1932 - Annales des SS.CC. (2)

Annales des Sacrés-Cœurs n°371 d’août-septembre 1932 pp.437-468

MONSEIGNEUR ATHANASE HERMEL

Note édifiantes sur son noviciat, ses débuts dans la vie apostolique, etc…

Un missionnaire, qui a été le compagnon de noviciat de Mgr Hermel et qui la aussi intimement connu en mission, nous adresse les notes suivantes :

Noviciat. - J'ai fait une partie de mon noviciat à Beire-en-Navarre avec le Frère Athanase Hermel. Tous les novices nous le considérions comme un saint. Son recueillement, son obéissance, sa fidélité à tous les exercices et à tous les travaux manuels - malgré de cruelles douleurs d'entrailles - nous le faisaient regarder comme un modèle, d'autant plus attrayant qu'en récréation, bien qu'il nous fût supérieur par le savoir, l’éducation et l'ordination (il était déjà sous-diacre, si je ne me trompe), il se montrait toujours d'une simplicité et d'une gaieté charmantes. Je crois bien qu'il n'a jamais manqué au silence. Et quelle piété, quelle dévotion à Marie !... II avait toujours son chapelet à la main, Dès qu'il se rendait d'un endroit à un autre, il le prenait instinctivement et le récitait modestement jusqu'à ce que l'on commençât le nouvel exercice.

J'ai eu l'occasion de vivre quelques semaines davantage en sa compagnie. Étant moi-même tombé malade. mais d'une maladie beaucoup moins crucifiante que la sienne, on nous mit tous les deux à un régime spécial, nous mangions avant la communauté et nous prenions notre récréation pendant que la communauté était au réfectoire. Sa maladie ne lui permettait pas de prendre la moindre nourriture solide : quelques miettes de pain dans un bol de lait suffisaient pour lui occasionner de terribles souffrances. De plus, il avait continuellement froid aux pieds : il profitait des moindres moments libres pour essayer de les réchauffer en faisant les cent  pas : ce n'était pas avec grand succès…

Le régime particulier qu'on nous accordait lui était bien utile, sinon nécessaire. Néanmoins, dès qu'il me vit rétabli, il demanda avec instance à revenir comme moi au régime commun et il s'efforça de s'y accommoder, n'acceptant de particularités ou de dispenses que lorsqu'elles lui étaient imposées par l'obéissance. Il en était de même pour les travaux manuels auxquels il était moins préparé que le reste des novices. Il ne se permettait pas d'y manquer, quelque pénibles qu'ils fussent, Je l'ai vu porter sur ses épaules de lourds paniers de sable qu'il pouvait à peine soulever. Avec sa frêle constitution, il ployait sous le poids, et en le voyant trainer ainsi péniblement mais courageusement sa charge, du sommet de la colline jusqu'au pied du réfectoire, je pensais malgré moi à Jésus-Christ portant sa croix.

Sa maladie dura tout le temps de son noviciat, avec des intermittences d'accalmie et de crises. Il passa au lit toute la semaine de la retraite préparatoire à la profession, Aussi fut-on sur le point de le refuser. C'est grâce, parait-il, à l'avis motivé du R.P. Wilfrid, un peu médecin et dont le sentiment était d'un grand poids aux yeux de tous, qu'il fut définitivement admis, Toujours est-il qu'il put se lever pour se rendre de Beire à Miranda-de-Ebro où il fit profession le 25 décembre 1896. À peine profès, sa santé s'améliora petit à petit et fut bientôt normale.

Scolasticat. - De même qu'il avait été le modèle des novices par son recueillement, sa piété, son obéissance, sa mortification, son zèle pour la vie commune, de même put-il être proposé pour modèle aux scolastiques à cause de son application à l'étude et de sa gaité en récréation. Je le connus peu comme scolastique, car il professa quelques mois avant moi et fut ordonné prêtre le 25 juillet 1897, Il fut alors nommé second Directeur des étudiants pour le temps des vacances.

De l'avis de tous, nous eûmes des vacances incomparables. Il allait de lui-même solliciter pour nous la faveur des grandes promenades, toujours si appréciées dans nos scolasticats, en particulier à Miranda où on avait devant soi un pays immense à explorer. Et il savait si bien plaider sa cause, ou mieux la nôtre, que le R.P. Wilfrid se rendait sans trop de peine à ses arguments. Il mettait beaucoup d'entrain parmi nous, et parce qu'il restait toujours très digne et très pieux, nous le respections beaucoup, et tous, espagnols ou français, nous l'aimions sincèrement, ce qui lui permettait, à l'occasion, d'exiger beaucoup de nous et même de nous réprimander avec force, comme il le fit un jour, au retour d'une grande promenade où on avait égaré un bol… chose grave, vous le pensez bien, pour l'honneur de la troupe qu'il commandait.

Missionnaire. - Comme missionnaire, dès son arrivée à Tahiti, il se mit de suite à la disposition de Mgr Verdier. À peine débarqué, il dut donner un grand sermon, en présence du Gouverneur et des autorités de Papeete, à l'occasion d'un service funèbre célébré pour les victimes du Cyclone des Tuamotu (14-15 janvier 1903). II prêcha également le carême à la cathédrale sur les sujets désignés par Mgr Verdier. Le bon Dieu bénit son obéissance et son zèle : car de ces conférences du Carême de 1903 datent un certain nombre de conversions, non des moindres, dont trois me sont personnellement connues et qui se sont traduites par de véritables modèles de vie chrétienne.

Évêque. - Quand il fut nommé évêque, son humilité et sa charité lui gardèrent les qualités de simplicité et de cordialité qu'il avait avec nous tous.

Si plus tard quelques-uns ont pu se plaindre parfois d'un peu de vivacité de sa part, il faut se rappeler que son long séjour aux colonies et les grandes fatigues de son épiscopat lui avaient débilité le tempérament et qu'il passait la plupart de ses nuits sans fermer l'œil, à peine en avait-il une de passable sur quatre : d'où une sorte de neurasthénie qui était sa croix quotidienne, Alors quoi d'étonnant qu'en certaines circonstances, il y ait eu un peu de nervosité ? Mais je le connais assez pour assurer qu'il était le premier à en gémir, et à s'en humilier devant Dieu. J'ai eu bien des fois l'occasion de l'entendre parler de ceux qui lui faisaient de la peine : c'était toujours avec une prudente charité, s'efforçant d'excuser tant qu'il pouvait et pardonnant de bon cœur. Et parce qu'il agissait ainsi, il pouvait nous parler franchement comme un père à ses enfants.

Maintenant qu'il est mort, tous rendent justice à ses excellentes intentions. Quant à lui, ce qu'il a pu y avoir d'imparfait dans ses moments de vivacité, il l'a largement expié par les longues et cruelles souffrances de sa dernière maladie. Il les a supportées avec une patience angélique, sans se plaindre. Quand on lui parlait de son état, « à la volonté de Dieu », disait-il : c'était invariablement sa réponse. Je crois bien que, se rendant compte de la gravité de sa maladie, il avait pris la résolution de tout souffrir pour expier les imperfections qu’il se reprochais sévèrement, et préparer son âme à paraître devant Le Souverain Juge. Puissions-nous, nous autres, n’avoir pas plus de fautes à nous reprocher au moment de paraitre devant Dieu, et nous, efforcer aussi généreusement que lui de les expier !

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