2004 - Une Église de laïcs

Lettre Pastorale

Une Église de laïcs

Aux prêtres, diacres, religieux, religieuses, aux ministres laïcs et à tous les fidèles de l'Archidiocèse de Papeete,

Que l'année 2004 soit, pour vous tous, une année de grâces et de bénédictions ; que le Seigneur vous sanctifie et vous fasse grandir dans son amour !

Vous savez, frères et soeurs, combien nous prions pour que le Maître de la moisson choisisse parmi nous des prêtres, des religieux et religieuses, vous connaissez les efforts qui sont faits pour encourager ceux qui sont appelés au sacerdoce ou à la vie consacrée à accepter généreusement de servir là où le Maître les appelle. Mais nous n'oublions pas que le peuple de Dieu est constitué, dans son immense majorité, de laïcs. Pour que l'Eglise soit vivante, pour qu'elle progresse, il est nécessaire que tous les fidèles prennent au sérieux leur vocation de baptisés, qu'ils ne considèrent pas l'Eglise comme une réalité qui leur est extérieure à qui ils réclament des prestations et des services, mais qu'ils se sentent comme étant, avec leurs frères et soeurs, l'Eglise de Jésus-Christ.

Certes, beaucoup de fidèles laïcs ont compris cela et le vivent déjà. Si notre Eglise locale reste solide et ferme, malgré tant d'influences contraires, c'est bien parce qu'un nombre très important de fidèles laïcs sont engagés, d'une manière ou d'une autre, au service de Jésus-Christ dans cette Eglise locale.

Cependant, il est très important que nous progressions encore dans ce domaine, pour que l'image de l'Eglise ne soit plus jamais celle d'un petit peloton de prêtres et de religieux traînant laborieusement un grand sac de fidèles passifs. Mais qu'elle soit celle d'un peuple fraternel, croyant, actif et motivé, poursuivant joyeusement sa marche vers Dieu, sans craindre les oppositions et les critiques dont Jésus lui-même a annoncé qu'elles ne manqueraient pas à ses disciples.

C'est la raison pour laquelle, après avoir consulté le Presbytérium, je vous propose comme thème central de la pastorale de cette année : "Une Eglise de laïcs".

2000 a été l'année du jubilé, 2001 celle de "En entrant dans le troisième millénaire…", 2002 a été l'année thérèsienne, 2003 celle du synode des jeunes. 2004 sera l'année de "l'Eglise des laïcs". Ce titre est un peu provocateur, mais comme plus de 99 % des fidèles sont des laïcs, il nous aide à réaliser que l'Eglise ne peut trouver la plénitude de son dynamisme que si les fidèles laïcs prennent au sérieux leur vocation de baptisés. En tant que baptisés, ils sont membres à part entière de l'Eglise de Jésus-Christ et les tâches qu'Il a confiées à son Eglise leur sont confiées comme à tous les autres baptisés.

Il faudrait que 2004 soit aussi une année où les fidèles découvrent la nécessité de la formation pour exercer les responsabilités qui leur sont dévolues.

1 – Un peuple sacerdotal, prophétique et royal

Dans la liturgie du baptême, le célébrant oint la tête des nouveaux baptisés avec le saint-chrème après leur avoir dit : "Vous qui faites maintenant partie de son peuple, Dieu vous marque de l'huile sainte pour que vous demeuriez éternellement les membres de Jésus-Christ, prêtre, prophète et roi." Ainsi, par le baptême, nous sommes, en Jésus-Christ, prêtres, prophètes et rois.

Dans la nouvelle alliance, tous les baptisés sont prêtres parce qu'ils participent au culte d'adoration en esprit et en vérité (Jean 4/23). Ils participent à cette adoration par leurs prières personnelles, mais surtout parce qu'ils ont un rôle actif dans la liturgie de l'eucharistie. Il n'y a pas d'eucharistie sans prêtre, mais il ne doit pas non plus y avoir d'eucharistie sans fidèles, et par leur foi, leurs prières, leurs chants, les fidèles donnent toute sa beauté à la liturgie eucharistique. Dans cette liturgie eucharistique, l'unique sacrifice du Christ, qu'il a offert une fois pour toutes (Heb. 9/27-28), est rendu présent pour que nous l'offrions à notre tour.

Le sacrifice du Christ est unique, et comme nous le dit l'épître aux Hébreux, Jésus l'a offert une seule fois. Mais, dans la liturgie eucharistique, ce sacrifice est rendu présent pour que nous l'offrions à notre tour.

En s'unissant au prêtre qui présente ce sacrifice au Père, les fidèles s'offrent eux-mêmes pour rendre à Dieu un culte spirituel. En effet, de même que Jésus a offert à son Père le sacrifice de sa parfaite obéissance tout au long de sa vie et jusqu'à la mort de la croix, de même, nous avons tous à rechercher la volonté du Père et à chaque fois que nous l'accomplissons, nous offrons "un sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu" (Rom. 12/1-2). Ainsi le baptême nous a tous constitués prêtres de la nouvelle alliance pour continuer le culte nouveau initié par Jésus. Et ce culte, nous le rendons non seulement dans les églises mais aussi dans nos maisons, nos lieux de travail et de détente, chaque jour depuis notre réveil jusqu'à notre coucher.

Certes, à côté de ce sacerdoce des baptisés, il y a le sacerdoce ministériel des prêtres et des évêques, qui leur est conféré par le sacrement de l'ordre ; mais si ce sacerdoce ministériel existe c'est afin que tous les chrétiens puissent exercer leur sacerdoce de baptisés.

Dans ce culte rendu à Dieu à travers nos tâches quotidiennes, une place privilégiée doit être accordée à la charité. La recherche de la volonté de Dieu nous conduit nécessairement à aimer et à aider notre prochain, mais aussi tous ceux qui ont besoin de notre compassion et de notre soutien. Depuis toujours, cette sollicitude pour les pauvres, les malades et tous les malheureux a conduit l'Eglise à organiser des secours en direction de ceux qui ont besoin d'assistance. Déjà dans les Actes des Apôtres nous voyons l'Eglise organiser "le service des tables" pour venir en aide aux veuves et sans doute à d'autres malheureux. De nos jours, dans notre diocèse, le Secours Catholique, Emauta et d'autres centres permettent à tous les fidèles par leurs dons ou par leur action bénévole de participer à ce devoir d'assistance aux plus démunis.

Mais tous les baptisés sont aussi prophètes dans la mesure où le prophète est celui qui parle pour Dieu. Les fidèles laïcs sont associés à la proclamation de la parole de Dieu de diverses manières. Certains évangélisent les adultes, notamment en encadrant des retraites, d'autres sont engagés dans la catéchèse des enfants et des adultes, d'autres pratiquent l'évangélisation de proximité, d'autres encore utilisent les médias.

Mais tous doivent participer à l'évangélisation par le témoignage. Ce n'est pas ce que nous faisons qui fait de nous des témoins, mais ce que Dieu fait en nous et par nous. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de grands témoins, comme Mère Térésa et le P. Damien, mais aussi de témoins plus proches de nous et qui nous ressemblent, parce que nous sentons que ce que Dieu a fait en eux, il peut le faire aussi en nous.

Le témoignage des individus est important, mais il doit être complété par le témoignage des groupes et des communautés. Beaucoup se sont convertis en rencontrant une communauté vivante, remplie de foi et de l'amour de Dieu, en découvrant dans ces communautés la prière et la vie fraternelle.

En quoi les baptisés participent-ils à la royauté de Jésus-Christ ? Ils sont rois parce qu'ils sont appelés à régner avec le Christ : "Au vainqueur, je donnerai de siéger avec moi sur mon trône..." (Apo. 3/21). Mais dès maintenant, les fidèles sont associés au gouvernement de l'Eglise en participant aux différents Conseils mis en place à cette fin : Conseils pastoraux et Conseils économiques. Il y a aussi ceux qui participent au ministère d'autorité, comme les katekita et les autres ministres qui, en l'absence du prêtre sont chargés de conduire les petites communautés chrétiennes. Il y a cependant une grande différence entre la manière dont s'exerce le pouvoir dans les entreprises humaines et dans les Etats et le service de l'autorité dans l'Eglise. Jésus a bien averti ses disciples que gouverner l'Eglise ne donnait pas droit à un privilège quelconque : "Que le plus grand parmi vous prenne la place du plus jeune et celui qui commande la place de celui qui sert" (Luc 22/26).

Les documents récents du Magistère soulignent l'importance de la participation des laïcs à la mission de l'Eglise. Dans l'exhortation apostolique postsynodale sur "l'Evêque, serviteur de l'Evangile de Jésus-Christ pour l'espérance du monde", Jean-Paul II parle de la "coresponsabilité de tous les fidèles par rapport au bien de l'Eglise" (n°10). Il écrit aussi que "la différence que le Seigneur a établie entre les ministres sacrés et le reste du Peuple de Dieu comporte en elle-même l'union, puisque les pasteurs et les autres fidèles sont liés entre eux par une communauté de rapports. Que les pasteurs de l'Eglise suivent l'exemple du Christ et soient au service les uns des autres et au service des autres fidèles, que ceux-ci apportent aux pasteurs et docteurs leur concours empressé."(n°10)

L'Eglise est un peuple sacerdotal, prophétique, et royal. Il y a donc trois grandes dimensions dans le service des fidèles, mais l'accomplissement de ces trois grandes fonctions exige de multiples tâches annexes. Pour exercer son ministère sacerdotal, le peuple de Dieu a besoin d'églises ; pour évangéliser il a besoin de lieux d'accueil, de matériel imprimé ou audiovisuel ; pour le gouvernement de l'Eglise, il est nécessaire de disposer d'outils divers. Aussi participe-t-on à la mission de l'Eglise de toutes sortes de manières : en maniant un balai, en utilisant un ordinateur, en participant à la logistique d'une retraite spirituelle,…etc …

2 - Une tâche spécifique des laïcs

Par ailleurs, il y a un domaine particulier où les laïcs doivent exercer leur activité, celui de la construction d'un monde libre, heureux et conforme à l'éthique individuelle et sociale. C'est ce que le Concile de Vatican II, dans le décret sur l'apostolat des laïcs, appelle le "renouvellement de l'ordre temporel". Il y a donc lieu de rappeler l'importance de la famille et de l'engagement social et politique des laïcs. Dans ces domaines aussi, les laïcs doivent être formés à la doctrine de l'Eglise et à la signification de la création.

Dans notre diocèse, beaucoup de laïcs sont engagés dans la participation aux trois grandes responsabilités que sont l'annonce de la parole de Dieu, les tâches liturgiques et la prière et ils participent au gouvernement des paroisses à travers les commissions auxquelles ils sont associés, même si leur formation est souvent insuffisante. Par contre, très peu sont éveillés aux tâches propres du laïcat dans le domaine social, politique, familial et caritatif. Nous pouvons cependant espérer que ces vocations se manifesteront.

La tâche est immense : lutte contre l'exclusion, lutte contre la pollution, lutte contre l'alcool et la drogue, amélioration de la santé de la population, lutte contre l'échec scolaire de trop d'enfants, lutte contre les injustices de toute espèce, défense des droits de l'homme, défense des pauvres et des petits, développement économique pour que le droit au travail puisse être réel, action familiale pour que cette cellule essentielle de la société qu'est la famille joue pleinement son rôle ...

 

3 - Une nécessaire formation

Chaque année, depuis plus de 30 ans, fonctionnent dans notre diocèse les écoles de formation qui se sont bien diversifiées depuis le synode diocésain de 1989. Elles attirent de nombreux élèves. Ces écoles ont aidé le peuple de Dieu à comprendre que pour prendre des responsabilités dans l'Eglise, il faut une formation. Mais en réalité, ces écoles ne satisfont pas tous les besoins de formation. Comment par exemple être un membre efficace d'un conseil pastoral si l'on ne sait pas clairement ce qu'est l'Eglise, quelle est sa mission, ce qu'elle enseigne ?

Il faut aussi mentionner l'école théologique où de plus en plus de laïcs viennent suivre des cours. Un grand moyen de formation est la librairie diocésaine.

En cette année consacrée à la mission des laïcs, quels textes doivent être particulièrement étudiés ?

Les deux textes les plus importants sont le décret du concile oecuménique Vatican II sur les laïcs (Apostolicam actuositatem) et l'exhortation post-synodale Christifideles laïci ( 30 décembre 1988).

Comment étudier ces textes ? Certains groupes pourront étudier directement les documents. Pour d'autres groupes, ils seront exposés sous forme d'enseignements ou de retraites. Pour le tahitien, on fera non pas des traductions littérales, mais des exposés résumant la pensée de ces deux textes.

Conclusion

Que cette année 2004 permette à notre Eglise locale d'être encore plus "participante", c'est-à-dire composée de chrétiens dont un nombre grandissant participent activement à la vie de l'Eglise. Elle doit s'organiser pour que chacun y trouve le créneau dans lequel il peut mettre ses compétences au service du Christ.

Mais, pour travailler efficacement dans l'Eglise, il faut aussi apprendre à collaborer avec les autres dans l'unité. Il faut aussi travailler dans l'humilité en acceptant les tâches moins glorieuses et les plus ingrates, du moment qu'elles sont nécessaires pour le royaume de Dieu. Apprenons aussi à oeuvrer en synergie constante avec Jésus et l'Esprit Saint. Jésus-Christ est présent dans son Eglise tous les jours, jusqu'à la fin du monde et l'Esprit Saint soutient et guide tous ceux qui participent à l'oeuvre du Christ. N'oublions pas non plus de nous recommander sans cesse à la puissante intercession de Marie, Notre Dame de Paix, Mère de Dieu et Mère de l'Eglise

Donné à Papeete, le 6 février 2004

+ Hubert Coppenrath

Archevêque de Papeete

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