacles, fêtes. Enfin une nouvelle session du Synode est souhaitée pour élargir la représentation des jeunes et approfondir les questions posées par ce « monde des jeunes » si développé en Polynésie (52 % de moins de 20 ans en 1977).

Les 26 participants de la 4e commission : 11 laïcs et 15 religieux traitent de « la vie de l'Église ». Ils constatent que le « renouveau liturgique semble plaire à l'ensemble du peuple chrétien ». La commission réfléchit sur les éléments qui « favorisent une participation plus active » de tous aux célébrations. On ne veut plus « assister mais participer » : équipes liturgiques, chants, lectures bien sonorisées... Les membres du groupe étudient dans le détail la vie, les structures, les moyens des paroisses : visites des familles, réunions de quartiers, conseil paroissial, catéchistes, mouvements et groupes. Le groupe propose au vote de l'Assemblée synodale l'organisation des Conseils paroissiaux, la création des équipes liturgiques, la reconnaissance des quartiers comme unités de base et la possibilité de la messe dominicale anticipée au samedi soir en zone urbaine.

La 5e commission s'occupe des « moyens de communication sociale » ; elle regroupe 15 participants : 5 laïcs et 10 religieux. Ceux-ci réfléchissent sur l'impact considérable des nouveaux médias audio-visuels qui complètent les deux journaux diocésains fondés en 1909 : « Semeur » et « Te Vea ». La diffusion rapide depuis 1960 des quotidiens, de la Radio en français et en tahitien, de la Télévision, du transistor, des bandes dessinées... pose des questions nouvelles pour l'évangélisation, même dans les îles les plus reculées. La Commission propose au Synode la « mise en place d'un centre catholique de documentation et d'information » dans un but surtout d'éducation des jeunes et des parents.

La 6e commission regroupe 25 personnes : 15 laïcs et 10 religieux pour approfondir « la formation des cadres » dans le diocèse. C'est surtout la question des « catéchistes » et des « animateurs » (jeunes, liturgie, groupes spirituels, culture, loisirs...) qui retient l'attention des participants. Le groupe insiste sur « la question vitale du Comité paroissial », D'où la proposition au Synode de créer un centre diocésain responsable de la formation des animateurs, une direction diocésaine de la catéchèse, un comité pour les colonies de vacances. De plus la Commission souhaite l'organisation régulière de récollections, retraites à tous les niveaux de la vie du diocèse.

La 7e commission, chargée d'analyser la difficile situation « des îles et du monde polynésien », voit la participation de 70 membres : 54 laïcs et 16 religieux. La migration accélérée des insulaires vers Tahiti, le fléau de l'alcoolisme en milieu maohi, la délinquance juvénile, la pastorale des îles qui n'ont pas de prêtre à demeure... autant de thèmes de grande actualité. Aussi la commission soumet au Synode une orientation fondamentale : « l'Église en Polynésie doit considérer comme l'une de ses tâches les plus importantes, l'étude et la mise en œuvre d'un programme de développement des archipels extérieurs. Il ne s'agit pas seulement de réclamer un effort des autorités publiques ; il faut surtout aider la population de ces îles à se faire les principaux acteurs de leur propre développernent. »

Le P. Xavier Baronnet restera encore neuf mois pour assurer la mise en place des décisions synodales, aider à la création des divers organismes demandés, assurer la coordination pastorale des efforts de « renouveau » attendu. La Commission permanente du Synode fonctionne alors comme Conseil Pastoral diocésain. Le Conseil presbytéral - qui s'identifie de fait au presbyterium vu le petit nombre des prêtres - est créé en 1970 ; cette même année, le P. Hubert fonde l'école des « katekita » et l'abbé Paul Cochard, premier prêtre « fidei donum » d'Angers arrive en novembre pour lancer le centre diocésain de catéchèse. En février 1971, l'Association du Monde des Jeunes (A.M.D.J.) est lancée; le studio pour les émissions Radio, puis ensuite Télévision, est installé dans les caves de l'Evêché : c'est le Centre Tepano Jaussen. La créativité liturgique, en particulier en langue tahitienne, s'épanouit rapidement ; divers compositeurs locaux sont heureux d'apporter leur concours au renouveau liturgique. Ainsi, sans heurts majeurs grâce au Synode de 1970, le Peuple chrétien se met en route progressivement dans le monde de ce temps.



 

[5] P. O'REILLY: Tahiti, la vie de chaque jour. Nouvelles éditions latines, Paris 1982, p. 99. 57 286 protestants (50%) ; 39 170 catholiques (34%) ; 3 570 mormons (3,2%) ; 3 282 sanitos (2,9%) ; 2 652 adventistes (2,3%) ; 5 435 « sans religion » (4,7 %) ; 1.871 divers (l,6 %). Recensement de 1971 : 113 266 habitants en Polynésie.

 

- Synode de 1973

Le second Synode de l'archidiocèse de Papeete, lancé le 3 décembre 1972, a tenu sa session du 27 au 31 août 1973. Certains, particulièrement le « Monde des Jeunes » le souhaitaient dès la clôture du premier. Le Synode, selon l'étymologie, signifie faire « route ensemble ». Le premier était une innovation totale. Une minutieuse enquête socio-religieuse, animée par deux spécialistes : le chanoine Boulard et le P. Baronnet, l'avait préparé. Sept commissions avaient réfléchi, travaillé, émis des vœux. Autour du Conseil Pastoral directement issu du Synode, les objectifs prévus commencent à se réaliser. Si certains sont aisés à obtenir, d'autres se heurtent à de multiples difficultés : départ du P. Cochard, instabilité des jeunes, lenteurs inévitables, personnel restreint. Aussi, dans la ligne du Concile et « en vue d'une application plus exacte de l'Évangile à tous les aspects de la vie présente », Mgr Coppenrath convoque en réunion générale le Conseil Pastoral le 25 octobre 1972. Sur les 65 membres, 42 sont présents pour débattre la question du « lancement d'un deuxième Synode diocésain ». Les participants approuvant à l'unanimité l'idée et devant l'impossibilité de trouver un animateur extérieur - le P. Baronnet était retenu à Nouméa pour le Synode de Nouvelle-Calédonie - le diocèse décide d'entreprendre le travail par lui-même. Le but est moins la nouveauté que la « précision et l'approfondissement des orientations » du premier Synode dans un sens plus missionnaire.

Les trois étapes restent les mêmes : longue préparation pour une réflexion la plus large possible des fidèles, puis session d'approfondissement dès données recueillies et enfin formulation des vœux présentés à l'évêque pour l'aider dans l'organisation et la direction du diocèse. Mais les commissions sont réduites à cinq : famille, jeunes, catéchèse, développement et action des laïcs. Ce sont les Commissions qui sont responsables de leur travail ; ce sont leurs membres qui se déplacent dans les paroisses et les îles pour faire une préparation la plus étendue et la plus concrète possible. Elles ont jusqu'au 15 juin pour ce faire. Chaque commission aura une journée du Synode pour présenter son document, le soumettre à la discussion de l'assemblée, le corriger et présenter ses motions d'orientation pastorale. Une bonne trentaine de paroisses - soit les deux tiers du diocèse - ont travaillé pendant six mois à la préparation du second Synode. Plus de 600 délégués ont participé à la session du Synode, soit environ 115 votants dans chaque Commission. Le passage du cardinal Pignedoli au moment de la célébration du Synode a été apprécié comme un encouragement important.

La Commission de la famille a analysé les fiançailles comme temps fort pour préparer la vie du couple et découvrir le véritable sens de l'amour conjugal. Pour ce faire une préparation au mariage avec une information détaillée sur tous ses aspects doit encore être étendue. Dans la vie de mariage « un point fondamental a retenu l'attention : que le mari considère son épouse comme son égale et non comme sa "chose" et réciproquement ». Les participants ont réfléchi au drame de l'alcoolisme, au dialogue difficile par différence de religion, à la régulation des naissances, au budget familial. De même le sacrement de mariage a été approfondi. Aussi la Commission soumet-elle à l'assemblée qui les approuve, quatre vœux : l'organisation de soirées-débats sur le couple et la famille au niveau de chaque paroisse ; la formation d'animateurs de C.P.M. ; un budget de fonctionnement du C.P.M. ; la rédaction d'articles et la réalisation d'émissions dans les médias.

La Commission du développement a analysé quelques-unes des principales préoccupations issues des transformations de la Polynésie. L'alcoolisme est l'ennemi numéro un du développement et de la famille ; parfois plus de la moitié des maigres salaires y passe. La délinquance juvénile dans la zone urbaine se développe rapidement : désœuvrement, chapardage, « bringue des week-ends », fumeries. La grave question des emprunts, du crédit à tous les échelons, de l'absence de comptabilité dans beaucoup de familles, ce qui est lié au « désir d'épater les autres en ayant toujours les modèles nouveaux » ont été bien soulignés. Nous sommes ici devant une attitude profonde : la différence des comportements culturels devant la société de consommation. De même la Commission s'est penchée sur la préoccupante situation de l'emploi, de la formation professionnelle, de l'absence de soutien à l'agriculture et de politique cohérente et persévérante en ce domaine du secteur primaire pourtant si nécessaire. Les migrations des îles vers Tahiti, de plus en plus attractive depuis l'arrivée du CE.P., le développement du tourisme ont été analysés selon un bilan nuancé des avantages (économiques, éducatifs, sanitaires) et des inconvénients (sociaux, moraux, coût de la vie, familiaux). Mais la grande préoccupation de la Commission « Développement » du Synode a été l'étude détaillée de la scolarisation en Polynésie par rapport à la promotion globale de l'homme. « L'école catholique est-elle suffisamment orientée vers le développement ? Est-elle soucieuse des plus défavorisés de la population ? Comment faire face à l'important échec scolaire des enfants polynésiens ? Quelles perspectives d'avenir, y compris une formation extra-scolaire ? » Pour terminer, la commission s'interroge sur l'esprit civique des Polynésiens. Elle constate que beaucoup d'habitants de la Polynésie cherchent surtout leur intérêt et profit personnels. Ils vivent du Territoire, mais le bien général de la Polynésie leur est assez indifférent. Aussi, dans la fidélité à l'action passée de l'Église qui a développé les archipels dans le respect de la personnalité maohi, la Commission propose au Synode la création d'un Comité diocésain pour le développement.

La Commission « Monde des Jeunes » fait le point des diverses réalisations depuis trois ans et approfondit la recherche du service de la jeunesse si complexe, mouvante et qui représente plus de la moitié de la population du Territoire. Elle analyse les mouvements de jeunes et constate que « dans les paroisses où ils existent, les jeunes sont assez satisfaits ». C'est la question des locaux qui se pose avec la difficulté permanente de trouver des animateurs vraiment responsables et formés. L'approfondissement de la foi et la difficulté pour la plupart des jeunes d'en percevoir le lien avec la vie retient l'attention des participants ; activités et Évangile sont trop souvent des réalités juxtaposées et séparées. Les relations avec la famille, toujours perçue comme ayant un rôle important à remplir vis-à-vis des jeunes, sont analysés dans le détail. Il en est de même des difficiles questions du travail et de l'emploi après la scolarité obligatoire jusqu'à 14 ans. La Commission soumet à l'assemblée synodale plusieurs vœux quisont adoptés à la quasi-unanimité. L'A.M,D.J. coordonne les divers mouvements de jeunes au niveau diocésain et assure l'information, la formation et les rencontres. Les paroisses doivent favoriser la participation des jeunes aux diverses activités et mettre des locaux à leur disposition. Enfin l'Enseignement catholique, en lien avec les instances compétentes, est invité à favoriser les formations techniques pour les élèves en vue de l'emploi.

La 4e commission a pour objet « la catéchèse et l'animation spirituelle » ; immense thème qui regroupe tous les aspects de la vie chrétienne dans son caractère spécifique et son identité. Six groupes ont étudié la catéchèse dans l'enseignement catholique, la catéchèse en 6e, la confirmation et l'engagement chrétien, la participation des parents, le catéchuménat chez les chinois, l'animation spirituelle. De longues et minutieuses analyses et enquêtes ont été réalisées sur les divers aspects de la catéchèse diocésaine « renouvelée » depuis deux ans par le P. Paul Cochard. La nécessité de traduire en tahitien les principaux documents catéchétiques a été soulignée. La formation des parents et des enseignants à l'éducation de la foi est un souci primordial pour les participants. Mais la préoccupation première, la base indispensable à tout effort missionnaire est « l'animation spirituelle du Peuple de Dieu par l'éveil à la Foi, la catéchèse des enfants et des adultes, le ressourcement spirituel permanent ». C'est ce qui est retenu par la Commission et proposé au Synode avec des vœux pour le réaliser concrètement : traductions en tahitien, choix des enseignants catholiques, publications dans le « Semeur » et le « Vea ».

La dernière Commission traitait « l'action des laïcs dans l'Église ». Un plan-guide, rédigé en français et en tahitien, a servi de base à la préparation. Plus de 30 paroisses - les 13 de Tahiti et 17 dans les autres îles dont Tubuai et Gambier, sans compter celles qui ont pu participer par le questionnaire-radio - ont été directement touchées par la préparation ; cela représente 180 personnes en responsabilités diverses dans leurs paroisses. Si tous n'ont pas bien vu la différence entre fonction et service dans l'Église, c'est toujours par un motif surnaturel qu'on s'engage et qu'on est fidèle à la parole donnée. L'engagement se vit dans les « communautés de base », les « amuiraa » qui constituent ce qu'il y a de plus polynésien dans le diocèse. Cela suppose, pour éviter que quelqu'un d'influent s'empare du gouvernement, la précision et la diversification des fonctions ; cela favorise l'engagement personnel au sein des communautés. Le désir d'aide et de formation est souligné par tous les participants. De plus on constate l'apparition d'un œcuménisme pratique à la base, avec la disparition de l'agressivité et du complexe d'infériorité. Aussi la Commission analyse longuement l'« amuiraa » dans ses dimensions culturelle maohi, traditionnelle dans l'Église, missionnaire en milieu populaire et facteur d'unité. Elles recèlent un vrai « dynamisme ecclésial ». Dans cette ligne, la Commission soumet au Synode le vœu de réunir des « Congrès paroissiaux, de renforcer la formation des "katekita", de reconnaître ceux-ci comme ministres institués, de réorganiser les quêtes, de réadapter et réimprimer les livres paroissiaux de base : le "Raanuu" et le "Ui Katorika", Enfin il est demandé au Synode de constituer une "Association Familiale Catholique" pour la défense des intérêts matériels et moraux des familles ».

Dans sa déclaration du 26 août 1973, lors de la séance inaugurale du Synode, Mgr Michel, sous le thème « l'appel de Dieu », développe les divers visages de la vocation chrétienne dans l'Église en Polynésie. Il insiste sur les vocations ordonnées, consacrées et instituées en rappelant qu'il « faut des prédicateurs de l'Evangile en Polynésie. Or qu'en est-il actuellement ? 35 prêtres, 30 frères, 57 sœurs, 67 catéchistes : voilà ce dont dispose l'Église pour porter l'Évangile aux 80 îles qui forment le diocèse de Papeete. Il n'est pas étonnant que certaines îles ne voient le prêtre qu'une semaine ou deux dans l'année. »

On comprend que ce deuxième Synode, dans la ligne du précédent, dégage deux priorités pastorales d'ailleurs intimement liées :

- l'éveil et le soutien des vocations locales dans l'Eglise,

- la formation et l'animation des familles chrétiennes.

- Révision Apostolique de 1978

Le mouvement est lancé par les deux Synodes ; le Peuple de Dieu est en marche dans le monde d'aujourd'hui. Il est bon de temps à autre de « revoir » et de « réviser » l'action entreprise. Refaire un Synode est une opération lourde. Aussi Mgr Michel a l'idée de lancer une « année de Révision Apostolique » en 1978[6]. Son but est de « revoir l'apostolat de l'Église en Polynésie à la lumière de l'Évangile pour une meilleure évangélisation ». Dans un diocèse aussi dispersé et dans un Territoire en transformation très rapide et vivant des confrontations socioculturelles intenses, il s'agit de créer une « meilleure connaissance des uns et des autres, de coordonner les programmes des divers secteurs apostoliques et de choisir des orientations diocésaines communes ».

De façon très souple et selon les possibilités et le style de chaque communauté, la Révision Apostolique s'adresse à tous ceux qui jouent un rôle dans l'évangélisation : paroisses, groupes, écoles ou mouvements. Ce travail de réflexion et de révision s'est échelonné sur plus d'une année ; plus de 400 personnes s'y sont appliquées. Pour vivre la double priorité pastorale dégagée par les deux Synodes concernant les vocations et les familles, trois grands axes d'efforts apostoliques se dégagent de tous les comptes rendus.

D'abord l'intensification de la vie de prière et l'approfondissement de la foi. Le « Rosaire Vivant », la « Légion de Marie », les groupes de « Renouveau » et les diverses « amuiraa » organisent des réunions régulières, le plus souvent hebdomadaires, avec temps de prière, lecture de la Bible, partage spirituel. Très rapidement ce secteur prend de l'importance avec les nombreuses sessions, récollections ou séminaires au point que les quelques lieux habituels de réunions sont retenus longtemps à l'avance. Il faut envisager la construction d'un centre permanent pour les activités d'approfondissement de la foi.

Ensuite la formation des animateurs et des cadres. C'était une demande pressante et un point d'insistance des deux Synodes. Il faut souligner la multiplication des sessions de formation aussi bien au niveau des paroisses que surtout des mouvements et services diocésains. Depuis sa fondation en 1970 jusqu'en 1982, l'école des « katekita » a formé 257 personnes durant ses sessions d'un mois chaque année. L'école des diacres permanents, ouverte en 1974, a déjà permis l'ordination de 7 d'entre ses élèves. Le Service de la catéchèse, tant dans le cadre de l'Enseignement catholique que des paroisses, organise plusieurs séminaires chaque année regroupant plusieurs centaines de catéchètes. Il en est de même de l'« Association du Monde des Jeunes » et des divers mouvements de jeunesse : scoutisme, Mouvement Eucharistique des Jeunes. L'Association Familiale a formé quelques cadres permanents comme Pauline Min Chiu, sœur Margaret, responsables du « Pou Utuafare » : centre de régulation des naissances dans une vision chrétienne. De nombreuses sessions familiales sont assurées dans les paroisses et jusque dans les îles les plus éloignées. C'est un fait qu'un immense désir de formation s'est manifesté.

Enfin nécessité de coordination. Pour des raisons géographiques évidentes et par héritage historique, c'est toujours le point le plus difficile à réaliser. La diversité des cultures et des milieux sociaux, l'importance de la population métropolitaine de passage quelques années, l'atavisme d'une individualité ilienne, l'héritage des conflits du passé font qu'il faut toujours un effort très volontaire pour assurer cette connaissance les uns des autres. De plus en plus de lieux de rencontre existent : Conseils paroissiaux, comités diocésains, commissions pastorales, Union des religieux, bureaux directeurs... sans compter les multiples rencontres informelles facilitées par la petitesse de Tahiti. Un certain esprit de compétition et de rivalité, une grande difficulté à prévoir et à durer, l'importance des relations affectives au niveau des petits groupes font que la coordination des activités apostoliques, l'établissement de la collaboration entre les divers mouvements, la continuité persévérante dans les engagements sont sans cesse à réviser et à revoir.

 


 

[6] Ce fut le premier travail d'animation pastorale et spirituelle demandé à l'auteur de ce livre.

- Synode des Iles Marquises

Quatre religieux des Marquises participent au Synode de Tahiti animé par le P. Baronnet en 1970. Quelques mois plus tard, le R.P. Marie-Denys Le Cleac'h est nommé Administrateur Apostolique du diocèse de Taioha'e le 8 décembre 1970. Promu évêque le 1er mars 1973, Mgr Hervé-Marie Le Cleac'h est sacré à Taioha'e par Mgr Coppenrath le 24 juin suivant. En 1976, du 24 avril au 6 juin, il fait appel au P. Xavier Baronnet. Celui-ci, après avoir visité les îles de Hiva-Oa, Ua-Pou, Nuku-Hiva et Ua-Uka, rédige des « notes et suggestions », détaillées en 133 points, C'est une vision d'ensemble d'un spécialiste qui a déjà animé les Synodes de Tahiti (1970) et de Nouvelle-Calédonie (1975). Elles portent sur « l'éducation, la famille, la pastorale et l'avenir aux îles Marquises ». Elles dégagent quelques grandes priorités.

Cet important document fait son chemin. Le P. Xavier Baronnet est de retour à Tahiti, en route pour les Marquises, le 18 juillet 1978. Il en repartira fin juillet 1979, après avoir animé le Synode du diocèse de Taioha'e d'août 1978 à juin 1979. Une assemblée des prêtres du diocèse, les RR.PP. Gilbert Allain, Jean Mayaux, André Darielle et Georges Aballain autour de Mgr Hervé Le Cleac'h, réunis du 28 août au 6 septembre 1978, décide l'organisation de ce premier Synode diocésain et en confie l'animation au P. Baronnet. Rappelons que le diocèse des îles Marquises, situé à 1 500 km au Nord-Est de Tahiti, est constitué de six îles habitées, réparties en deux groupes. Ce sont des îles hautes et escarpées, d'une surface d'à peine 1 000 km2 et peuplées, en 1977, de 5 419 habitants vivant en villages dans des vallées difficiles d'accès. Ces quelques données aident à saisir le type d'organisation du Synode.

Dans le but d'étudier la vie chrétienne du diocèse, d'en découvrir les attentes et de chercher les moyens appropriés à son évangélisation actuelle, le Synode se propose trois objectifs : dialogue entre tous les marquisiens ; tous sont membres actifs et responsables de l'Église ; vivre la foi dans toute la vie humaine, Un déroulement en trois étapes est prévu :

- une « enquête-conscientisation » par petits groupes homogènes à partir d'un questionnaire simple avec réponses sur fiches ;

- une assemblée générale des délégués au Synode du 27 au 31 décembre, à Taioha'e ;

- des assemblées régionales et réunions de vallées, ouvertes à tous et se déroulant de janvier à mai 1979.

En voici le calendrier :

Hiva-Oa : 20 février au 4 mars,

Tahuata : 13 au 25 mars,

Fatu-Iva : 27 mars au 8 avril,

Ua-Uka : 17 au 29 avril,

Ua-Pou : 3 au 20 mai,

Nuku-Hiva : 22 mai au 3 juin.

Les questionnaires, bâtis selon la méthode classique - voir-réfléchir-agir - recouvrent huit secteurs principaux : vie commune, famille, jeunes, vie moderne, travail-économie, social, politique, vie religieuse. Tout était bilingue : français et marquisien, aussi bien les documents écrits que les diverses interventions orales.

La première étape « enquête-conscientisation » a touché 70 à 95 % des habitants et a pu se dérouler dans toutes les vallées des six îles habitées. La participation se faisait par groupes homogènes de six à huit personnes ; tous les aspects de la vie humaine ont été abordés et débattus, 3 600 fiches ont été recueillies dont la moitié en langue marquisienne. Cette participation considérable a dépassé les meilleures prévisions. Les thèmes de vie familiale, les questions religieuses et les interrogations à propos de la jeunesse dominent nettement les autres sujets. Le P. Baronnet dans sa lettre d'adieux, souligne l'importance du travail réalisé. En plus de l'Assemblée générale du Synode du 27 au 31 décembre 1978, il compte 120 réunions de vallées et 20 journées d'assemblées régionales dans les six îles.

Avant de dégager les conclusions du Synode, voici l'évaluation faite par le P. Xavier, les points saillants proposés par les marquisiens eux-mêmes.

Sur la vie commune, pour faire face aux mésententes et jalousies inévitables, ils proposent des réunions régulières de réflexion et de partage pour approfondir la confiance mutuelle.

Concernant la famille, les interrogations sont nombreuses sur l'amour conjugal, le concubinage fréquent. Si le mariage est désiré, on demande une préparation approfondie sur tous les plans. L'éducation des enfants est un gros point ; l'obéissance leur étant peu naturelle, les mères ne savent que faire et les pères s'en soucient bien peu !

Les jeunes se préoccupent de l'éveil à la sexualité et à l'amour. Ils sont souvent en relations difficiles avec leurs parents. Les garçons jouissent d'une trop grande liberté et souffrent d'un manque d'exigences ; les filles se plaignent d'un manque de confiance à leur égard et craignent aussi les risques d'un laisser-faire. La jeunesse apprécie les groupes et activités proposées ; elle s'interroge sur la formation professionnelle et l'emploi, mais sans beaucoup se préparer à l'avenir.

Si les marquisiens paraissent s'adapter sans trop de difficultés aux changements nombreux et rapides de la société de consommation, ils découvrent que toute évolution n'est pas progrès. Il y a des discernements et des choix à faire sans cesse.

L'emploi est rare aux Marquises. Une mentalité d'assisté s'installe d'autant qu'il n'y a de sécurité et de salaires assurés que dans la fonction publique. Cela entraîne sans doute des frustrations profondes - parfois avouées - qui se compensent dans un alcoolisme démesuré et un tabagisme croissant. Ces fléaux sont vivement ressentis par la population.

Le domaine politique n'est guère compris et est plutôt objet de mépris. Les scandales dans ce domaine ne facilitent pas la découverte du sens civique et l'ouverture au « bien commun ». Il y a un repli individualiste marqué.

Les interrogations du monde moderne et la prolifération des sectes amènent à développer la catéchèse, à mieux connaître la Bible, à approfondir la vie de prière. On demande une meilleure formation pour les « chefs de prière » (« Tumu-pure »). De nombreuses questions sur les vocations et la prise de conscience de la nécessité de prêtres et religieux(ses) marquisiens sont un signe d'espérance pour l'avenir de l'Église aux Marquises.

Le 27 mai 1979, Mgr Hervé Le Cleac'h publie le résumé des travaux et les résolutions du Synode des îles Marquises sous le titre : « Nous continuons. » Le P. Baronnet résume son envoi par « au travail, bon courage ; ayez confiance en vous, ayez confiance dans le Seigneur surtout ».

Les vœux et demandes du Synode de Taioha'e rejoignent en grande partie les orientations de ceux de Papeete ; la situation générale de la Polynésie est analogue dans ses divers archipels à travers les particularités de chacun d'eux. Les premières décisions concernent la préparation au mariage pour les jeunes et le soutien de la vie familiale par des réunions régulières de foyers. De même on souhaite la création d'associations de parents d'élèves pour dialoguer avec les enseignants et étudier les questions d'éducation générale. La formation d'animateurs de jeunes et l'organisation de rencontres et activités variées pour ceux-ci sont très désirées, avec une éducation au discernement à faire dans tout ce que proposent les médias modernes. Le Synode souhaite que l'Association culturelle marquisienne « Motuhana » diffuse ses travaux et soutienne la fidélité aux valeurs marquisiennes. On demande une lutte énergique contre l'abus d'alcool et de tabac, sans oublier que la responsabilité personnelle est capitale en matière de santé et d'hygiène.

Surtout le Synode des îles Marquises demande une éducation générale de la Foi pour tous, une formation des parents et catéchètes pour l'éducation chrétienne des enfants, la diffusion et l'étude de l'Évangile en langue marquisienne, l'éducation à la prière sous toutes ses formes. Il souhaite une formation approfondie des « Tumu-pure » dans le cadre d'un effort généralisé pour l'éveil et le soutien des vocations.

Très vite, en particulier par l'entraide fraternelle entre les diocèses de Taioha'e et de Papeete, diverses résolutions sont mises en pratique concernant les familles, les jeunes, les vocations, les groupes de prière et la formation des divers animateurs.

« Église locale en état de Synode », avons-nous intitulé ce chapitre. Le survol rapide de l'histoire de la décade 1970-1980 concernant le modeste peuple des 55 000 catholiques des deux diocèses de la Polynésie Française, laisse deviner l'intensité de cette démarche synodale. Le célèbre « lève-toi et marche » de Jésus et de Pierre[7] se vit dans un « Renouveau » de plus en plus conscient, généralisé et spirituel. Le partage communautaire, la prière qui fait vivre de l'Esprit de Jésus, l'approfondissement de la Parole de Dieu sont les bases solides du renouveau de l'Église et du renouveau en Église. La continuité et le développement en sont assurés, en plus des divers comités particuliers, par le Conseil presbytéral et le Conseil Pastoral.

Le Conseil Presbytéral, tant aux Marquises qu'à Tahiti, est constitué de tous les ministres ordonnés : évêque, prêtres et diacres permanents. Le nombre restreint des participants - 5 aux Marquises, 40 à Tahiti - permet cette identification du « presbyterium » avec le Conseil presbytéral prévu par le Concile Vatican II[8]. Progressivement le fonctionnement de ce Conseil se rode ; diacres et prêtres, habituellement isolés de par la configuration géographique et leur petit nombre, apprennent à se connaître, à partager, à « porter les fardeaux les uns des autres » dans le service du même Peuple de Dieu.

Le Conseil Pastoral lui aussi est issu de Vatican II[9]. Le Secrétariat des Synodes de 1970 et de 1973 en a fait fonction jusqu'à sa constitution actuelle le 5 octobre 1976. C'est le Conseil du Peuple de Dieu autour de l'évêque. Sa diversité est à l'image du diocèse. Il comprend alors, avec l'évêque, 18 membres : 5 prêtres, 5 religieux, 7 laïcs. Après l'ordination des premiers diacres permanents en 1979 et pour en accentuer le caractère local et bilingue, le Conseil Pastoral est restructuré en 1980. Autour de Mgr Michel, il rassemble 25 participants : 4 prêtres, 2 diacres, 4 religieux et 15 laïcs. Hors les questions doctrinales et de gouvernement du diocèse - du ressort du Conseil épiscopal et du C.A.M.I.CA. - l'Évangélisation, la marche du diocèse, la coordination pastorale lui sont soumises. Depuis sa création, le Conseil Pastoral a eu à traiter entre autres sujets, la Catéchèse, la famille, la jeunesse, l'œcuménisme, les communications sociales, la pastorale scolaire, les sectes, la justice sociale, le développement, la Révision Apostolique... C'est désormais une institution essentielle dans la vie de l'Église locale de Papeete ; ses avis, ses réflexions sont efficaces pour aider l'évêque dans sa responsabilité pastorale et son charisme apostolique de « tête » de l'Église qui lui est confiée au nom du Seigneur.

Ces deux principaux Conseils presbytéral et pastoral, l'un et l'autre issus du premier Synode diocésain de 1970, se réunissent chacun en session ordinaire, deux fois par an pour le Conseil presbytéral et quatre fois pour le Conseil pastoral[10]. Selon les circonstances, des assemblées extraordinaires sont toujours possibles. Chaque Conseil, de son point de vue complémentaire de l'autre, réalise en quelque sorte une structure synodale permanente, assurant la communion fraternelle, la coordination et la participation entre les forces vives de l'église diocésaine.

 

Église locale en état de Synode

Très vite, en particulier par l'entraide fraternelle entre les diocèses de Taioha'e et de Papeete, diverses résolutions sont mises en pratique concernant les familles, les jeunes, les vocations, les groupes de prière et la formation des divers animateurs.

« Église locale en état de Synode », avons-nous intitulé ce chapitre. Le survol rapide de l'histoire de la décade 1970-1980 concernant le modeste peuple des 55 000 catholiques des deux diocèses de la Polynésie Française, laisse deviner l'intensité de cette démarche synodale. Le célèbre « lève-toi et marche » de Jésus et de Pierre[7] se vit dans un « Renouveau » de plus en plus conscient, généralisé et spirituel. Le partage communautaire, la prière qui fait vivre de l'Esprit de Jésus, l'approfondissement de la Parole de Dieu sont les bases solides du renouveau de l'Église et du renouveau en Église. La continuité et le développement en sont assurés, en plus des divers comités particuliers, par le Conseil presbytéral et le Conseil Pastoral.

Le Conseil Presbytéral, tant aux Marquises qu'à Tahiti, est constitué de tous les ministres ordonnés : évêque, prêtres et diacres permanents. Le nombre restreint des participants - 5 aux Marquises, 40 à Tahiti - permet cette identification du « presbyterium » avec le Conseil presbytéral prévu par le Concile Vatican II[8]. Progressivement le fonctionnement de ce Conseil se rode ; diacres et prêtres, habituellement isolés de par la configuration géographique et leur petit nombre, apprennent à se connaître, à partager, à « porter les fardeaux les uns des autres » dans le service du même Peuple de Dieu.

Le Conseil Pastoral lui aussi est issu de Vatican II[9]. Le Secrétariat des Synodes de 1970 et de 1973 en a fait fonction jusqu'à sa constitution actuelle le 5 octobre 1976. C'est le Conseil du Peuple de Dieu autour de l'évêque. Sa diversité est à l'image du diocèse. Il comprend alors, avec l'évêque, 18 membres : 5 prêtres, 5 religieux, 7 laïcs. Après l'ordination des premiers diacres permanents en 1979 et pour en accentuer le caractère local et bilingue, le Conseil Pastoral est restructuré en 1980. Autour de Mgr Michel, il rassemble 25 participants : 4 prêtres, 2 diacres, 4 religieux et 15 laïcs. Hors les questions doctrinales et de gouvernement du diocèse - du ressort du Conseil épiscopal et du C.A.M.I.CA. - l'Évangélisation, la marche du diocèse, la coordination pastorale lui sont soumises. Depuis sa création, le Conseil Pastoral a eu à traiter entre autres sujets, la Catéchèse, la famille, la jeunesse, l'œcuménisme, les communications sociales, la pastorale scolaire, les sectes, la justice sociale, le développement, la Révision Apostolique... C'est désormais une institution essentielle dans la vie de l'Église locale de Papeete ; ses avis, ses réflexions sont efficaces pour aider l'évêque dans sa responsabilité pastorale et son charisme apostolique de « tête » de l'Église qui lui est confiée au nom du Seigneur.

Ces deux principaux Conseils presbytéral et pastoral, l'un et l'autre issus du premier Synode diocésain de 1970, se réunissent chacun en session ordinaire, deux fois par an pour le Conseil presbytéral et quatre fois pour le Conseil pastoral[10]. Selon les circonstances, des assemblées extraordinaires sont toujours possibles. Chaque Conseil, de son point de vue complémentaire de l'autre, réalise en quelque sorte une structure synodale permanente, assurant la communion fraternelle, la coordination et la participation entre les forces vives de l'église diocésaine.



 

[7] Le 5,24; Ac 3,6.

[8] Vatican II : Décret Presbyterorum ordinis sur la vie des prêtres, n. 7.

[9] Vatican II : Constitution Christus Dominus sur la charge pastorale des évêques, n. 27.

[10] On trouvera les détails dans les «Communiqués hebdomadaires», les dossiers et les comptes rendus des Conseils presbytéraux et pastoraux et les documents de la «Révision Apostolique », Archives du diocèse et des paroisses.

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