Éditoriaux - Hodée

21 juin : 25 ans d’Église locale

21 Juin 1966... Dans la ligne du Concile Vatican Il, le Vicariat Apostolique de Tahiti et celui des îles Marquises devenaient Diocèses de plein droit : Papeete, archevêché ; Taiohae, évêché suffragant. C'était la fin institutionnelle de l'« ère des Missions » et l'entrée dans la période adulte et responsable des Églises locales autour de leur évêque dans la communion catholique autour du Successeur de Pierre : le Pape.

Changement important marquant le couronnement de l'effort des missionnaires des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie depuis 1834 pour faire vivre l'Évangile vécu en Église dans l'Océanie. La figure respectée de Mgr Paul Mazé, dernier Vicaire Apostolique et premier archevêque de Papeete, est dans toutes les mémoires. La nomination de Mgr Michel Coppenrath, prêtre diocésain natif de Tahiti, le 16 février 1968, illustre ce passage important vécu il y a 25 ans par l'ensemble des îles du Pacifique rassemblées au sein de la CEPAC.

Cette mutation prometteuse n'est pas signe de repli sur soi. Elle représente un nouveau style de communion fraternelle fondée sur le respect mutuel de partenaires égaux en dignité au sein de l'Église Catholique. Un diocèse est une Église locale responsable d'elle-même et rendant présente l'Église Universelle dans la communion avec le Pape, garant de l'unité et présidant à la charité.

Cette mutation entraîne le devoir d'inculturation du message chrétien en Polynésie maîtresse d'elle-même. Cette incarnation océanienne de l'Évangile est au carrefour difficile de trois contraintes qui s'imposent à tous :

  • les croyances, pratiques et mentalités ancestrales océaniennes ;
  • les croyances, pratiques et acquis de deux siècles d'évangélisation ;
  • les modèles d'une modernité technique mondialisée.

Les contradictions sont multiples, les imbrications inextricables. D'où le retour aux ancêtres, le détournement des symboles, le syncrétisme religieux, l'éclatement en nombreux groupes religieux, les recherches ésotériques et mystiques, l'indifférentisme laïque, la jouissance matérialiste ... Pourquoi cacher que nous vivons un mélange de grandes joies avec des frustrations et du désarroi !

Les trois Synodes de 1970, 1973, 1989 ont ouvert à la créativité locale et à l'espérance. Les fruits en sont manifestes. Il faut continuer avec une ardeur renouvelée pour vivre les décisions du 3e Synode diocésain de 1989, très urgent sur bien des points.

Il faut accueillir les questions et le désarroi d'une jeunesse déracinée et souvent sans espoir ; ce que drogue, alcool et anarchie sexuelle ne montrent que trop ! Tropicaliser les pratiques anciennes n'est pas inculturer la Foi. L'Évangile doit pénétrer le plus profond des cœurs, transformer les mentalités, être réapproprié de manière océanienne ouverte à l'universel pour devenir lumière, joie et vie. Tel est le défi majeur de ce 25e anniversaire si porteur d'avenir. N'est-il pas semblable à celui du premier Concile de Jérusalem en Actes 15 ?

C'est toujours l'actualité de la Pentecôte... une « nouvelle Pentecôte », une « nouvelle Évangélisation » dont Jésus est le centre, l'unique pierre de fondation et nous « les pierres vivantes ».

Père Paul HODÉE

© Semeur tahitien - 1991

Balises pour une navigation agitée

À Tahiti, dans les îles du Pacifique comme partout dans notre monde en transformation radicale, les populations déboussolées cherchent un sens à la vie, à leur vie. Les systèmes idéologiques s'effondrent aussi bien la planification autoritaire de l'État que le libéralisme sans freins.

Dans la ligne de l'évangile, les yeux fixés sur Jésus-Christ, l'église centre son enseignement social sur la radicale dignité de la personne humaine du début à la fin de la vie, dignité égale chez les pauvres et les riches, les petits et les grands, les noirs, les blancs, les jeunes et les innombrables métis, les « demis » à Tahiti. Tout homme est mon frère, car il est frère du Christ et enfant du Père. Du « Voici l'homme » de Pilate à « l'Homme est la route de l'Église » de Jean-Paul Il, telle est la première, la plus fondamentale des balises. On ne peut aimer Dieu invisible sans aimer et servir ses frères visibles.

Cela entraîne la solidarité active entre les personnes, les groupes et les peuples dans le refus absolu de tout racisme et le respect de la liberté de conscience et de vie pour tous. Ainsi la liberté de chacun, solidaire de celle des autres, reconnaît la destination universelle des biens dans le respect responsable de la création, de la Nature. La propriété privée n'est pas un absolu, mais un droit d'usage limité, mais essentiel comme espace de liberté : liberté des familles, liberté d'éducation, liberté d'entreprendre, liberté d'association... Rendre les personnes responsables et participantes des décisions qui les concernent, c'est le principe de subsidiarité, base de toute convivialité entre l'individu isolé et l'État omniprésent.

Le test de l'authenticité d'un tel comportement qui respecte toute personne humaine est l'option préférentielle pour les pauvres. Car les petits, les marginaux, les handicapés, les sans-défense n'ont en propre que leur dignité de personne humaine. C'est là dessus que chacune de nos vies sera jugée (Matthieu 25, 31- 46) : « Tout ce que vous aurez fait à l'un de ces petits qui sont nos frères, c'est à moi que vous l'aurez fait », dit le Seigneur. Balise combien lumineuse dans notre mer si agitée !

R.P. Paul HODÉE

10 mai 1992

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