Sœurs Clarisses - Histoire

Implantation de l’Ordre de Sainte Claire en polynésie française

Des contemplatives au cœur de l’Église de Polynésie

 


 

Nous continuons notre parcours de l’histoire des Congrégations religieuses en Polynésie dans le cadre de l’Année de la Vie consacrée avec cet historique de la communauté des Sœurs Clarisses d’Outumaoro.


 

Avant de survoler la petite histoire de la fondation du premier monastère de moniales contemplatives en Polynésie, retrouvons d’abord ses racines. L’Ordre de Sainte-Claire est né en 1212, il y a 800 ans, à Assise, Italie,  le jour où Claire Offreducio, quittant sa riche condition sociale, promet obéissance entre les mains de François dans une petite chapelle de la campagne d’Assise.

Quelques années auparavant, au grand scandale de ses parents, François, fils d’un riche marchand, saisi par le Christ pauvre, imitant son Seigneur, abandonne tous ses biens et se fait mendiant. De riches habitants d’Assise sont à leur tour interpellés. Claire regarde vivre la fraternité naissante et est séduite par l’idéal de François ; des compagnes se joignent à elle.

Très vite, la petite fraternité clarienne de Saint-Damien prend forme. Dès le vivant de Claire, des monastères s’ouvrent en France. À Lourdes, 3 canadiennes ont rejoint les rangs des clarisses. Lorsque la loi Combes menace d’expulsion les congrégations, l’abbesse, voulant protéger les canadiennes, demande à l’évêque de Valleyfield, au Québec, l’implantation d’un monastère. En 1902, cinq religieuses quitteront Lourdes pour le Canada.

Valleyfield fondera le monastère de Lennoxville, et Lennoxville celui de Tahiti.

Le 19 février 1972, les Clarisses de Lennoxville, en une belle journée hivernale, reçoivent de Mgr Michel Coppenrath, archevêque de Papeete, la demande d’implanter un monastère en son diocèse : « … Nous avons vraiment besoin d’un centre de vie de prière, de vie pauvre, capable de réveiller aussi bien chez nos sœurs que dans les familles, chez nos jeunes, un vrai sens évangélique… Je viens vous demander si vous pouvez fonder chez nous un prieuré… »

En août 1973, trois sœurs clarisses, dont Mère Marie-Claire, abbesse, visitent Tahiti et évaluent la possibilité de la fondation d’un monastère. Elles avaient prévu un séjour de deux semaines qui fut prolongé d’une semaine, délai qui leur sauva la vie. En effet, le vol de Pan-am qu’elles devaient prendre s’écrasa en mer lors du décollage. Mgr Michel écrira : « J’y vis un signe de la Providence. Les sœurs sont parties sans aucune promesse car beaucoup de prêtres et de religieux ne voyaient pas l’utilité de ce projet, mais sans abandonner le projet. Notre communication s’est poursuivie. »

En novembre 1975, le conseil presbytéral se prononce en faveur de la fondation. Mais entre-temps, l’abbesse, Mère Marie-Claire, est atteinte d’un cancer et ce n’est qu’après son décès que l’on reverra les modalités de cette implantation. Durant cette période d’attente, de long silence, Mgr Michel a maintenu vivante la flamme de son ardent désir de voir une communauté contemplative s’implanter en son diocèse.

Mère Marie-Immaculée succède à Mère Marie-Claire. En mars 1980, accompagnée de sœur Béatrice, elle vient à Tahiti pour mettre en place la venue des sœurs. Il faut songer d’abord  à une maison temporaire. Bien que n’ayant pas fixé ce premier lieu d’habitation, on fixe avec Monseigneur la venue des sœurs  après Pâques 1981.

En novembre 1978, nous recevions de la Congrégation pour la  Doctrine de la Foi la réponse à notre demande d’approbation. Elle stipule : Le Saint-Siège est très heureux de cette initiative qui donnera une autre dimension au diocèse de Papeete… Cette Congrégation vous encourage vivement et désire que ce projet puisse se réaliser au plus tôt.

La célébration de l’envoi missionnaire a lieu le 23 mai 1981 au monastère des Franciscains de Lennoxville. Maintenant, tout va se précipiter.  La veille du départ, les trois missionnaires vont à l’archevêché pour un dernier au revoir à Mgr  Fortier qui les bénit avec ces mots : « Mes filles, au nom de l’obéissance, je vous envoie. » C’est le 6 juin au matin qu’a lieu le départ. Mère Marie-Immaculée empêchée d’accompagner ses filles, délègue sœur Christiane, sa vicaire. Ses dernières paroles : « Grande confiance auSeigneur. Se faire pleinement tahitienne en votre pays d’adoption. Y implanter votre cœur. »

Le lendemain, à l’aube de la Pentecôte, quatre clarisses baisaient avec respect le sol de leur terre de mission. Malgré l’heure matinale, se retrouvaient représentés autour de Monseigneur Michel Coppenrath, le clergé local, toutes les communautés religieuses et des membres des divers mouvements ou associations. Accueil chaleureux à la tahitienne !

Dans un bel  esprit de partage missionnaire, les sœurs de Saint-Joseph de Cluny qui viennent de terminer la construction de leur noviciat, mettent cette maison toute neuve à la disposition des Clarisses. Les premiers mois, nous approchons le peuple polynésien. Ce sont invitation sur invitation de toutes sortes, accueil à notre chez nous parfois des plus impromptus. Nous participons à toutes les grandes célébrations liturgiques qui nous plongent dans la ferveur des chants tahitiens et nous familiarisent avec notre nouveau milieu de vie. Les communautés religieuses se chargent de nous assurer notre pain quotidien. Mgr nous est très attentif. Il n’épargne rien de ce qui pourrait nous forger un réflexe polynésien spontané, « être polynésiennes avec les polynésiens. » Et il y a la recherche d’un terrain pour notre implantation définitive. Sœur Agnès est gravement éprouvé dans sa santé, mais elle tient bon et ne songe nullement a réintégré notre monastère canadien.

En avril 1982, Mère Marie-Immaculée visite la petite fraternité accompagnée de sœur Hélène qui y trouve sa nouvelle patrie. Notre Mère est bien décidée de mettre en branle la construction du monastère et Mgr veut également faire vite. Mais tout n’est pas si simple. Après avoir cherché un peu partout sur l’île, nous revenons au terrain de la Mission, sur les hauteurs de Pureora où les prêtres pourront plus facilement assurer le ministère. C’est alors l’élaboration des plans. Lorsque notre Mère nous quitte, c’est à peine si les travaux préliminaires sont en marche.

Au début de 1983, voyant que le projet de construction n’est pas encore au point, Mgr décide de construire notre future hospitalité qui servirait, dans un premier temps de monastère temporaire car nos sœurs de Saint-Joseph de Cluny réclament, à juste titre, leur maison.

En avril, le cyclone Reva ravage l’Ile. Il y a tant de dégâts que la construction n’est plus une priorité. On termine la construction de l’hospitalité, en y ajoutant un étage, puis un petit  kiosque comme accueil et un garage attenant à un atelier. Le 7 décembre 1984, en la vigile de l’Immaculée, Mgr Michel, après avoir bénit la chapelle, y célèbre la première messe. Un immense chant d’action de grâce s’élève de nos cœurs ; même si ce n’est que temporaire, nous sommes enfin chez nous !

Nous avons deux jeunes avec nous, d’autres nous fréquentent. Avec ferveur, nous essayons de maintenir un climat monastique et fraternel ; prière, travail, détente avec beaucoup de temps consacré à la formation.

Toute fondation grandit sous la croix. Sœur Aline doit retourner au Canada. Nous ne sommes plus que deux canadiennes avec des novices à former et une construction en vue. Notre monastère fondateur ne peut plus assurer la responsabilité de la fondation. Il faut penser un transfert juridique. C’est vers nos sœurs philippines de Tayud que Monseigneur se tournera. Le 25 mars 1990, trois sœurs, accompagnées de leur abbesse, Mère Marie-Encarnacion, viennent étoffer nos rangs.

Maintenant, il nous faut penser sérieusement à la construction de notre monastère définitif. Le choix s’est fixé sur un terrain de la Mission, à Punaauia, au-delà du Grand Séminaire. Le ministère sacerdotal y sera facilité. Retiré, et pourtant à proximité de la ville, terrain vaste permettant un peu d’agriculture, belle vue sur la mer, c’est un lieu idéal pour l’implantation d’un monastère. Et les démarches préalables à la construction se mettent en place.

Le 11 août 1993, en l’ouverture du 8e centenaire de la naissance de sainte Claire, Monseigneur procède à la bénédiction du monastère. Nombreux ceux qui gravissent la montagne pour participer à ce grand événement diocésain, à notre profonde action de grâce. Le 20 novembre Mgr nous transmet le rescrit de notre élection canonique. Le 29 novembre, Mère Marie-Encarnacion est élue première Abbesse.

Au cours de ces années, plusieurs jeunes se joignent à nous. Il y a des va-et-vient. Au moment de notre érection, notre fraternité est composée de 4 philippines, 2 canadiennes, 2 tahitiennes, une ni-vanuatu et un wallisienne. Une fraternité franciscaine laïque s’est formée à Tahiti ;  elle a essaimé  à Raiatea après quelques années. Pour assurer notre subsistance, nous effectuons quelques travaux d’artisanat, nous avons un rucher, des arbres fruitiers, sans oublier la cuisson du pain d’autel pour le diocèse et une petite hospitalité  pour des retraites individuelles. Et il y a tous les bienfaiteurs qui ont soutenu notre vie de prière de leur amitié et de leur générosité.

Un vibrant Magnificat se lève de nos cœurs lorsque nous parcourons toutes ces années. Dieu a  veillé avec combien de sollicitude sur ce petit rameau franciscain implanté en plein cœur du Pacifique ! À Lui en revient toute la gloire.

© Monastère Sainte Claire de Papeete

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