20070627 - Mgr Michel Coppenrath

2007 - Témoignage de Mgr Michel à l’occasion des 50 années de prêtrise de Mgr Hubert

Une vocation qui s’est révélée en France pendant ses études

et s’est affermie à Tahiti

Hubert a vécu ses 16 premières années auprès de ses parents à Tahiti hormis 2 séjours brefs en France à l'âge de 3 ans, puis à l'âge de 8 ans. À partir de 1947, il a alors 17 ans, il passe 4 ans au Lycée Henri IV à Poitiers et fait une 1ère année de droit. En 1951-52, il fait son service militaire à la caserne Broche, avenue Bruat - et, de 1948 à 1957 il est au Grand Séminaire d'lssy-les-Moulineaux, puis à la rue du Regard à Paris, jusqu'au jour de son ordination 27 juin 57.

Lorsqu'il arrive en France en 1948, il vient de passer son brevet chez les frères et, gratifié d'une bourse scolaire, il entre au Lycée Henri IV de Poitiers célèbre par son fronton « Henri IV fondateur, Louis XIV bienfaiteur ». Il y complète ses études secondaires classiques et à la sortie du lycée fait une année de droit. Pourquoi n'avoir pas achevé sa licence de droit ? C'est qu'au cours de ses années de lycée, il prit la décision de rentrer dès qu'il le pourrait au Grand Séminaire et de retourner à Tahiti. Que s'était-il passé pendant ces 4 ans ? Quelles grâces reçut-il pour cela ? Il avait pris une nouvelle orientation.

Est-ce en raison d'une simple « délocalisation » ? Certes elle a pu jouer son rôle. En changeant de lieu, on perçoit mieux de quoi les années antécédentes étaient porteuses. Un nouveau regard sur ce que l'on a déjà vécu éclaire beaucoup.

Non seulement il eut un père et une mère chrétienne qui lui donnèrent une éducation chrétienne, sans penser du reste, qu'un jour Hubert deviendrait prêtre. Ce premier cercle favorable s'agrandissait aussi d'un entourage chrétien. L'une de ses tantes, Olivette, dite « Tatate », restée célibataire, connue pour sa douceur n'avait-elle pas accepté d'aller vivre à la Mission pour pouvoir mieux accueillir toutes les personnes qu'elle pouvait aider au besoin en leur procurant les premiers rudiments du catéchisme ? Elle avait adopté, Augusta, petite cousine, dont Théodore, (son père notre oncle, était mort à la première guerre). D'autres grâces lui venaient aussi des sœurs de St Joseph de Cluny, chez qui Hubert avait été au jardin d'enfants. Et bien sûr, l'école des frères qui était encore plus « famille » que maintenant, (les élèves étaient moins nombreux) et il laissa à l'école la réputation d'un bon élève.

Ces années de Lycée

Certes toutes ses premières années comptèrent beaucoup. Car en arrivant au lycée, il était à même de porter un regard nouveau sur le passé. Et au milieu de ses camarades tout à fait différents de ceux qu'il avait connus à Tahiti, il perçut que pour rester chrétien il fallait témoigner. Pensionnaire il profita du petit groupe de lycéen catholiques réunis autour d'un aumônier. Il participe pendant les vacances à des camps de jeunes qui n'étaient pas uniquement de loisirs. Une fois au Séminaire il encadrera dans des camps de vacances des handicapés en différents coins de France. Tout cela l'aida à se poser des questions que tout le monde se pose, mais auxquelles un chrétien doit répondre. Un verset de l'évangile s'imposa à lui : « Que sert a l'homme de gagner l'univers s'il vient à perdre son âme ? » Question importante si l'on comprend qui est celui qui la pose, Jésus-Christ. Du reste une telle question n'a de sens qu'en raison de celui qui la pose et qui est bien plus important que la question. Il donna à cette interrogation la réponse qui se trouve aussi dans les évangiles : « Celui qui veut être mon disciple, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive ». Une retraite au monastère cistercien de Bellefontaine près de Bégroles-en-Mauges l'aida certainement à y voir plus clair.

Pendant ces années, je me trouvais encore à Poitiers et nous nous voyions souvent. En fait nous nous posions tous les deux la même question. Mais personnellement depuis longtemps je n'arrivais pas à répondre. Un jour que nous causions, il me fit part de sa décision (bien avant d'avoir terminé son cycle d'études), d'entrer au Grand Séminaire et de devenir prêtre.

Comment, il ne savait pas bien encore. Toujours est-il que sa détermination entraîna la mienne. Ayant échoué à l’examen qui aurait pu me mettre sur la voie du notariat, je pris mes dispositions pour me préparer à entrer au grand Séminaire. Pour moi la chose était aisée, pour Hubert, elle l’était moins.

Service militaire à Tahiti.

Il fallait qu'il fasse son service militaire ! Mais où ? Il choisit de le faire à Tahiti. D'abord parce que sa présence pendant un certain temps auprès de nos parents à Tahiti pouvait atténuer la lourdeur de leur sacrifice d'apprendre coup sur coup que leurs enfants renonçaient au mariage et ne reviendraient peut-être plus au pays ! Mais une raison plus profonde encore l'animait. Ayant l'intention d'exercer son ministère dans sa mission d'origine (le Vicariat de Tahiti n'était pas encore devenu diocèse) il pensait qu'il pourrait déjà se préparer à être prêtre à Tahiti. En effet, intéressé par les langues, mais surtout la langue tahitienne, les mois qu'il passa à l'armée, à la caserne Broche, furent pour lui des années fructueuses. Il apprit le tahitien courant, de la rue tout en se familiarisant aussi avec le vocabulaire et la construction des phrases. Mgr MAZÉ était très inquiet de voir un de ses futurs prêtres choisir la caserne pour se préparer à entrer au Grand Séminaire. Mais ce fût, et vous pouvez le constater, une étape fructueuse pour son ministère où l'étude du « reo maohi » prit une très grande place tant pour les rencontres journalières avec les fidèles que pour la traduction nouvelle du Nouveau Testament, du Missel, du « Raanuu » et de nombreux articles du Semeur. À cette époque 1951-52, la messe et les sacrements se célébraient encore en latin. La Liturgie aurait pu jouer un rôle minime dans sa connaissance du « reo maohi ». Mais il y avait les chants tahitiens auxquels dès cette époque il s'intéressa.

Son séjour lui permit aussi de renouer avec quantité d'amis et de familles, de revoir ses parents et notre frère aîné Gérald qui venait d'épouser Claude Thirel, et ses premières nièces et neveux.

Que ce soit en France pendant ses études profanes ou à Tahiti pendant son service militaire, la perspective d'entrer bientôt au Grand Séminaire ne l'empêcha pas de s'adonner au sport ou à ses plaisirs favoris, tels la pêche à Tahiti ou la chasse au chien d'arrêt en France. C'était une tradition dans la famille car notre grand-père comme nos oncles furent dans leur jeunesse et plus tard encore des chasseurs passionnés. Il est vrai qu'il y avait encore en France beaucoup de gibier. Les renoncements sont de toutes sortes. Il faut savoir consentir à des renoncements personnellement sans les imposer à d'autres, à sa famille par exemple. Une vocation, celle d'Hubert, qui évolua tout à fait dans ce sens.

Son service militaire Avenue Bruat ne l'empêcha pas de se mêler aussi aux grands évènements. Telle l'arrivée en Polynésie de N.D. de Fatima. Le pèlerinage de N.D. de Fatima suscita une ferveur et un mouvement de conversion personnelle étonnant. Le nombre de pèlerins qui suivirent la statue fût, si l'on tient compte du peu d'habitants vivant à cette époque à Tahiti, comparable à l'enthousiasme suscité par le P. Tardiff en 1983 à Tahiti.

Pour résumer l'expérience d'Hubert à l'époque, nous pourrions dire que le Seigneur lui offrit un grand bol d'air, un vent frais. Il vit de près avec un intérêt décuplé ce qu’était la « Mission ». Notons qu’à cette époque Mgr Mazé effectuait le transfert du Petit Séminaire établi à l’Évêché de Papeete à Miti-Rapa. Jamais le service militaire n’a autant mérité le nom de service puisque ce fût pour le Bon Dieu ! Je connaîtrai très vite les aventures du sergent « Montas » bienveillant pour son second de classe, obéissant et plus tard illustre, mais cours de péripéties désopilantes.

Le retour en Métropole fut suivi très vite de son entrée au Grand Séminaire d'Issy-les-Moulineaux, et de ses 2 années de Philosophie, 3 années de Théologie et de la licence en théologie. Entre la découverte de son appel et son ordination, il s'était écoulé presque 8 ans. Je crois qu'Hubert, devenu prêtre puis évêque, gardera cette obstination tranquille. Un prêtre de Calédonie me disait lors d'un stage dans une de nos paroisses de Tahiti « Comment peut-il faire pour recevoir les fidèles à n'importe quelle heure de la journée et entre quelques petites et précieuses minutes avant de nouveaux arrivants, continuer une traduction, ou la préparation d'une homélie, ou les comptes de la paroisse ? » C'est le lot de tous les prêtres ou religieux enseignants, mais encore faut-il avoir cette détermination qui vient du Seigneur. Détermination qui va durer surtout lorsque l'on veille pendant toute une vie à s'accorder un temps long et régulier de prière.

Mgr Michel COPPENRATH

© Semeur tahitien - 2007

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