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LETTRE  CIRCULAIRE

DE  SON EXCELLENCE  MONSEIGNEUR  LE VICAIRE  APOSTOLIQUE  DE  TAHITI

AU  CLERGE  DU  VICARIAT

Vénérés  et  chers  Confrères,

Pour la première fois au cours de plus d’un siècle d’existence, le Vicariat des Iles Tahiti a eu l’honneur et le bonheur de recevoir la visite de Son Excellence Révérendissime Monseigneur le Délégué Apostolique de l’Océanie. L’Archevêque a voulu voir de ses yeux, se rendre compte par lui-même de l’état de la mission de Tahiti.

Débarqué en notre Vicariat le vendredi 29 août, il en est reparti le vendredi 12 septembre suivant après deux semaines de séjour parmi nous.

Il a pu pendant ces jours entretenir en de longues conférences, les fidèles, les Frères, les Sœurs, les Enseignants, les Prêtres missionnaires accourus pour l’entendre. A tous, et à chaque groupement il a adressé les paroles les plus utiles, les plus appropriées à leur état respectif et aux besoins de notre époque.

Comme tous les missionnaires, malgré leur grand désir, n’ont pas pu entendre les paroles ardentes du Délégué du Souverain Pontife, nous avons jugé de notre devoir de vous adresser un résumé des enseignements que nous avons recueillis de sa bouche et dont heureusement une grande partie nous a été laissée par écrit. Nous tâcherons donc de citer ses propres paroles afin de leur conserver leur sens et leur portée.

Dans la Conférence que S. E. le délégué a donné aux prêtres le 1er septembre, il a traité d’abord des biens matériels. Puisque Dieu a voulu confier l’œuvre de l’Apostolat à des hommes, ceux-ci ne peuvent se passer des biens matériels nécessaires à leur habillement, à leur nourriture et à leurs transports, en un mot à leur entretien.

Il a donc recommandé instamment aux missionnaires d’arriver peu à peu à ce que les fidèles trouvent sur place, tout ce qui est nécessaire à l’entretien des œuvres paroissiales et à l’entretien du Clergé. Pour réagir contre la tendance de ceux qui veulent toujours donner, souvent sans discernement, il a répété souvent : « Rien pour rien ». Habituer à donner et non seulement à recevoir, et même exiger.

Le Délégué Apostolique, sortant des généralités, nous donna l’exemple du missionnaire de Rotuma qui arriva, avec le seul concours de ses fidèles, sans rien demander à son Évêque, à construire église, écoles et presbytères et après avoir réussi à subvenir à tous les besoins paroissiaux, put envoyer des fonds à son Évêque pour les œuvres diocésaines et Pontificales.

Cueillons encore dans l’allocution écrite, adressée aux prêtres de Tahiti les recommandations les plus saillantes, afin d’en faire l’objet de nos méditations et la règle de notre action missionnaire. C’est le Souverain Pontife lui-même, Vicaire de Jésus-Christ, qui nous parle par la bouche de son représentant parmi nous.

Après avoir félicité les missionnaires de leur zèle de leur générosité et de leur abnégation, de leur renoncement aux plus grands attachements terrestres, il se dit heureux d’apprendre par ce qu’il a vu et entendu depuis son arrivée, que la grâce de votre Sacerdoce, ajoute-t-il, n’a pas été infructueuse en vous,…. La grâce de Dieu n’a pas fait défaut dans le nombre encourageant de ceux qui ont embrassé la Foi.

Son Excellence Monseigneur le Délégué Apostolique continue, et je cite textuellement son allocution :

« La grâce du Sacerdoce qui vous a liés au Christ par un titre nouveau, spécial et noble, et qui vous a incorporés à lui plus étroitement et plus intimement, vous a aussi unis les uns aux autres d’une manière nouvelle et merveilleuse. Vous êtes devenus des frères – prêtres et liés par un lien beaucoup plus étroit que celui du sang. En vertu de notre Sacerdoce nous sommes prêtres et victimes, participant à l’unique sacerdoce du Christ, et dans notre respect pour nos frères prêtres.

Nous sommes des hommes unis de cette sorte, inspirée par le même idéal, comprenant mutuellement l’harmonie qui s’élève du commun sacrifice, mus par la même consécration. C’est pourquoi nous devons montrer dans notre vie un amour particulier pour nos confrères prêtres. Il faut qu’un même esprit d’union entre nous rayonne devant les hommes, en manifestant notre respect pour notre sacerdoce et notre acte de foi dans le sacerdoce de nos confrères.

Si, des chrétiens des premiers temps, on pouvait dire ces mots : « comme ces chrétiens s’aiment », combien davantage encore devrait-on pouvoir dire de nous : Si la caractéristique qui distingue les chrétiens des non-chrétiens, c’est la charité, selon la parole de Notre Seigneur : « Par ce commandement, les hommes reconnaitront que vous êtes mes disciples : que vous avez un seul amour les uns pour les autres », combien cela doit-il être particulièrement éminent chez les prêtres.

Le côté pratique de tels sentiments évidemment chrétiens est aisément reconnaissable. Notre devoir est d’accorder toujours un accueil chaleureux à nos confrères prêtres. Il n’y a pas d’appel plus urgent quand il s’agit de disposer de notre temps, il n’y a pas de sentiments plus forts, il n’y a pas de pensée qui s’impose davantage. Si nous devons accueillir le Christ dans tous ceux que nous rencontrons, combien plus encore aurons-nous à cœur de l’accueillir dans nos confrères prêtres.

Nous devons surtout être loyaux les uns envers les autres. Dans nos relations avec les autres et spécialement avec les laïques, par tous les moyens, il nous faut éviter de diminuer l’idéal du Sacerdoce : par conséquent éviter tout acte, toute parole, tout jugement contraires au précepte de la charité. Nous avons le devoir d’être prêts à aider nos confrères par tous les moyens, de rendre service avec joie et entrain.

Sa Sainteté, parlant à Rome, en 1956, aux prédicateurs de Carême, a insisté précisément sur ce point et il a rappelé cette entraide sacerdotale « la plus divine de toutes les œuvres divines ». Nous pouvons écouter ces paroles : « L’un de vos confrères peut avoir besoin de conseil ; chercher un réconfort et attendre peut-être un secours urgent ; vous pouvez être sûrs qu’aider un prêtre, le soutenir et l’encourager, lui donner un nouvel espoir, l’exhorter même affectueusement est la plus divine de toutes les œuvres divines et la plus agréable à Jésus, Eternel Grand-Prêtre ». C’est seulement l’esprit de charité qui peut, comme sa Sainteté le dit dans le même discours « réaliser le  miracle de garder toujours le sourire sur votre visage ».

Dans toutes vos initiatives, dans toutes vos entreprises, vous pouvez être sûrs qu’il y a une méthode sûre pour obtenir le succès, c’est celle qui vous a été montrée par les Saints et les grands apôtres à travers les âges, c’est celle que nous avons promis de suivre, le jour de notre ordination, c’est celle qui se résume dans la simple phrase, chargée maintenant d’un caractère sacré : « Nihil sine Episcopo ».

Je suis sûr que vous êtes tous convaincus que votre sacerdoce serait sans signification et que votre travail serait sans fruit, s’il était fait contrairement à la volonté, aux directives, à l’inspiration de l’Évêque. J’ai déjà vu que vous faîtes preuve de ce respect et de cette obéissance envers votre Evêque et sa volonté. Je n’ai pas besoin d’insister sur ce point.

L’objet de l’activité missionnaire, comme tout le monde le sait, c’est d’apporter la lumière de l’Evangile à des races nouvelles et de former de nouveaux chrétiens. Cependant, le but ultime de l’effort missionnaire, ce qui ne devrait jamais être perdu de vue, c’est d’établir l’Eglise sur de saines fondations parmi les peuples non chrétiens. L’objet des organisations missionnaires, c’est d’arriver, en travaillant dans les champs de mission à voir l’Église s’établir de telle sorte qu’elle ne dépende plus de ces organisations missionnaires. L’œuvre missionnaire n’a pas abouti, tant que n’est pas obtenu cet heureux résultat. Elle demande de la part du missionnaire la vertu héroïque dont témoigne le cri de St Jean-Baptiste : « Il doit croître, je dois décroître ».

Le premier critère, essentiel et fondamental, par lequel on peut juger du succès de l’activité missionnaire de l’Église dans n’importe quel pays déterminé, c’est le nombre des prêtres indigènes. Il est normal que l’effort majeur des missionnaires soit dirigé vers le clergé indigène qui est en train de se constituer, et éventuellement, au temps jugé opportun par le Saint-Siège, vers une hiérarchie indigène. Cela signifie que le missionnaire doit avoir le courage de reconnaître que son activité dans le pays de ses labeurs, est purement transitoire. Il ne doit pas s’y établir, il doit se sacrifier pour voir les peuples à qui il prêche l’Evangile et administre les sacrements, offrir leurs propres fils pour le remplacer.

Une fois la tâche remplie, le missionnaire changera de place en vue d’obtenir les mêmes résultats dans les autres endroits qui l’attendent. Il s’en va pour conquérir d’autres âmes au Christ, laissant derrière lui l’Église pleinement  organisée, florissante, subvenant elle-même à ses besoins en personnel et à son expansion suivant ses propres ressources. On voit bien la sagesse universelle de ce plan, soit dans les pays qui ne veulent pas leur permettre d’y entrer. Le résultat auquel vous aurez atteint sur ce point, votre œuvre fondamentale, peut se juger d’après cette question. Si tous les missionnaires quittaient les îles aujourd’hui, qu’adviendrait-il de l’Église ?

C’est là le résultat que vous devez obtenir par vos généreux efforts. Il demande le courage de renoncer à tout préjugé contre les gens pour qui vous travaillez ; il demande la confiance, l’amour, l’estime des talents des populations de ces îles ; il demande un travail persévérant pendant des années et des années ; il demande de l’héroïsme pour recommencer encore.

La seule voie de succès en cette matière, et par conséquent de succès dans vos efforts missionnaires, c’est d’avoir une conviction mûrement formée de l’importance première de ce point, et une volonté prête à prendre tous les moyens pour y parvenir. Cette mentalité ne prendra son essor que dans l’esprit de prière. Notre Seigneur nous a invités à la prière afin de trouver des ouvriers pour la moisson ; cette invitation peut s’appliquer à cette région et à ses habitants. Une fois que la conviction est faite, elle se réfléchira alors sans que nous y pensions, dans nos paroles et dans nos jugements. Elle conditionnera notre état d’esprit et l’état d’esprit des habitants sue ce fait que l’avenir de l’Eglise est entre leurs mains. Il sera nécessaire d’encourager les vocations et de rendre claire leur extrême urgence. Cela demande une croisade pour les vocations, « hic et nunc », et un développement de cette activité, de jour en jour. C’est un travail que nous ne pouvons jamais délaisser. Protégez les vocations, encouragez les vocations, travaillez pour les vocations. En plusieurs endroits, il y a un prêtre qui est spécialement nommé « directeur des vocations ». J’aimerais voir dans ce Vicariat, l’un d’entre vous, « directeur des  vocations ». Puissent nos ferventes prières être bien tôt exaucées et puisse, dans ces territoires, la prédication du Christ être assurée dans un proche avenir, par la bouche des fils de ses propres rivages. Toutes nos félicitations chaleureuses pour ce que vous avez déjà fait en ce domaine. Vous avez mis la main à la charrue. Ne regardez pas en arrière.

En plus de votre ministère sacerdotal, il y a un travail essentiel qu’on ne peut négliger. Dans ses directives au Congrès de l’Apostolat laïque (5 oct. 1957), le Saint Père a signalé que le concours des apôtres laïques n’a jamais été utile. C’est particulièrement la tâche du prêtre de former et d’inspirer des apôtres laïques, cultivés, compétents, éclairés. L’Église n’a jamais assez d’ouvriers intègres, répandant en tout temps la bonne odeur du Christ parmi toutes les nations. Il y a dans votre troupeau des apôtres de valeur. C’est à vous d’amener cette semence apostolique à pleine maturité.

Encore une fois, c’est un travail de longue haleine, un travail qui souvent, n’apporte pas de récompenses ; mais il y a peu d’organisations aussi importantes pour la prospérité de l’Église dans ces territoires que celle de l’action Catholique et des autres formes de l’apostolat laïque. Le St Père n’emploie pas des mots pour rien ; dans son Encyclique sur les Missions Catholiques (Evangelli proecones 2 juin 1951) il appelle ce travail « impératif ». « Il est impératif que les laïcs, en grand nombre, entrent dans les rangs de l’Action Catholique, et ainsi coopèrent généreusement, ardemment, et assidûment avec la Hiérarchie en favorisant l’Apostolat ».

Tel est le désir du Saint Père. Cela devrait suffire à vous convaincre pour que vous vous mettiez à cette grande œuvre avec votre particulière ardeur et générosité. Les talents cachés ne doivent pas être enterrés, on doit les faire fructifier. Vous les trouverez dans les âmes confiées à vos soins.

La vie du prêtre missionnaire est une vie d’intense activité. Il est constamment demandé pour apporter une aide religieuse aux fidèles qui sont à sa charge. On cherche ses conseils pour tant de problèmes. Les besoins de sa mission le harcèlent sans cesse et son zèle le conduit à donner généreusement de son temps. La journée n’est jamais assez longue pour pouvoir satisfaire à tout ce qu’on demande de lui. C’est souvent un problème de proportionner le temps aux divers exercices de sa vie spirituelle. Au milieu de toutes ces activités, il y a danger que le prêtre ne vienne à négliger ses progrès dans la connaissance des sciences théologiques. Il est tenté de croire que ses activités apostoliques sont plus importantes que de perdre son temps précieux à l’étude. C’est ici que la prudence doit s’exercer. Il est clair que le prêtre doit aux âmes au service desquelles il souhaite être livré et se dépenser lui-même, de se tenir « à la page » en suivant les plus récentes acquisitions de la Théologie et de la Sociologie. Il n’est pas loyal envers les âmes s’il ne se soucie pas de développer ses connaissances. Sa préparation au Séminaire avait pour but d’acquérir une solide formation, en poussant ses études ; s’il ne travaille pas à avancer ses connaissances dans la lumière de son expérience, de sa réflexion, il trahit la formation qui lui a été donné au Séminaire. Il est si important pour vous de vous tenir au courant des derniers développements de la Théologie, de l’Écriture Sainte, de Droit Canon et des disciplines subsidiaires comme la question des principes sociaux. Il y a peu de terres de missions qui n’aient de pressantes questions sociales réclamant une sérieuse attention ; invariablement on rencontre une aspiration à des réformes sociales réclamées par la justice et la charité. Il est très important pour vous d’avoir les connaissances voulues pour appliquer les principes sociaux dans ces circonstances et pour les appliquer avec vigueur et courage.

Si nous ne faisons pas déboucher l’enseignement chrétien dans la pratique, nous n’avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes quand notre peuple est attiré par les idéologies athées. Le Saint Père insiste sur ce point : « il est impératif de mettre en pratique avec zèle et diligence les règles définies par l’Eglise en cette matière. Il est impératif de garder tous les peuples à l’abri de ces erreurs pernicieuses, ou, dans le cas où ils en sont déjà empreints, de les libérer de ces doctrines hostiles qui représentent le bonheur de ce monde comme l’unique but d’atteindre par les hommes durant cette vie mortelle ». (Proecones Evangelli, 2 juin 1951).

Dans vos études, la première place devrait naturellement être donnée aux documents du Saint Père. Pour connaître la pensée de l’Église, pour connaître la pensée du Christ, nous devons connaître la pensée du Saint Père.

Par conséquent, c’est une nécessité pour nous – c’est aussi nécessaire pour nos vies sacerdotales que le pain l’est pour nos vies terrestres – de lire et d’étudier les exhortations du Saint Père, transmises par les documents pontificaux, particulièrement par les Encycliques et les discours.

Enfin il ne suffit pas de connaître la pensée du Saint Père. Il nous faut la mettre en pratique, accomplir ses désirs et ses directives.

Vous tous, vous souhaitez être de bons missionnaires. Il vous est impossible de l’être si vous ne comprenez pas les gens au milieu de qui vous vivez. Vous devez connaître, apprécier ; être profondément conscients de la situation dans laquelle votre peuple vit et travaille. Comprenez leur condition sociale, leurs aspirations, leurs mobiles, les injustices dont ils souffrent, leurs angoisses, leurs craintes, leurs désirs légitimes et veillez à ce qu’ils soient éclairés par les enseignements de l’Église et en conformité avec eux. C’est un vaste programme qu’attend de vous. Je vois que vous comprenez son importance et que vous le mettrez en pratique avec toute votre volonté.

Il y a encore tant d’autres sujets dont j’aimerais à vous entretenir. J’ai fait un long voyage pour vous adresser ces paroles et je ne voudrais pas vous laisser sans vous donner les consignes les plus essentielles pour votre apostolat. Je suis certain que vous suivez la pensée du Saint Père dabs ses discours, Encycliques, etc… Si vous êtes convaincus de la nécessité de la charité fraternelle, des vocations locales et de l’apostolat des laïcs, mon voyage jusqu’à vous aura été tout spécialement béni. Si le programme exposé par ces trois simples directives est réalisé, il y a toutes raisons d’être très confiants dans l’avenir de l’Église de Tahiti.

Puissiez-vous tous ensemble travailler à exécuter ce programme, en union avec le Christ Prêtre et Victime.

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