Récit mangarévien à peu près parallèle, quoique généralement plus succinct, aux chapitres I à XXVI et XXXII à XXXVIII de l'ouvrage du Père Laval. C'est ce document qui dans les notes a été souvent cité sous le nom de texte indigène ou version mangarévienne.
La copie la plus ancienne et la plus complète de ce manuscrit est celle que le R.P. Vincent-Ferrier Janeau a transcrite, avec traduction française en regard, pour les Archjves des Pères des Sacrés-Cœurs à Braine-le-Comte. (Le R.P. Janeau est missionnaire à Mangareva depuis plus de cinquante ans, depuis 1887.)
En 1923, le Bishop Museum a obtenu de T. Mamatui, de Mangareva, un texte dans lequel, malgré les divergences et les lacunes, on retrouve une même composition primitive.
Précédemment, Monsieur Eugène Caillot avait acquis différents récits provenant de la même source et les avait utilisés dans son livre : Mythes, légendes et traditions des Polynésiens, 1914.
Ces récits circulent toujours parmi les indigènes. Dans le n° 60, Août 1937, du Bulletin des Études Océaniennes, Alain Gerbault écrit : « J'ai en ma possession de vieilles légendes des Iles Gambier, ayant perdu malheureusement beaucoup de leur valeur historique par suite de leur passage à travers les écoles de la Mission. »
Quel est l'auteur de la compilation mangarévienne ? Le R.P. Janeau nous l’a donnée comme un récit fait par les anciens, recueilli par les missionnaires et rédigé en ouvrage par le prêtre indigène Tiripone.
Il est certain que les missionnaires recueillirent de bonne heure les légendes anciennes, auxquelles les indigènes donnaient du charme. Dans son journal pour l'année 1837, le Père Laval nous montre justement les Mangaréviens, en particulier ceux d'Aukena, empressés à se remémorer les récits antiques pour les faire transcrire par le Père Cyprien Liausu, le Père Laval lui-même et encore d'autres missionnaires.
À quelque temps de là, certains indigènes étaient en mesure d'écrire eux-mêmes leurs récits. Dans le livre qu'il rapporta de son voyage de 1840 à Mangareva, Lesson note que « les Mangaréviens ont un goût excessif pour la calligraphie ; aussi quelques jeunes gens possèdent-ils, au moment présent, une fort belle écriture. »
En fait, un élève du Père Maigret avait dès cette époque rédigé une petite histoire des rois de Mangareva, que le missionnaire, devenu plus tard Mgr Maigret, vicaire apostolique des Iles Hawaii, traduisit en français et donna à un hebdomadaire d'Honolulu, The Polynesian, qui la fit paraître en anglais dans ses nos des 12 et 19 décembre 1840.
Le Père Laval, d'après de nettes indications de son premier manuscrit, commença son ouvrage en 1856, ayant sous les yeux tous les documents mangaréviens nécessaires. Or, à cette date, le prêtre Tiripone ne pouvait encore avoir concouru à compiler ces documents.
Il était né à Mangareva en 1846, de Bernard Putairi, togo'iti qui devint plus tard régent de l'archipel. Il fit ses études au collège d'Ana-o-tiki, à l'île Aukena, et en partie à Tahiti, où Mgr Jaussen l'ordonna prêtre en décembre 1873. Il résida dès lors à Tahiti non loin du Père Laval qui y vivait retiré. C'est sans doute à cette époque qu'il travailla à rédiger en un corps le recueil des traditions anciennes de son pays. Il était à même de consulter le texte français du Père Laval, alors achevé. On pourrait s'expliquer facilement ainsi que les deux ouvrages suivent le même plan, aient des sommaires semblables en tête des chapitres et des réflexions identiques en comparant le temps du paganisme et celui du christianisme.
Le prêtre Tiripone (nom du martyr Saint Tryphon) - son nom indigène était Mama Taira Putairi - mourut un an après le Père Laval. Il fut emporté par une pneumonie, le 27 décembre 1881, pendant un séjour à Valparaiso.
P. Maurice DESMEDT, ss.cc.