2000 - Le Clea'ch

Iles Marquises – Te Fenuaenata

 

par Mgr Hervé-Marie LE CLEAC’H

 

Cours d'histoire de l'Église - 2000 (?)

Le 3 Février 1839, Mgr Rouchouze arrive à Vaitahu, accompagné de 7 missionnaires qui sont destinés aux îles Marquises, les PP. François de Paule BAUDICHON, Ernest HEURTEL, et François d'Assise CARET. […]

Le 31 Mai 1842, la « Reine Blanche » mouille dans la baie de Taiohae, Nuku Hiva. Le 2 Juin, le chef Temoàna, son oncle et tuteur Niehitu, le chef de Haavao, Pakoko, ainsi que d'autres chefs de l'île acceptent de se placer sous la souveraineté de Louis-Philippe. Dupetit-Thouars prend possession de Nuku Hiva. Le Père F. Baudichon maîtrisant bien la langue Marquisienne, servait d’interprête auprès des chefs des diverses tribus. […]

À Taiohae, île Nuku Hiva, le poste de mission est repris par le Père Dumonteil ; le Père Orens Fréchou est à Uapou. Les Français considèrent Temoana comme le « Roi » de l'île et même de l'archipel. Il reçoit une pension. Cependant Pakoko, l'autre chef influent de Taiohae supporte de plus en plus difficilement la présence des « hao'e » français. Pour divers Motifs la révolte éclate : le 25 Janvier, lui et ses complices attaquent par surprise et tuent 5 soldats de la garnison. Il se rendra lui-même au poste français. Le Père François Baudichon est appelé en qualité d'interprète lors du jugement. Pakoko est exécuté le 21 Mars, Vendredi Saint, à 3 heures de l'après-midi. (Les derniers sauvages. M. Radiguet. Chap.7) Son souvenir reste vivant à Taiohae. […]

Lors de ce voyage à Nuku Hiva, le Père Baudichon apprend qu'il est nommé, VICAIRE APOSTOLIQUE de l'Océanie Orientale et COADJUTEUR de Mgr Etienne Rouchouze, disparu en mer au mois de Mars 1843, au large du Cap Horn. Ce dernier avait entrepris un voyage en France, fin 1841, en vue d’obtenir de nouveaux missionnaires. Il avait fait construire un bateau à St. Malo, le « Marie-Joseph ». Le 15 Décembre 1842, au son des cloches de la ville, le voilier quitta le port avec à son bord : Mgr Rouchouze, 14 Pères et Frères et 10 religieuses, plus un jeune Hawaiien. Ils se perdirent corps et biens. […]

Le Père Baudichon visite les postes missionnaires, notamment celui de Ua Pou où le Père et le Frère craignent d'être sacrifiés comme victimes humaines, (heaka). En effet, le chef Heato est mort. Le tau'a a demandé 14 victimes en vue de « faire dieu » le chef décédé. Le Père entreprend son voyage vers Valparaiso le 31 Mai 1845 ; il sera à Valparaiso le 14 Août, sera ordonné Évêque à Santiago le 21 Décembre ; le lendemain il était à Valparaiso et montait à bord du « Creisquear » où le précédaient 24 Pères et Frères tous destinés à la Mission du Chili ou de l'Océanie : Hawaii, Marquises. Parmi eux il y avait le Père Ildefonse Dordillon, supérieur religieux.

Mgr Baudichon est de retour fin Janvier 1846 ; il se fixe alors à Vaitahu, Tahuata. Il est aidé par le P. Dordillon et le P. Orens Fréchou arrivé en 1842. La population se présente nombreuse à la prière et à l'enseignement. Elle y est incitée par l'exemple de la princesse dont voici l'histoire telle que la racontée Mgr Baudichon de qui il la tenait : « Il y a environ une dizaine d'années, dit-elle, j'habitais avec mes parents la baie Hapatoni. Le chef Iotete, mécontent de cette partie de l'île où le poisson abonde nous déclara la guerre. Nous dûmes quitter notre terre pour aller en chercher une autre qui ne fut pas sous sa domination. La plupart se sauvèrent se refugièrent à la Dominique, île éloignée de Hapatoni de 3 lieues environ. Je fus assez heureuse moi-même pour y parvenir avec mes parents. J'étais là depuis plusieurs années lorsqu'il me sembla voir en songe, au milieu des broussailles, non loin de notre case un feu qui tournoyait avec une grande rapidité sur lui-même et qui me demanda, si je croyais au vrai Dieu. Je répondis que je ne le connaissais pas, et le feu disparut. Plusieurs autres fois j'eus ce même songe, toujours pendant le sommeil ; il me poursuivait presque toutes les nuits. Il me semblait aussi voir des missionnaires habillés de noir. Ils me donnèrent un livre et je lisais et écrivais avec eux. Il y avait parmi ces missionnaires un chef, qui avait une grande robe violette, flottante au vent comme la tienne. Je ne savais ce que signifiaient ces songes qui me poursuivaient continuellement.

Enfin il y a environ 5 mois, Maheono le chef actuel, vint à la Dominique où j'étais encore et me dit : “Je suis seul avec ma femme, à écouter la parole de Iehova ; tu devrais l'écouter aussi.” Je lui répondis que j'étais tout disposée à écouter, que je croyais déjà. En effet quelques temps avant ayant vu pendant la nuit ce même feu dont j'ai déjà parlé et qui m'avait adressé la même question que la première fois, j'avais répondu : “Je crois à la parole de Iehova.” À mon arrivée ici je me trouvai seule disposée à écouter la parole, mais bientôt gagnées par mes sollicitations, deux autres se joignirent à moi pour prier et peu à peu nous augmentâmes en nombre, comme tu vois maintenant. Jamais je n'abandonnerai la parole de Iehova. »

Dans les vallées Vaitahu, Anamiai, Hapatoni, Hanatetena le grand nombre se prépare au catéchuménat et l'on prie. L'entrée en catéchuménat se célébrait par une fête, au cours de laquelle était distribué à chacun le LIVRE DE PRIÈRE ET CATÉCHISME que Mgr Baudichon avait fait imprimer à Valparaiso, alors qu'il attendait son ordination Épiscopale. Personne ne savait lire, mais disait un ancien : « Si nous disons de bouche seulement que nous écoutons la parole du vrai Dieu, on pourrait ne pas nous croire. En montrant notre livre, il n'est plus permis à personne d'en douter. » En fait le livre était accepté avec beaucoup de respect, enveloppé de feuilles d'arbre avec soin. Les néophytes découvriront plus tard que leur geste symbolisait l'accueil de la Bible, parole de Dieu inspirée.

Ce rite était suivi d'un grand repas  « kaina mau », parfois partagé par tous hommes et femmes sur un « paepae tapu ». La profanation des lieux « tapu » avait lieu au jour opportun : un tiki idole en bois était brulé et chacun était invité à allumer sa pipe ou son tabac au même feu : tous devaient en manger, « e kai i te tiki ». Les femmes étaient invitées à fouler aux pieds le lieu sacré : « me'ae ou ahu ». Parfois les hommes se faisaient raser les cheveux à la porte de la chapelle, afin que les femmes marchent sur ces cheveux, qui étaient aussi « tapu » que la tête. Quelques unes préfèraient se faire un passage au travers de la cloison en bambou de la chapelle. Parfois on suspendait une natte ou un pagne de femme « 'eu'eu », au dessus de la porte de la chapelle et tous devaient passer en dessous : un geste qui prouvait le rejet du « tapu ». Il faut noter les cadeaux que les Pères distribuaient aux écoutants. […]

Les dispositions des catéchumènes et nouveaux baptisés changèrent bientôt. En Mars le chef Maheono fit une expédition à Hiva Oa pour chasser les victimes humaines à l'occasion des funérailles de sa mère. La présence des soldats français était la cause de grands désordres dont l'ivrognerie. La guerre tribale éclata. De nombreux catéchumènes renonçaient à leurs promesses.

En 1848, le 15 Septembre, Mgr Baudichon voyant d'un côté que l'île de Tahuata était toute bouleversée par les guerres, et pensant aussi, d'un autre côté, que la Mission des îles Marquises était sans avenir, prit la résolution de s'en aller définitivement à Tahiti qu'il pensait être encore une partie de son Vicariat. Le 15 septembre, il partit effectivement, à bord du « Cincinnati », navire baleinier, capitaine Williams, emmenant avec lui les deux Dames religieuses de Saint Joseph de Cluny.

Après avoir touché à Taiohae où Mgr apprit la proclamation de la république en Métropole, lui et les Sœurs arrivèrent à Papeete le 23 septembre. Le 13 Novembre, Mgr Baudichon apprend que son Vicariat à été divisé, le 9 Mai 1848 ; entre les Marquises dont il demeure titulaire et Tahiti confié à Mgr Tepano Jaussen, Évêque d'Axieri. Mgr Baudichon rentre en France en Janvier 1850, à bord de « l'Arche d'Alliance ». Nous avons de lui son « Journal - 1844-1849 ». Il va mourir en France en 1882. (P. O'Reilly, Biographie Tahitiens - ArchSSCC 48-8, 48-23). […]

Lors de son départ, Mgr Baudichon avait choisi un remplaçant ou Pro-Vicaire : le Père Ildefonse Dordillon, arrivé aux Marquises en Janvier 1846. Il était né en 1808, à Ste. Maur, près de Tours. Voici comment il décrit l'état de la Mission Catholique dont il assume la charge, en cette année 1848 : « Nous étions 4 missionnaires dans l'Archipel : deux dans le Nord-Ouest et deux dans le Sud-Est. Quoique le nombre de néophytes à Tahuata se fut élevé à environ 150 chrétiens, et 200 catéchumènes voyant que notre présence en cette île était inutile, nous abandonnons le Sud-Est pour nous réunir dans le groupe Nord-Ouest : Nukuhiva, Uapou, Uahuka. » […]

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